Jeff Maurer n'est pas un inconnu pour qui s'est intéressé un minimum à l'Underground ces dix dernières années. L'homme, guitariste/chanteur, a fondé et mené au fil des ans, une vingtaine de groupes dans des styles différents suivant les époques : Raw Black, Black/Thrash, Thrash old school,
Death mélodique,
Doom/
Sludge,
Doom traditionnel, etc... Au choix du lecteur : un touche-à-tout, un cas sévère de schizophrénie musicale ou quelqu'un qui saute sur à peu près toutes les modes qui passent.
Mais je ne suis pas là pour analyser l'oeuvre de Jeff, ni porter un jugement sur sa bonne cinquantaine de sorties. Juste sur la dernière, en fait. Après son départ de
Surtr l'an dernier, Jeff a donc quitté la Lorraine pour se relocaliser en Aquitaine. C'est dans cette chouette région qu'il donne naissance à Broken
Down à l'été dernier, et c'est donc le premier CD (dans un digipack très chouette, il faut le noter) de ce nouveau projet que j'ai placé dans ma chaine aujourd'hui.
Broken
Down est annoncé comme faisant du
Doom industriel. Le genre, quoique peu pratiqué, n'est pas très neuf et à déja donné à l'amateur quelques très bonnes galettes comme le "Tectonics" de P.H.O.B.O.S. ou le "Black Hymnal" de Philistine. C'est un genre qui s'abreuve plus aux mamelles de
Godflesh, des Swans ou de
Throbbing Gristle que de
Ministry ou
Nine Inch Nails, le tout matiné de
Drone, de
Sludge et de
Doom/
Death. J'étais donc curieux d'écouter ce que Jeff allait bien proposer dans le genre, surtout considérant que j'avais trouvé ses performances de chant dans
Surtr (son précédent groupe, du
Doom Trad') plus que passable (mais il torchait des riffs sympas, soyons honnêtes). Au premier riff, je suis passé de l'étonnement à l'effondrement.
Que les fans de Cyber
Metal ou d'Industriel soient prévenus : le seul truc vaguement industriel dans la musique de Broken
Down est une batterie électronique horriblement mal programmée et diverses utilisations de samples et sons électroniques qui donnent l'impression d'être joué sur l'un des premiers modèles de piano électrique Bontempi. Ensuite viennent les riffs : pour trouver quoi que ce soit de
Doom là-dedans, il faut avoir une connaissance du genre proche du zéro absolu. En fait de
Doom, Jeff se contente d'aligner des riffs de
Metal Sudiste dans la lignée de
Down en moins gras, le tout basculant dans certains passages vers des tentatives de Post-hardcore clairement empruntée à
Neurosis, et parfois des passages inspirés du Punk. La musique est plate, mal réchauffée et serait déja plutôt limite mais tolérable si l'on parlait d'une démo. Sauf que là on parle du premier album d'un musicien actif dans la scène depuis plus de dix ans. Et, évidemment, arrive ensuite ce qui est une fois de plus le point noir de l'artiste.
Jeff, mon pote, tu chantes horriblement faux.
Et ce coup-ci, après l'avoir déja dit lors de mes trois chroniques de
Surtr, j'en ai marre de le répéter.
C'est clair : prends des cours ou arrête de nous polluer les oreilles, parce que là on touche le fond.
Sur les 7 morceaux composants l'album, trois sont des reprises qu'on qualifiera pudiquement de ratées. Je passe sur celle d' Eiffel 65, qui fait passer la reprise de Robert Miles par
Flegethon pour un pur chef d'oeuvre en comparaison. Jetons aussi un voile pudique sur le viol que subit la reprise de Strong As
Ten, présenté comme un cas de New Wave
Metal. Et donc il reste celle de Boney M. certes, le groupe disco a déja bien subi (il nous a fait subir, aussi) en terme de reprises par des groupes de
Metal, le résultat étant rarement intéressant tant qu'on a pas au minimum 9 bières dans le gosier (auquel cas, on fait comme tout le monde : on beugle le refrain comme un cochon avant de vomir son houblon). Mais là, honnêtement un palier est franchi : l'écoute de cette... chose... est à peu près aussi agréable que de subir une descente d'organes.
J'aimerais beaucoup dire du bien de ce disque, mais ce n'est juste pas possible. Les quelques rares riffs qui pourraient se révéler intéressant sous la durée sont noyés dans un gloubi-boulga sonore, et une seule pensée s'impose au final : sous son beau digipack, ce disque est juste une énorme arnaque. Jeff a probablement voulu se faire plaisir, mais il aurait franchement pu éviter de vouloir partager ce plaisir avec nous. Et, franchement, à part les sourds, je ne vois pas qui pourrait acheter ce disque et s'en déclarer satisfait.
Certains pourront considérer que ma critique et dure, car comme le dit si bien le grand
Anton Ego :
"À bien des égards, la tâche du critique est aisée. Nous ne risquons pas grand-choses, et pourtant, nous jouissons d ’une position de supériorité par rapport à ceux qui se soumettent avec leur travail, à notre jugement. Nous nous épanouissons dans la critique négative, plaisante à écrire et à lire. Mais l’amère vérité, qu’il nous faut bien regarder en face, c’est que dans le grand ordre des choses, le mets le plus médiocre a sans doute plus de valeur que la critique qui le dénonce comme tel."
Et pourtant, très cher
Anton, vous que je vénère et que je considère comme l'un de mes maitres modernes, il me faut ici hélas ! être en désaccord avec vous. Car l’amère vérité, qu’il nous faut bien regarder en face, c’est que dans le grand ordre des choses, le mets le plus médiocre est bien souvent une énorme merde.
Et il en est de même pour les disques.
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