Lorsque Roel de Vic Records contacte
Dead End en 2014 dans le but de sortir une compilation réunissant l’intégralité de leur discographie, c’est le point de départ d’une résurrection qui aboutira à un premier album inespéré deux ans plus tard. Pourtant,
Dead End n’est pas nouveau et figure même parmi les premiers groupes de death metal montés aux Pays-Bas à la fin des années 80, aux côtés de grands comme
Asphyx,
Sinister,
Pestilence et
Gorefest, et de seconds couteaux tels que
Pentacle,
Acrostichon et
Obtruncation.
Forever Is Not Eternal débarque donc en 2015 muni d’une cover lugubre et mélancolique représentant idéalement le groupe, et obtient un franc succès auprès des fans de la première heure tout en attirant dans ses filets des deathsters qui seraient passés à côté.
Si à ses débuts le quatuor a la volonté de ne pas sonner comme la majorité des groupes de death metal – pour preuve, le logo, sobre, et évitant les clichés du genre – il faudra attendre la seconde démo
Purity pour que le groupe trouve vraiment sa voie. En effet, la première sortie début 91 présente un death lourd et baveux qui peine un peu à se démarquer de la concurrence. Left
Hand Path, Slowly We
Rot et l’ombre de
Hellhammer /
Celtic Frost planent fortement sur les quatre titres qui composent
Tales. Rien que le riff de guitare qui introduit "Marked" renvoi direct au "
Dethroned Emperor" des Suisses, mais
Dead End parvient à captiver par la texture granuleuse et bien putride de ses morceaux, parfois aérés par un solo strident bourré de réverbe ("Joke") tandis que les accélérations en up tempo relancent les compos au moment opportun et contrebalancent des riffs pachydermiques aux accents doomy ("
Journey to
Midian" / "Joke"). Le chant d’outre tombe de Micha renforce la profondeur mortifère des compos et les roulements simples mais travaillés de Gunther aux fûts constitue une assise solide aux riffs de guitare épais d’Eef et Jeroen. Quand à la basse, elle se montre grondante et renforce l’aspect massif de l’entreprise. Début 91,
Dead End est donc gras, profond, et sans forcément sortir des sentiers battus, présente tout de même un death metal homogène et efficace, émaillé de lignes mélodiques prenantes ("
Tales From the Real
Life") et d’un effort pour se démarquer, notamment au niveau vocal (spoken words, chuchotements…).
Fin 91, le groupe s’enrichit d’un certain Alwin à la basse, Micha désirant concentrer toute son attention sur le chant. Dès lors, les accents doomy de la première démo vont prendre une importance capitale et transformer
Dead End en entité purement Death
Doom à partir de leur seconde démo
Purity sortie début 92. L’inclination d’Alwin pour la vieille scène britannique apporte enfin à
Dead End la touche identitaire qui lui faisait défaut. C’est particulièrement flagrant sur un morceau comme "Shroud", mélancolique et entêtant, rappelant
Paradise Lost, et dont le chant susurré fourni une atmosphère délicieusement malsaine. Quand à "
Purity", le morceau titre, on retrouve dans son riffing et son aspect 38 tonnes une filiation directement héritée du grand
Bolt Thrower, tandis que
Revelation va plutôt chercher du côté d’un Edge of Sanity. Au final, un son toujours aussi épais, mais des compos prenantes dotées d’un surcroît d’inspiration emprunté majoritairement à la scène anglaise, et d’une facette doom tout à fait délectable.
Alors que les offres de labels sérieux commencent à tomber (
Century Media,
Nuclear Blast) lors de quelques tournées en compagnie de pointures comme
Pestilence et
Gorefest, le groupe entame l’écriture d’un premier album, qui ne verra hélas, jamais le jour. Les obligations scolaires des uns et des autres ne permettent en effet pas au combo d’honorer une partie du contrat avec les labels leur imposant des tournées plus soutenues. L’album avorté se transforme donc en EP, et
Dead End splitte dans la foulée.
Wartime in Eden sort début 93 chez Lowland Records (défunt label hollandais) et présente trois morceaux dans le sillage de la démo
Purity, mais pourvu d’une sophistication absente des précédentes productions. Paul, le sixième et dernier membre fraîchement arrivé, intensifie la fibre mélancolique de
Dead End, en posant des atmosphères délicates au violon ("Forever") et au piano ("A
Dreamer’s
Lament"), terminant ainsi la mutation du groupe en un combo de death doom mélodique tout à fait enivrant et dans la lignée d’un early
Anathema (The Cresfallen) ou d’un vieux
Paradise Lost (
Gothic surtout). Les soli sont plus travaillés et embellissent l’architecture des morceaux, comme sur le remarquable "Forever", ainsi que sur "This
Heresy", dont la teinte générale n’est pas sans évoquer
Candlemass. Toujours en contrepoids du growl terrifiant de profondeur de Micha, la présence de quelques passages en chant clair, chuchoté ou susurré, du plus bel effet, pour renforcer l’ambiance sombre et nostalgique générale. Enfin, en ouverture de galette, le superbe "Angelthing", issu des sessions de l’EP, mais parue sur une compile DSFA Records, domestique l’auditeur par son feeling funèbre diablement entraînant.
Par l’entremise de Vic Records,
Dead End se retrouve donc deux décennies plus tard de nouveau sur le terrain, avec la sortie discrète d’un premier album en 2016, qui bien que sympathique, n’atteint pas la lourdeur macabre et mélancolique de la période 91-93, période qu’il est de nouveau possible de se réapproprier avec
Forever Is Not Eternal, compile indispensable pour tous les fans de vieux doom death.
Vous devez être membre pour pouvoir ajouter un commentaire