Il y a des scènes comme ça, situées aux confins du monde, peut-être pas des plus fournies, mais très distinctes et révélant d’exceptionnels prodiges. L’Australie ne brille, certes, pas suffisamment pour son heavy metal, mais même dans ce domaine, ce n’est pas un pays à qui on donnerait des leçons. Voilà que nous vient de là-bas un nouveau venu tout à fait prodigieux s’exerçant dans un style tout à fait éculé du heavy metal, mais qui ne contentera pas que les simples nostalgiques de la grande époque. «
Convent Guilt », originaire de la ville de Sydney, puise d’ailleurs très allègrement dans le heavy metal des années 80. Naturellement, les formations de la NWOBHM sont beaucoup citées chez eux, au premier titre «
Cloven Hoof ». Mais il y aussi chez eux un goût immodéré pour «
Judas Priest » et peut-être même un réel emprunt dans le heavy metal américain de cette époque, qui serait lui inavoué. Car, à la vérité, on songe plus à des groupes comme «
Brocas Helm » ou «
Slough Feg » quand on écoute «
Convent Guilt ». Les Australiens se font tout de suite remarquer dès le lancement de leur démo éponyme en
2012, leur permettant de travailler sereinement sur un premier album, qui paraîtra premièrement en vinyl chez l’imminent Cruz del Sur, puis en support CD chez
Shadow Kingdom Records. Deux labels émérites dans les productions de heavy metal à l’ancienne. Quatre gars dans le vent. «
Guns for Hire » était sûr de galoper librement dans les grandes plaines sauvages.
Ne prêtez pas trop attention à la pochette de l’album, faisant pour le coup très amateur. Peut-être est-ce d’ailleurs le but recherché. Le groupe aurait ainsi voulu pousser la ressemblance y compris dans un champ visuel, afin de mieux se confondre aux réalisations de l’époque, dont les illustrations sont encore remarquées pour leur très mauvais goût. Au contraire, le contenu va vous enchanter. On devine une production de qualité moindre, dès le lancement, encore pour s’accorder avec la musique d’autrefois. La confusion est pour ainsi dire totale. Cette production n’entrave en rien l’exercice. On retient d’ « Angels in Black
Leather » un heavy décapant et pétillant, à l’ancienne, très typé US. Les musiciens font preuve d’une énorme dextérité et propose des riffs entêtants et investis. Ils nous offrent ainsi un « Perverse
Altar » endiablé au refrain aguicheur et au solo superbe. Que demande de plus le peuple?
Seul le Motörheadien « Stockade » ne semble pas vraiment succomber à cette surenchère. Il est valeureux, mais semble un peu moins inspiré que le reste de l’album. Il s’illustre lui dans un rythme déchaîné, et plus dans un registre hard rock que heavy metal.
Oui ! On retient également un peu de hard rock dans la formule, et très orienté US à en croire notamment le très burné « Don’t
Close Your Eyes », qui opte pour un léger côté bayou, vieux sud, pour agrémenter ses riffs tranchants. Le titre éponyme serait pour celui-là une sorte de redite, tout aussi énergique, faisant bien ressortir la basse et la batterie. Il y aurait autant de nonchalance mais avec un riffing plus tempéré et salvé cette fois sur « Convict to Arms », ressortant un soupçon d’influence de «
Black Sabbath » sur cette piste malléable, sympathique, au refrain mémorable. Une autre grande figure va ressortir de l’album, mais de manière très éloquente. «
Desert Brat » vous rappellera sans la moindre difficulté ce géant du heavy metal anglais qu’est «
Judas Priest ». On y reconnait ces riffs et ce chant agressifs, nous remettant fin des années 70 et tout début des années 80, quand Rob et ses comparses sortaient les albums « Stained Class » ou « Killing
Machine ». L’effet est tout aussi efficace. Nous pouvons nous sentir pris aux tripes. Ce titre explosif est tout aussi révélateur que l’étrange détour entrepris par
Convent Guilt sur « They Took Her Away », où le groupe s’essaye à un folk metal façon «
Skyclad », d’abord confiné, presque médiéval, puis vigoureux et épique quand intervient la guitare électrique.
De la multiplicité des sources «
Convent Guilt » en tire ses ressources. Ce groupe est une véritable bizarrerie dans le heavy metal actuel. Il ne s’aligne aucunement avec la vague revival, décelable pour ses sonorités javellisées et ses chants suraigus. Ce n’est pas non plus un heavy metal contemporain. Le groupe australien restitue avec une grande fidélité le heavy metal ancestral issu de deux continents différents. Il était dur d’imaginer un compromis entre «
Judas Priest » et «
Slough Feg ». Et bien, «
Convent Guilt » c’est un peu ça. Un pont entre deux continents et une machine à voyager dans le temps. Nul doute que le groupe fera des émules, surtout parmi les amateurs de heavy old-school, et donnera envie de s’intéresser de plus près à une scène heavy metal australienne que l’on croyait moribonde, mais qui cache remarquablement quelques petits secrets. «
Guns for Hire » révélé, il dévoile ses trésors. Mais diable m’est témoin. Découvert, ils m’appartiennent. Ce n’est qu’armés de fusils que vous piquerez cet or.
15/20
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