Rares sont les projets metal symphonique à chant féminin à être menés de bout en bout par leur productrice, auteure/compositrice et interprète principale. C'est précisément dans cette grisante aventure que s'est lancée depuis quelques années déjà la talentueuse artiste canadienne
Cecile Monique. A la tête d'un EP éponyme sorti en 2011, auquel ont succédé plusieurs singles entre
2012 et 2018, la charismatique chanteuse revient, cette fois, dotée d'un album full length dénommé « Genesis ». Ce faisant, on effeuille une pénétrante et sensuelle auto-production généreuse de ses 44 minutes où s'égrainent 12 titres rock'n'metal mélodico-symphonique gothique dans la veine de
Within Temptation (première période),
Delain,
Sirenia ou encore
Diabulus In Musica. Cette nouvelle proposition sera-t-elle de nature à maintenir les jeunes loups aux dents longues en respect dans un registre metal déjà surinvesti ?
Dans ce dessein, si elle a réalisé les musiques et paroles ainsi que la plupart des arrangements de l'opus, la maîtresse de cérémonie a également sollicité les compétences de musiciens aguerris, à savoir : Sammy
Duke à la guitare ; Dan Corrigan à la basse/double basse et Robert Crowder à la batterie, Pour leur part, le mastering estampé Phil Demetro et l'ingénierie du son signée Kevin Dietz assurent à la galette un enregistrement de bonne facture, ne laissant filtrer que peu de sonorités résiduelles, un mixage bien équilibré entre instrumentations et lignes de chant, et surtout une belle profondeur de champ acoustique. Une production d'ensemble rutilante qui a pour corollaire un artwork de la cover d'inspiration fantastique où est esquissée la frontwoman elle-même, celle-ci tenant dans l'une de ses mains une pomme, symbole de vie, et dans l'autre, un crâne humain, cristallisant la mort. Mais entrons plutôt dans la petite goélette en quête de trésors enfouis...
Conformément aux codes du genre, l'album s'ouvre et se referme sur un bref et cinématique instrumental. Ainsi, dotés d'arrangements ''nightwishiens'', « Overture (Sicut Erat) » et « Finale (Nunc Et Semper) » se posent telles deux plages symphonico-progressives classiques aux airs de grandes productions hollywoodiennes. Deux infiltrantes offrandes où sonnent les tambours, et ce, parallèlement à un tapis synthétique qui peu à peu s'épaissit et à une chorale samplée qui, lentement, se densifie ; la première piste finissant crescendo, la seconde s'achevant sur d'inattendues ondulations de la belles. En revanche, eu égard à une linéaire mélodicité et à l'absence de relief rythmique, le bien-nommé « Interlude (In Principio) » ne pourra s'imposer à nos pavillons alanguis.
Lorsque les pistes se montrent à la fois fringantes et colorées, le combo parvient sans l'ombre d'une difficulté à encenser le tympan. Ce qu'il démontre déjà à l'aune de « Genesis », tubesque mid tempo dans la lignée d'un
Within Temptation de la première heure, et du ''delainien'' « Come to Me (Venite Omnis) ». Evoluant sur des couplets bien customisés que relayent des refrains catchy mis en exergue par les cristallines inflexions de la sirène, les deux frissonnants et mélodieux méfaits pousseront irrémédiablement le chaland à une remise en selle. Dans cette logique, on retiendra encore «
Never Be the Same » tout comme « Throw It Away », dévorants mid tempi pop metal symphonique dans la lignée de
The Murder Of My Sweet, à la fois pour leurs insoupçonnées montées en puissance et la prégnance de leurs sentes mélodiques.
Dans une énergie alternative, le collectif assombrit parfois ses atmosphères sans pour autant nous désarçonner, loin s'en faut. Ainsi, à la façon de
Lacuna Coil, doublé d'une touche d'
Evanescence, l'énigmatique mid tempo symphonique gothique « Heat » nous mène en de crépusculaires instants tout en maintenant intact un cheminement mélodique des plus ensorcelants. Aussi efficace que troublant, le mystérieux effort nous gratifie d'insoupçonnées variations et d'un laconique mais délicat solo de guitare. Dans une atmosphère plus éthérée doublée d'un léger parfum d'Orient, l'hypnotique «
Alibi », quant à lui, révèle d'envoûtants atours mis en habits de soie par les félines volutes d'une interprète bien habitée.
Quand la cadence ralentit un tantinet, la troupe n'a pas davantage tari d'inspiration, livrant alors ses mots bleus les plus enveloppants. Elle nous invite tout d'abord à une immersion dans un bain orchestral aux doux remous à l'instar de l'orientalisant et caressant « Break ». Un titre inspiré par
Epica et qui envoûte tant par ses capiteux harmoniques qu'au regard des sinueuses et claires impulsions de la déesse. On ne résistera pas davantage aux enchanteresses séries d'accords de «
Another Life » ; ballade romantique jusqu'au bout des ongles, aux airs d'un slow qui emballe et que n'auraient reniée ni
Sirenia ni
Delain. Corroborées aux délicats arpèges au piano et enrichies de choeurs aux abois, les sulfureuses modulations de la sirène sauront chercher l'aficionado du genre au plus profond de lui-même. Et comment ne pas succomber aux radieuses portées du sensible «
Ashes », frissonnante ballade atmosphérique qui devrait laisser quelques traces dans les mémoires de ceux qui y auront plongé ?...
Aussi effeuille-t-on une œuvre riche en harmoniques, variée sur les plans rythmiques et vocaux, mais plutôt classique dans sa structure comme dans ses options atmosphériques, avec peu de prises de risques consenties, in fine. Ce faisant, le propos s'avère à la fois entraînant, subtil, parfois mystérieux, voire romantique. Jouant à plein sur la fibre émotionnelle, le message musical fera plier l'échine à plus d'une âme rétive et, assurément, comblera les aspirations des fans des maîtres inspirateurs du combo canadien. Bref, un premier album à l'ingénierie du son soignée et bien inspiré qui, même s'il reste parfois calqué sur les vibes de leurs sources d'influence, pourra dores et déjà propulser la formation nord-américaine parmi les sérieux espoirs du metal symphonique à chant féminin. Du moins, on ne peut que le lui souhaiter...
Vous devez être membre pour pouvoir ajouter un commentaire