Tout commence par une longue montée gutturale, pareille à la lente sortie d’un zombie en provenance des entrailles putrides de la terre. Un infect arpège se disperse dans l’espace sonore, suivit peu après par une basse terrifiante. La gorge se tait, l’amplification augmente, la batterie rentre en scène. Une voix claire apparaît, comme ailleurs, s’envolant… avant que la douleur ne reprenne le dessus, les cris déchirant l’atmosphère. Voilà comment
Gallhammer s’y prend pour s’imposer dès les premiers instants. Glauque, voilà qui résume bien l’atmosphère générale.
Gallhammer, ou le génie de trois jeunes japonaises décidant d’honorer leurs idoles, ni plus ni moins
Hellhammer et
Amebix, autant donc le dire de suite : ça tape dans du black bien cradingue. Le groupe naît en 2003, sort quelques démos puis propose ce
Gloomy Lights fin 2004. 8 morceaux, quarante petites minutes, un artwork dépouillé, on n’est pas ici dans la surenchère…
Et pourtant, que cet album est bon ! Il faut bien l’avouer, nos trois japonaises se démène comme des furies pour nous proposer une musique certes assez peu originale mais bardée de tripes et non sans créativité. C’est un des reproches qui a pu être formuler à leur encontre : c’est du déjà vu. Etrangement, ce propos peut se tenir pour une immense majorité de la scène black metal (et même musicale en générale, mais ce n’est pas la place ici d’un débat sur la créativité). Mais le fond est une histoire de feeling. On ne fait pas des chiens avec des chats diraient certains, il n’est donc pas étonnant de trouver traces des influences du groupe au travers leurs compos. Mais là où le groupe excelle, c’est en parvenant à utiliser ce matériel pour le remanier à sa sauce, se l’approprier et lui donner au final une identité à part entière.
Niveau musical donc, on a le droit à un black bien sale et décadent, tout en mid-tempo, avec de grosses influences punk et même parfois rock. Les riffs et mélodies sont simples, très simples, mais parfaitement maîtrisés, c'est-à-dire suffisamment accrocheurs pour ne pas avoir besoin de faire plus compliqué, et bien mixés pour que le son en rende toute la profondeur. Un simple trio guitare-basse-batterie tenue de main de maître par ces trois petites japonaises, qui n’ont peut-être pas l’air comme ça, mais qui pourtant assure au moins aussi bien que leurs aînés. Et puis cette voix… Mais comment font-elles (une chanteuse principale, les autres venant prêter leur cordes vocales de temps à autres) pour pousser des cris aussi barbares ? Je connais un paquet de groupe black avec une voix ridicule qui devrait en prendre de la graine. Plaintive, poussée à la limite, complètement arrachée, le moins qu’on puisse dire est que la voix y est pour beaucoup dans les ressentis éprouvés à l’écoute de l’opus.
D’ailleurs, de quoi est-il question ici ? On deal ici avec un sentiment de résignation typiquement punk, acharné et décharné à la fois, sale, agressif, mais aussi désespéré et même parfois mélancolique. Ça donne envie de boire du whisky en traînant dans les cimetières des villes, ça sent la terre fraîchement retournée et le zombie en putréfaction. Ça sent la décadence, l’abus de substance, la perte de repère, le dégoût, la nausée. Et l’on s’approche d’un sentiment de douleur, largement palpable en certains endroits, révélation du vide qui nous ronge : « I lost myself. Can’t find anything.
Senseless emotion has come ». Et ce n’est pas le dernier titre qui nous sortira de cette torpeur maladive, sorte d’outro bruitiste (sans aucun doute influence de l’une des trois ayant officier dans un groupe noise), composée d’une basse et d’un tempo répétitif, agrémentée de larsen, cris et bruits en tout genre, sorte d’agonie finale d’une dizaine de minute.
Un premier album réussi haut la main par ces trois damoiselles des enfers, simple mais efficaces et très accrocheurs. Peu de sorties peuvent se targuer d’atteindre ce niveau dans l’expression aussi juste de tels sentiments. Ce
Gloomy Lights possède aussi la particularité de pouvoir s’écouter régulièrement, tout en gardant la même intensité au fil du temps.
Pas un chef d’œuvre certes, mais une œuvre marquante c’est certain.
15/20.
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