Il est des cas où le parcours d'une formation musicale est loin de s'apparenter à un long fleuve tranquille... Etat de fait cristallisé par le parcours de cet expérimenté quintet allemand né sur les cendres d'
Avatar, groupe de metal gothique créé à Leipzig en 2009 sous l'impulsion commune de la chanteuse au chatoyant filet de voix Korinna König et du fin guitariste Harry. Sous ce nom, le combo teuton enregistra un an plus tard son premier EP, «
Echoes of Fear », une menue mais pénétrante auto-production qui lui ouvrit largement les portes de la scène metal locale et lui permit de partager l'affiche avec
Lord Of The Lost. Une carte de visite encore clairsemée mais déjà efficiente, et qui n'aura de cesse de s'étoffer au fil du temps...
Suite à d'importants changements de line-up tout en demeurant fidèle à ses fondamentaux stylistiques, en 2011,
Avatar se muera en Canterra ; une année riche en rebondissements, au cours de laquelle le collectif germanique fera une apparition remarquée au ''Wave
Gothic Treffen'' à Leipzig, point de départ d'une multiplication de ses apparitions scéniques. Le temps semble alors venu pour nos gladiateurs de se lancer plus lourdement armés dans l'arène pour espérer essaimer ses riffs et faire plus largement entendre leurs voix...
Aussi, après moult remaniements de son équipe, en 2014, le groupe lança une campagne de financement participatif afin de lui fournir les fonds nécessaires au greffage d'une production d'ensemble quasi-professionnelle à son initial album studio. Une campagne soldée par un franc succès à laquelle s'est superposé le soutien du Wacken Foundation. De précieux supports qui n'ont été sans effet ni sur la qualité d'enregistrement ni sur le mixage de leur premier et présent bébé, «
First Escape » ; une auto-production généreuse de ses 64 minutes où ne s'égrainent pas moins de 12 pistes d'obédience rock'n'metal atmosphérique gothique aux relents dark, dans le sillage de
Lacrimosa,
Darkwell,
Elis,
Flowing Tears,
Forever Slave,
Tristania,
Moonlight et
Autumn. Mais suivons plutôt Korinna et Harry et leurs complices d'aujourd'hui – Tom Canterra (basse), Hannes Otto (guitares) et Max (batterie), tous deux ex-
Avatar –, dans leurs pérégrinations...
Quand il fait rageusement claquer ses tambours et vrombir sa basse, le combo allemand parvient à trouver quelques clés pour nous happer. Ainsi, à mi-chemin entre
Elis et
Forever Slave, déversant un refrain immersif à souhait mis en habits de lumière par les félines volutes de la sirène, l'impulsif et élégant up tempo metal gothique progressif « Child of
Destiny » joue dans la catégorie des hits en puissance que l'on ne quittera qu'à regret. Dans cette mouvance, et non sans renvoyer à
Autumn, l'entraînant « White
Lies », pour sa part, glisse le long d'une radieuse rivière mélodique sur laquelle se greffe le gracile et enlaçant filet de voix d'une interprète bien habitée. Et comment ne pas succomber à la fois à l'entêtant refrain et aux hypnotiques séries d'accords dont se pare le tubesque mid/up tempo pop metal gothique «
Escape » ? Mais nos magiciens ont encore quelques tours, et des meilleurs, dans leur sac...
Moins directement orientés vers les charts, d'autres espaces d'expression non moins vitaminés ne sauraient toutefois être éludés par l'aficionado d'aériennes vibes. Ainsi, disséminant des couplets finement ciselés et calés sur le classique mais poignant schéma de la Belle et la Bête, non sans rappeler
Tristania, les énigmatiques mid/up tempi dark gothique«
Hurt » et «
The Hunt » ne tarderont pas à nous prendre dans leurs filets pour ne plus nous relâcher.
Plus intrigants encore mais non moins empreints de délicatesse, le ''lacrimosien'' « Come with Me » tout comme l' ''elisien'' « My
Agony », eux, aspireront le tympan tant par la soudaineté de leurs accélérations rythmiques que par les caressantes inflexions de la déesse.
Lorsqu'ils nous mènent en d'apaisantes contrées, nos compères nous adressent leurs mots bleus les plus sensibles, ceux qui, précisément, feront chavirer les cœurs en bataille. Aussi, c'est d'un battement de cils que la petite larme perlera sur la joue du chaland sous l'impact du fondant refrain dont se pare « My
Heart » ; une ballade atmosphérique progressive, romantique jusqu'au bout des ongles, mise en habits de soie par les câlinantes patines de la maîtresse de cérémonie et surmontée d'un subtil picking à la guitare acoustique, que n'auraient reniée ni
Elis, ni
Moonlight. On ne saurait davantage éluder « Der Einzige Erbe », une ballade en guitare acoustique/voix d'une sensibilité à fleur de peau entonnée dans la langue de Goethe, et recelant une mélodicité toute de nuances vêtue et des plus enveloppantes.
S'étant, par ailleurs, frottée au si redouté car délicat exercice des pièces en actes gothico-progressives, la troupe dévoile par là même une autre corde à son arc, et non des moins solides. Ce qu'atteste, d'une part, l'épique et mystérieuse fresque « Broken ». Au carrefour entre
Tristania,
Lacrimosa et
Autumn (première mouture), cette seyante offrande déroule ses quelque 7:50 minutes d'un spectacle atmosphérique gothique des plus envoûtants et recelant moult rebondissements rythmiques. Témoignant d'enchaînements intra piste ultra sécurisés et se voyant encensé par les claires et magnétiques impulsions de la princesse, le plantureux manifeste pourrait bien laisser quelques traces indélébiles dans les mémoires de ceux qui y auront plongé le pavillon. Dans cette lignée, s'inscrit l' ''autumnien'' «
Save My
Life », un sensuel et polyrythmique effort rock'n'metal gothique aux riffs épais, délivrant de seyants gimmicks guitaristiques et faisant montre d'arrangements instrumentaux de bon aloi. Enfin, pour compléter un tableau déjà richement orné, au fil de ses 8:15 minutes, l'aérien, tortueux et ''elisien'' « Footprints » joue à plein sur les effets de contraste atmosphérique, rythmique et vocal pour tenter de l'emporter. Et la sauce prend, une fois encore...
A la lecture de ce premier essai, force est d'observer que le quintet allemand n'a tari d'allant ni de panache, nous octroyant une œuvre à la fois engageante, des plus troublantes, empreinte de mystère et de subtilités, dévoilant d'enchanteresses sentes mélodiques, témoignant d'un réel potentiel technique et d'une production d'ensemble rutilante. Diversifiée sur les plans atmosphérique, rythmique et vocal, ouvrant largement le champ des possibles en matière d'exercices de style, la luxuriante galette se suit de bout en bout sans ambages. C'est dire que la troupe teutonne envoûte par la fluidité de ses portées autant qu'elle renseigne sur la maturité compositionnelle de son set de partitions.
Il conviendra cependant que nos acolytes s'écartent un peu plus des traces laissées par leurs maîtres inspirateurs dans leurs arpèges d'accords afin de conférer davantage d'épaisseur artistique à leur projet, et que les modulations certes enivrantes de la déesse gagnent encore en justesse et en rayonnement oratoire pour impacter plus largement le chaland. Etat de fait qui ne saurait toutefois empêcher la colombe de prendre son envol et la porter parmi les sérieux espoirs de cet exigeant registre metal. Sans doute la première page d'une histoire au long cours écrite par le collectif teuton...
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