La grâce de porter l’estocade, d’ôter la vie, d’emporter avec soi l’existence et la vie.
Curieuse oxymore poétique que cet alliage antinomique de termes, révélant à la fois la beauté et la sauvagerie dont l’acte humain est capable. La dualité qui nous anime tous, la part de ténèbres ancré dans les convictions les plus passéistes ou au contraire la lueur de clarté dans le plus obscur des esprits.
Ces émotions fondamentalement opposées sont la base de la musique des ukrainiens de
Flying, évoluant dans un death metal mélodique de l’école des années 90. On peut déjà voir dans le patronyme du groupe cette idée, où celle de voler (ou errer ?) en jouant du metal de la mort.
La première chose que l’on remarque dans ce troisième album, c’est sa splendide pochette, très riche en couleurs et en symboles (cette Mona Lisa prête à bruler dans le coin inférieur gauche). La pochette intérieure cachée par le cd est tout autant évocatrice puisqu’elle renvoie directement au célèbre "Heartwork" de
Carcass (les mains mécaniques étant remplacées par des ailes dépliées, le cercle au milieu comme pour l’artwork des anglais).
Musicalement, c’est effectivement à cette période de
Carcass, à At the
Gates, aux vieux
In Flames,
Soilwork et
Dark Tranquillity que se réfère
Flying pour puiser son inspiration musicale et la transformer en création.
Maitrisant son sujet de bout en bout, produit d’une manière écrasante par Andy Larocque, "Graceful Murder" bénéficie d’une seconde jeunesse après une première sortie en 2010 (uniquement en Ukraine) avec la participation de
Metal Scrap Records et
More Hate Productions pour le reste de l’
Europe. Si le chant de Victor Ozolin n’est pas parfois sans rappeler celui du viking Johan Hegg mais avec un timbre plus profond et grave, les guitares et l’atmosphère se veulent gras et sans concession, n’apportant de la mélodie que sur des passages finement ciselés, sans claviers ou chant clair, pour renforcer la puissance constante de l’album.
De ce fait, "Graceful Murder" s’inscrit dans la lignée old school du death mélodique, très éloignée des
Children of Bodom,
Scar Symmetry,
Norther ou
Naildown qui usent de claviers et de chants clairs très prononcés. Le niveau technique, bien que très correct, est également plus rudimentaire (malgré la présence de solo très bien sentis, comme par exemple sur lourd et mid tempo "The Moment of
Creation") et va droit à l’essentiel, sans fioritures ou démonstration ostentatoire.
Dès l’ouverture, directe et brutale, de "Progenitors", on ressent cette sensation de violence et d’oppression propre au death metal. Aérant sa musique par l’intermédiaire de lead mélodique superbement ancrés dans les riffs, d’accélérations redoutables permettant l’instant suivant de reprendre son souffle ou encore sur certains refrains percutants et ressortant de la structure,
Flying n’invente rien mais maitrise son sujet impeccablement. Des riffs brises-nuques surgissent de ce premier morceau sur un break taillé pour le live, pendant que les soli distillent une atmosphère apocalyptique de désastre et de chaos (atmosphère clairement mise en image dans le livret de l’album).
Le titre éponyme est l’exemple ultime de ce qu’est capable le groupe, d’un riff initial puissant et taillant dans le vif tout en gardant une mélodie facilement assimilable et une ligne vocale agressive et brute.
Flying fait les choses bien même si un certain grain de folie manquera inexorablement dans un style où, depuis presque 20 ans, presque tout a déjà été dit (tout du moins dans sa forme originelle).
Pourtant, les ukrainiens ne ménagent pas leurs efforts et certains titres sortent complètement du lot. "
The Answer" est la composition la plus directe et vindicative de l’album, influencée par les mouvances plus modernes et syncopées sans pour autant perdre l’identité du groupe ou sombrer dans le plagiat metalcore actuel et aseptisé. De la même façon, "
Reborn" se rapproche quant à lui de Nevermore pour son aspect torturé, désabusé et son chant clair ressemblant à s’y méprendre à celui de
Warrel Dane (exécuté par un certain Eugene Pylypenko). Troublant tant cette conclusion se détache du reste du disque mais peut également faire office d’échappatoire possible à l’avenir, la composition étant peut-être la plus troublante et émotionnelle de "Graceful Murder", laissant planer une souffrance latente et à vif.
Flying signe finalement avec ce troisième véritable opus (après avoir multiplié les ep et les rééditions) un excellent disque, parfois inégal et en manque de second souffle, mais trouvant une conclusion magistrale et personnelle sur son ultime morceau, ouvrant la porte à de nouvelles influences à l’avenir. Il est en tout cas certain que "Graceful Murder" ravira les adorateurs d’un son majoritairement originaire de Suède mais trouvant ici un impeccable concurrent en la présence de
Flying.
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