En provenance directe des terres rugueuses de la côte Ouest battue par les vents de l’Atlantique, l’Irlandais Conchúir O’Drona (dont l’anglicanisation du nom se prononce Connor O’Droney) ne pouvait pas donner naissance à autre chose qu’une première œuvre de
Dark Ambiant froid, imbibé de tourbe noire et d’anciennes légendes celtiques. Une sortie qui ne se confine pas à un premier coup d’essai, puisque notre homme a déjà fait ses premières armes au sein du projet complètement barré de BreakcoreNoiseSpeedTrance (on doit pouvoir le mettre dans n’importe quel ordre…) qu’est Drugzilla ayant effectué une tournée avec
Anaal Nathrakh l’année dernière.
L’artwork dessiné par Mories (ayant à son actif les projets de
Dark Ambiant que sont
Gnaw their Tongues et
Aderlating) et la photo d’intérieur prise à Quinn Abbey sont à l’image du compté de Clare où Conchúir O’Drona réside : sauvage, mystérieux, parfois hostile et empli d’austérité, c’est à la source même que FTBOA prend ses sonorités à travers une capture de sons en field recording. Au crépuscule, quand les vagues viennent s’écraser contre les
Falaise de Moher et que le vent siffle à travers cet imposante tour de pierre enfoncée dans l’océan, dans les terres calcaires de la région du Burren, désert minéral crevassé par les pluies continues, la distorsion apportée par-dessus impose une puissance assourdissante à l’ensemble de l’œuvre qui se voit approcher parfois les territoires de la musique Noise comme sur l’impressionnant final qu’est Crosswinds où se mêlent des nappes New-Age et la violence du vent, le tout construisant un épais mur sonore qu’il sera difficile de percer.
Cette technique de composition simplissime et à double tranchant aurait pu conduire à un album terriblement ennuyeux, mais Conchúir O’Drona évite savamment le piège de la monotonie par une durée somme toute assez courte ainsi qu’une forte impression d’écrasement et de vulnérabilité face aux déferlements qui s’abattent sur nous. L’Irlandais aurait voulu nous mettre nu, faisant face aux falaises noires perdues dans le chaos du brouillard de la pluie et de la tempête qu’il ne s’y serait pas pris autrement.
FTBOA n’en oublie pas pour autant ses racines, celles des anciennes légendes encore ancrées dans les contes et histoires que certaines familles continuent à se transmettre les soirs d’orages au coin du feu. Comme cette créature mystérieuse qu’est la
Banshee par exemple, dont le cri épouvantable venait annoncer la mort imminente d’un proche. Le second morceau Aos Si lui fait honneur en ayant recours à des samples tirés du documentaire de Mary Sue Connolly « Glenafooka : Glen of the
Ghost ». On regrettera cependant une certaine longueur et un titre qui n’évoluera pas tout au long de ses dix minutes, reprenant presque à l’identique la musique du film et les différentes interventions des Irlandais témoignant l’apparition de la créature. Le niveau d’intensité et de saturation reprendra juste après avec Lebor Gabhala Eireann (un livre collectant les anciens poèmes et contes celtiques), alternant les boucles bruitistes et la noirceur des éléments.
Là où cet album aurait pu concentrer tous les clichés du genre et donner un résultat pataud, FTBOA mélange avec subtilité les ambiances noires du
Dark Ambiant, la puissance de la Noise et le folklore Irlandais, ce dernier étant porté par une vision inquiétante et pessimiste (qui, en Irlande, parle encore Gaélique ou croit aux anciennes légendes? Conchúir O’Drona voudrait lui-même croire que, en dépit de l’industrialisation toujours plus croissante du Tigre Celtique, les Hommes ne devraient pas oublier leurs anciennes traditions). On sent l’homme marqué par son Histoire, et le split avec
Dark Ages sorti récemment sur Vinyle ne fait que continuer dans cette veine froide et pessimiste, ayant pour thèmes les terribles famines qui se sont abattues sur les pays d’origine des deux formations (Ukraine: Holodomor - 1932–1933 et Irlande: an Gorta Mór – 1845 – 1852 ).
From the Bogs of Aughiska pourrait bien se faire un petit nom dans la scène
Dark Ambiant d’ici peu aux côtés de
Gnaw Their Tongues et consorts s’il continue dans sa lancée d’une musique aussi ravageuse et destructrice qu’intelligemment menée sur le plan conceptuel et visuel. Des tourbières humides de la côte, qui sait ce qu'il pourra y naître?
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