I) Les arcanes confidentielles de
Spirit Of
Metal:
Quelque part entre ici et ailleurs, à une heure incertaine, en une salle de conférence improbable, assis autour d'une table, un groupuscule important, puisque œuvrant sur l'un des plus influents sites de
Metal français, à savoir
Spirit Of
Metal, est secrètement réuni. Parmi cette élite d'esprits critiques dont les avis éclairés sont à même de bouleverser le paysage culturel intergalactique se trouve Eternalis. Vêtu d'une longue toge blanche, il est occupé à chercher dans les poils de sa fine barbe quelques traces ivoirines susceptibles de lui offrir une manifestation supplémentaire de cette sagesse qui le caractérise tant. Il a laissé ses disciples en d'autres lieux méditer sur la majesté de l'ipséité du jeu de grosse-caisse aérien et illusoire de Felix Bohnke.
Il y a aussi, dans cette assemblée clandestine, dark_omens presque entièrement nu et seulement habillé de son immense orgueil mal placé. Perdu dans ses pensées cherchant quel mot incongru il placera dans sa prochaine chronique, penchant pour "abstrus" mais trouvant le terme insuffisamment abscons, il offre le spectacle désolant d'un homme rongé par le cynisme et la mégalomanie. Il décidera plus tard et finira par opter pour le verbe "aboucher".
Il y a également Alonewithl coiffé d'une cervelière Gjermundbun, torse nu portant une peau de bête et un pantalon léger occupé à déchiffrer un livre très intéressant, lära bas på tio lektioner du célèbre Timmo Timmo. À côté de lui trône une pile d'ouvrages en tout genre qu'il s'est promis de lire.
Accompagnant ces trois énergumènes, Growler, est là aussi. Le casque vissé sur les oreilles, il n'a pas daigné regarder quiconque depuis son arrivée. Plongé dans ses calepins et dans sa musique, stylo à la main, il décortique, analyse et rédige. Il consigne, dissèque et examine. Il détaille, compose et étudie. Il compulse, épluche et écrit. Bref, il fait avec une application quasi inquiétante, et un regard injecté de sang par la fatigue et, peut-être, la folie, le travail pour lequel on l'a recruté.
A côté de lui il y a Beergrinder. L'impétueux Deathster essaye tant bien que mal de sortir Growler de son
Silence en lui faisant admirer son tout nouveau T-Shirt à l'effigie du petit Nicolas (pas celui de Goscinny et Sempé, l'autre), mais rien n'y fait.
Julien est également là prêt à...ah non...Julien n'est pas là. A contrario d'Icare, Lemoustre et d'
Eligos qui, eux aussi, sont présents.
Brusquement Hellsheimer les rejoint un carton à la main. Il en déverse le contenu sur la table. S'étale alors tout un tas de vynils parmi lesquels
Vigilante de
Magnum, The Last Rebel de
Lynyrd Skynyrd, Dans ces Histoires de Maxime Le Forestier, Orgasmotron de Motorhead et tout un tas d'autres trucs visiblement récupérés lors de sa dernière fouille à la "foire à tout" costumé de Saint Sulliac dont la rétrospective est d'ores et déjà programmé sur TV Breizh. Beergrinder intrigué en croyant reconnaître dans ce fatras un bout de la pochette du
Infinity... de
Desire est prêt à bondir pour s'en saisir et se ravise finalement en voyant qu'il s'agit, en fait, du Just
Push Play d'
Aerosmith. Foutu âge. Foutue vieillesse. Il serait peut-être temps qu'il prenne rendez-vous chez l'ophtalmo.
Hellsheimer se rendant enfin compte de son erreur range en toute hâte ce qu'il vient tout juste de répandre. Matai arrive enfin avec le bon carton et étale, à son tour, le contenu sur la table. Un monceau de CD s'amoncelle soudain.
- Bon les gars on a un souci. C'est tout ce que les labels nous ont envoyé et qu'on a pas chroniqué. Il faudrait qu'on arrive à se mettre d'accord pour en liquider le plus possible.
Évidemment constitué d'œuvres de groupes, comment dire, plutôt modestes, rien de ce qui traîne là n'intéressent vraiment nos hommes.
