Bon, j’allais vous rabattre les oreilles avec une sempiternelle tirade comme quoi le Prog moderne, de nos jours, c’est toujours la même chose et qu’avec la ribambelle de musiciens super talentueux qu’on a grâce à l’explosion de la toile, ces groupes se multiplient comme des petits pains et que pour un groupe inspiré, y’en a quarante-cinq derrière qui font le même boucan, etc. Mais aujourd’hui, j’ai décidé d’être zen. Déjà parce que je suis à la bourre sur mon calendrier des sorties 2017 à chroniquer et qu’on est en 2019 (donc ça ne sert à rien de s’exciter), et surtout parce qu’on va parler de "
Foreword" de
Disperse, et même que c’est un album vachement cool que j’apprécie (désolé pour le spoil).
Disperse est un quartet polonais, émergeant à la fin des 00’s / début des années 2010 et suivant la vague Prog Moderne (que certains nommeront Djent, terme barbare que l’auteur de ces lignes ne se risquera point d'employer) portée par des
Periphery et autres TesseracT. Comptant notamment dans ses rangs le jeune et talentueux Jakub Zytecki (mais pas seulement, hein), le groupe produit ses deux premières galettes, dont un solide (même si parfois un peu maladroit) "
Living Mirrors" sur Season Of
Mist (quand même) et nous livre cette troisième offrande en l’an de grâce 2017.
Et il me faut vous arrêter maintenant, vous, honorable voyageur en quête de sensations fortes, de gros riffs qui tâchent, de voix grave boostée à la testostérone de grizzly, continuez votre chemin et cliquez sur le bouton précédent de votre navigateur.
"
Foreword" est profondément différent de ses prédécesseurs et surtout de ses contemporains, inspirés des rythmiques torturées de l’oncle
Meshuggah. Avec très peu de distorsion (en retrait dans le mix, sauf peut-être sur Stay, je vous l’accorde) et une dominante Pop-ish Jazzy, cette troisième offrande de
Disperse se distingue toujours par la grande technicité de ses jeunes protagonistes et surtout par un sens de la mélodie rarement atteint dans une production étiquetée à la base Prog
Metal.
Une utilisation massive de samples (notamment de voix féminines aux sonorités d’Asie Orientale, de la même manière qu’un
Cynic sur Carbon Based
Anatomy), d’arrangements au clavier couplée à une section rythmique très Jazz (quel batteur !), donnent une teinte très chaleureuse aux compositions, pour un ressenti final très « feel-good ». L’ensemble des titres est principalement porté par les mélodies de 7 cordes de notre ami Zytecki, véritable épine dorsale du combo, apportant beaucoup au feeling de
Foreword avec une importante utilisation de gammes Majeures, d’harmoniques et un son clair omniprésent. On notera tout de même la présence de parties solo techniques distillées çà et là au fil des morceaux, pour les amateurs de virtuosité parmi vous.
Malgré des morceaux à la dominante très Pop assumée (le très catchy "Tether", "Bubbles", ou encore "Neon") avec quelques influences Post-Rock, les éléments évoqués plus tôt, l’utilisation de signatures rythmiques inhabituelles, la complexité des compositions et leur richesse permettent à
Foreword de se placer en tête de file des sorties Prog de 2017, devant même (j’ose pour la provoque) Malina de
Leprous et au coude à coude avec un
Clairvoyant de The Contortionnist (avec qui il présente beaucoup de similarités).
Si l’on s’intéresse un instant aux performances vocales de Rafał Biernacki, dont la maîtrise a bien évolué par rapport à l’opus précédent, on remarquera que ces dernières s’intègrent parfaitement à la musique et rajoutent une dernière touche de bienveillance sur une instru déjà apaisante. Sans disposer forcément d’un timbre de voix particulièrement reconnaissable (comme ça peut être le cas dans certaines formations Prog), c’est avant tout cette intégration très réussie des parties vocales et le sentiment de plénitude en résultant qui permettent à
Disperse de faire la différence.
Avec un parti pris très joyeux / lumineux et aux influences très Pop, Jazz et Chill Hop, "
Foreword" est l’aboutissement des idées posées sur le précédent opus du groupe, arrivant à s’imposer comme un ovni dans une scène parfois surchargée. Avec une maturité et une technicité impressionnantes,
Disperse délivre une performance originale, affranchie de tout gimmick inhérent au genre, faisant valoir avant tout la beauté, la mélodicité et la sincérité de proposer une œuvre touchante et bienfaitrice.
J'écoute depuis quelques temps cet album. On y retrouve à la fois une dextérité impressionnante avec ces fameuses sept cordes et une ambiance envoûtante. Je trouve que cet opus à bien réussi son coup, je suis conquis.
En tous cas, merci pour cette super chronique qui montre le connaisseur.
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