Originaire d’Australie, le batteur
Jason Sherlock débute sa carrière au tout début des années 1990 autour de Steve Rowe, au sein du groupe thrashdeath
Mortification, ayant la particularité avec les nord-américains de
Believer ou les polonais de
Creation of
Death, d’être parmi les premières formations extrêmes au discours fondamentalement chrétien. Si son ancien combo à la discographie conséquente n’est pas toujours très inspiré en cette première partie des nineties, sans non plus être médiocre, le bonhomme frappe ensuite pour le compte de
Paramaecium, groupe doomdeath fondé par Andrew Topkins à la même époque, auteur en
1994 du remarquable
Exhumed of the
Earth, d’une tout autre qualité.
Alors que le blackmetal ne s’est jamais aussi bien porté autour de cette année
1994, surfant grâce à une scène scandinave mise sous les feux de la rampe à cette période,
Jason Sherlock mène a bien un troisième projet éphémère nommé
Horde, officiant dans ce style si noir & radical en s’occupant par la même occasion du chant et de tous les instruments. Menant seul sa barque et ayant déjà le projet en tête depuis quelques temps, notre batteur enregistre son premier & unique album l’année même de sa fondation, décrochant en plus un contrat avec Markus Staiger chez Nuclearblast, qui distribue déjà les disques de
Mortification. L’identité du bonhomme n’est toutefois pas dévoilée, celui-ci optant pour le pseudonyme Anonymous, lui permettant de conserver le secret pendant quelque temps.
Sans compter le laps de temps extrêmement court entre les premiers battements de
Horde et la sortie de son album
Hellig Usvart, le plus étonnant reste son discours chrétien et antisatanique, pour le moins paradoxal dans un style comme le blackmetal où l’idéologie compte souvent autant que la musique, antre où la haine contre toute forme de religion n’a jamais été aussi forte. Ainsi, un titre sans équivoque comme Invert the
Inverted Cross et les propos qui l’accompagnent ont de quoi surprendre et déclencher les foudres des puristes, pour citer quelques menaces parvenues à l'époque sur le bureau de Nuclearblast.
Au-delà de son discours "anti-anticlérical",
Horde entretient toutefois une image relativement sombre, depuis son logo en lettres gothiques épineuses, son absence de photo, ou la pochette d’
Hellig Usvart montrant un bout de cimetière lors d’une nuit au noir impénétrable. La courte intro plante ainsi ce décor obscur, s’enchainant sur l’impitoyable
Blasphemous Abomination, 47 secondes cataclysmiques où le batteur rappelle combien sa vitesse à la double pédale et l’intensité de ses blast-beats renversent, à une époque où aucune tricherie par les triggers n’est encore possible.
Toujours aussi furieux mais moins systématiquement apocalyptique,
Hellig Usvart enchaine ainsi les bons morceaux et varie les ambiances, gagnant même en densité et en efficacité au fil de son avancée. Citons par exemple le départ en trombe d’
Abandoned Grave suivi d’une décélération intense et incisive, les two-beats si entrainants de Drink from the
Chalice of
Blood supportant un riffing simple et sacrément tranchant, ou encore les rythmes et les guitares tout aussi percutants d’Invert the
Inverted Cross, le tout servi par un chant anthracite & râpeux à souhait.
Si
Jason Sherlock n’est pas un guitariste ni un bassiste exceptionnel, se contentant d’une tripotée de lignes souvent primaires, il faut en revanche lui reconnaître l’art de trouver les riffs qui percutent, ainsi que sa maîtrise et sa vitesse d’exécution à la batterie permettant un déchainement total des morceaux lors des passages les plus cataclysmiques. Puissant et sans prétention, cet album unique reprend ainsi les principaux codes du genre avec une apparente facilité et une efficacité tout aussi notoire, montrant un musicien à l’aise dans tous les domaines extrêmes explorés à cette période. Issu d'une formation éphémère et littéralement traduit "non-black saint", l’unblack
Hellig Usvart doit évidemment être perçu comme un pied-de-nez pointé en direction des formations blackmetal du moment, principalement norvégiennes, une parodie censée apporter une lueur d'espoir pour reprendre les mots de son auteur, sans pour autant avoir à rougir musicalement.
Fabien.
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