Encore un ixième groupe de metal symphonique à chant féminin, sans doute promis comme tant d'autres à un avenir des plus incertains, me direz-vous, et vous auriez raison. Seulement, contrairement à nombre de ses homologues évoluant dans un rock'n'metal symphonique accessible et édulcoré, ce jeune combo italien originaire de Bologne a opté pour un subtil mélange des genres, officiant dans un metal mélodico-symphonique et progressif empreint d'une touche folk et death. Ainsi, il nous place à la croisée des chemins entre
Therion,
Midnattsol,
Eluveitie,
Amorphis,
Lyriel et
Draconian. Une originale combinaison de styles, parfaitement assumée et savamment orchestrée, qui a prestement piqué notre curiosité...
Dans cette aventure initialisée en 2010, et depuis le début, ce jeune collectif transalpin compte dans ses rangs :
Gaia Dondi (Aftergod) et Filippo Calanca (dit ''Cally'') au chant ; Michele Montini (dit ''Sunti'') à la guitare et au chant : Lorenzo Sirani (dit ''Lollo'') à la basse et au chant ; Bernardo Bruno (dit ''Berna'') aux claviers ; Fabrizio Camassa (dit ''Bruce'') à la batterie ; Federico Pareschi (dit ''
Morg'') à la guitare ; Francesco Vellone (dit ''Cesco'') au violon. Preuve d'une solide cohésion groupale et qui a pour corollaire une insoupçonnée fusion de talents. Encore peu popularisé au-delà des frontières par trop limitatives de sa terre natale, le jeune octet cherche ses marques. Aussi s'est-il élancé prudemment dans l'arène, ayant patiemment élaboré et réalisé son projet.
Après une discrète démo réalisée en 2010 et un single intitulé « Ceneri » en
2012, le groupe décida d'élever d'un cran le niveau de ses exigences, nous octroyant, un an plus tard, ce premier EP répondant au nom de «
Haven,
Lost » ; auto-production de 7 titres, généreuse de ses quelque 37 minutes, jouissant d'un enregistrement de bon aloi et ne concédant que peu de sonorités résiduelles. De cet opus, on retiendra également la finesse de plume de leurs auteurs (Cally, Sunti et
Morg), la judicieuse et prégnante juxtaposition de voix mixtes, une atmosphère à la fois vivifiante et énigmatique, sans oublier le bel élan créatif de composition dont ces pistes s'en font l'écho.
Tout d'abord, la formation italienne nous livre quelques espaces d'expression susceptibles de retenir le chaland plus que de raison, notamment lorsqu'elle se montre offensive. Ainsi, on ne passera pas outre l'entraînant mid tempo progressif «
Carillon », à mi-chemin entre un
Lyriel estampé « Paranoid
Circus » et
Amorphis. Et ce, à la fois pour ses truculents gimmicks guitaristiques, ses délicats arpèges au piano, sa basse vrombissante et ses sémillantes accélérations. Au fil d'une infiltrante ligne mélodique s'intercale un fringant duo mixte en voix claires évoluant à l'unisson, dont l'empreinte masculine n'est pas sans rappeler celle d'un certain Tomi Joutsen (
Amorphis). On ne saurait davantage rester de marbre à l'aune du chevaleresque « Wanderer's Quest » ; titre aussi vitaminé qu'enjoué, calé sur un cheminement harmonique difficile à prendre en défaut, dans la droite lignée de
Midnattsol, et qu'on ne quittera qu'à regrets.
Dans une orientation un poil plus death, nos acolytes n'ont pas plus tari d'inspiration, nous plongeant dans un champ de turbulences propice à un headbang échevelant. Dans cette énergie, on sera happé par la frondeuse rythmique du tempétueux «
Haven,
Lost », contrastant avec de sensibles gammes au piano. Non sans évoquer
Eluveitie, avec quelques noirceurs propres à
Draconian, cet intrigant méfait n'en oublie pas de distiller une sente mélodique tout en nuances, mise en exergue par les enivrantes inflexions parfaitement coalisées de
Gaia et Cally. Pour sa part, «
Twilight upon the
Earth » évolue sur des charbons ardents de bout en bout du manifeste. Sur fond de riffs acérés surmontant une rythmique un tantinet syncopée, nous offrant un grisant legato à la lead guitare au passage, ce morceau dévoile en prime un pont techniciste bien négocié, une orchestration en phase avec le corps oratoire.
Plus vigoureux encore, « Battle
Spirit » regorge de riffs assassins, abonde en frappes sèches de fûts assénées au rythme d'un cheval au galop. Sauvage et quasi incontrôlable, le diluvien méfait accroche le pavillon, et ce, malgré une mélodicité en demi-teinte. Chapeau bas.
Lorsqu'elle touche aux longues plages symphonico-progressives, la jeune formation se transcende, témoignant d'un potentiel technique et mélodique que pourraient lui envier ses pairs. Aussi a-t-elle inséré dans cette rondelle, après l'avoir réarrangé, le plantureux single « Ceneri ». Jouant à plein sur les effets de contraste atmosphérique et rythmique, à la manière de
Therion, l'effort se fait tour à tour magmatique et tamisé, mordant et romantique, saignant et sensuel. Au fil des 8 minutes de cette fresque, on appréciera tant la galvanisante gradation du corps orchestral que la précision des lignes mélodiques dont se nourrit la totalité de la pièce en actes. Lorsque l'instrumentation s'épaissit, les impulsions de nos deux tourtereaux encensent le tympan. Peut-être la pépite de la galette.
Est-ce à dire que l'on friserait le sans faute ?
Pas tout à fait. En effet, sans accuser une quelconque baisse d'énergie, l'une des plages serait moins favorable à une inconditionnelle adhésion que ses voisines. Ce que laisse entrevoir l'impulsif « Nescience Embrace » qui, en dépit de ses riffs crochetés, d'une basse ne manquant nullement de pep et d'une flûte enchanteresse, accuse quelques longueurs et un sillon mélodique en proie à d'incompressibles linéarités. En ce sens, la joviale offrande folk doublée d'une empreinte death mélo, pourtant dotée d'un fin picking à la guitare acoustique, ne parviendra guère à se hisser à un niveau de composition comparable à un captateur « Wanderer's Quest ». Un relatif bémol toutefois.
On ressort de l'écoute de la galette avec l'agréable sentiment de détenir une œuvre à la fois frondeuse et raffinée, puissante et fragile, solaire et crépusculaire, tantôt insolente, tantôt romantique. D'emblée, la formation transalpine interpelle par son audace, séduit par ses sémillantes suites d'accords et convainc par sa technicité instrumentale, tout en octroyant un message musical témoignant d'ores et déjà d'une certaine épaisseur artistique. Certes, il leur faudra encore penser à diversifier les exercices de style pour élargir encore le champ de leur auditorat. Mais nos compères ont le temps de peaufiner leur projet pour le rendre plus immédiatement immersif, et donc, plus impactant qu'il ne l'est. Cela étant, le combo n'a pas éludé les prises de risques, à commencer par la combinatoire de style, et n'a pas cédé aux sirènes de la facilité. C'est dire qu'à l'instar de cette livraison, le combo italien a une belle carte à jouer pour espérer à terme s'imposer à l'international.
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