- Dites, je sais bien que vous préféreriez uniquement vous occuper des gros groupes, mais c'est pas possible. Et puis si on s'occupe que des plus connus, les labels vont finir par ne plus rien nous envoyer.
Elle prend au hasard un disque dans le tas.
- Le dernier
Dark Interiors Deities, un groupe de Death du Costa Rica, ça n'intéresse personne?
Growler sort de son mutisme.
- La chronique est en ligne depuis hier.
Matai pioche un autre disque.
-
Sodomized with a Corncob, du Grindcore Texan.
- Publié la semaine dernière.
Elle retente sa chance.
-
Festering Wound Deliciously Appetizing, du Slam Death Ukrainien.
- Déjà fait.
Elle s'obstine.
-
Heavenly Grey Angels, du Progressif Expérimental Avantgardiste Péruvien.
Growler se referme. Eternalis lève la tête.
- Est-ce que
Devin Townsend joue dedans?
- Non.
-
Arjen Lucassen?
-Non.
- Tobias Sammet?
-Non.
- Tant pis alors. Je passe mon tour.
Matai commence à s'agacer. Elle prend un dernier disque.
-
Ambush, du Heavy
Metal Suédois. Du Heavy
Metal, c'est pour toi ça darko, non?
Dark_omens, sentant le piège se refermer, tente pathétiquement de se dérober.
- Nonobstant le fait ...
Hellsheimer n'en peut plus.
- Tu nous fais chier darko. Tu prendras le
Ambush, et puis c'est tout.
Le chroniqueur joue son ultime va-tout.
- Aboucher?
Tous se regardent interloqués. Dark_omens héritera du
Ambush.
La distribution se poursuivra encore une bonne heure avant qu'une grande partie des œuvres maudites trouvent enfin preneur.
Dans la nuit noire obscure et sombre, chacun s'en retournera chez lui les poches pleines de cadeaux plus ou moins empoisonnés.
II)
Ambush:
Originaire d'une de ces terres glaciales au nom imprononçable égaré dans les faubourgs de Stockholm,
Ambush voit le jour en 2013. Une seule année sera nécessaire à ce collectif pour nous proposer son premier album,
Firestorm.
Parler de ce premier effort sans immédiatement évoquer le passéisme qui le caractérise serait une grossière erreur. Inspiré, toutes proportions gardées, par les anciens travaux des
TNT, Motley Crue, Europe ou
Judas Priest, le groupe nous propose, en effet, un Heavy
Metal superbement rétrograde. D'ailleurs l'interprétation d'Oskar Jacobsson, en des aigus symptomatiques de ces époques révolues et légèrement nimbée de cette reverb caractéristique de ces temps anciens, accentue encore le climat délicieusement antique offert par cet opus.
On sera peut-être un peu plus sceptique ici quant à l'emploi, parfois, de ces choeurs médium-grave là où, sans doute, d'autres plus célestes eurent été préférables. On regrettera aussi, par instants, les voies un peu (et insistons sur le "un peu") trop mélodiques qu'
Ambush emprunte parfois (comme, par exemple, sur le refrain de Natural
Born Killer ou sur certains passages de
Close my
Eyes). Ces détails, somme toute, assez anecdotiques ne pourront néanmoins entacher nos bonnes impressions. Du moins pas démesurément.
Afin d'illustrer la bonne tenue de ce disque, jetons à la vindicte populaire quelques titres tels que les bons et véloces
Firestorm et Heading East. Tels que
Hellbound et Natural
Born Killer que l'on jurerait extraits de Too Fast for Love ou Shout at the
Devil. Ou encore, par exemple, tels que le sombre et torturé
Master of
Pain.
Afin d'être le plus exhaustif possible, il nous faudra aussi parler de l'excellent Don't Shoot (Let em
Burn) qui, quant à lui, serait plus inspiré de
Riot, époque Thundersteel. D'une redoutable vivacité ce titre mérite, en effet, que ces auteurs soient complimentés de quelques louanges supplémentaires.
Abouchant talent et inspiration, ou plutôt mêlant habilement les deux,
Ambush nous offrent une première œuvre réussie qui n'aurait sans doute pas détonné si elle était parue dans la deuxième moitié des années 80.
Pas plus qu'aujourd'hui d'ailleurs où elle trouve parfaitement sa place dans cette résurgence Heavy
Metal actuelle très en vogue.
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