Si le nom de Left To
Suffer ne vous dit rien, vous risquez de le connaître d’ici quelques années. Œuvrant dans un style neo death/metalcore, le quintet américain a rapidement su faire parler de lui avec la publication de son premier single
Burden en 2019 avec la participation de CJ McCreery (ex
Lorna Shore). Si ce premier morceau ne posait pas encore les fondements du collectif, la composition n’en demeurait pas moins une pièce certes classique mais néanmoins solide et dévastatrice, une entrée en matière très prometteuse. Il faudra attendre l’année suivante et la sortie du premier album A Year To Suffering pour commencer à observer une évolution de la part des Américains. Cette transformation se déclenche en grande partie par le biais d’un cover de Slipknot :
Eyeless.
Mais c’est bien à l’arrivée de l’EP
On Death paru en 2021 que le combo terminera définitivement sa transition. Au-delà de son atmosphère émouvante et douloureuse, la formation s'embellit grâce à son vocaliste Taylor Barber. Si sa palette death n’a rien de fondamentalement innovant, le musicien s’illustre surtout sur son chant clair, une performance quelque peu distordue, grinçante et inquiétante qui apporte un vent de fraîcheur sur un style qui a parfois tendance à rester sur ses acquis. Le lyrisme quant à lui évoque principalement la souffrance mentale et les luttes personnelles, des sujets que l’on retrouve régulièrement dans le neo metal. C’est par le biais d’un second full-length baptisé
Feral que notre collectif revient en cette année 2023 afin de fortifier son identité.
Sur ce nouveau méfait, le quintet américain confirme définitivement son penchant neo torturé et affiche de plus en plus de similitudes avec des cadors du genre parmi lesquels
Korn ou Slipknot. Ces attraits émergent immédiatement sur le morceau éponyme d’ouverture avec cette introduction au chant tourmenté et crispant. Le riffing de guitare suit cette même lignée avec une ligne grinçante et inquiétante, une mélodie qui sera maintenue tout au long de la composition. Le refrain avec sa voix claire permet d’appuyer cet esprit morose et inquiétant ainsi que cette ambiance dissonante. La chanson propose un schéma assez élémentaire et une exécution tout aussi classique sans pour autant être ennuyante. L’écrit se termine par un breakdown qui n’est pas spécialement rustique mais plutôt oppressant et angoissant.
Cette atmosphère étouffante se maintiendra sur la plupart des morceaux avec parfois ses quelques lots de surprises. Parmi elles, on peut aisément citer Artificial
Anatomy en featuring avec Kim
Dracula avec un véritable apport de la part de notre hôte principalement avec sa prestation scat qui n’est pas sans rappeler certaines performances de Jonathan Davis au sein de KoRn. L’aspect groovy et provocateur de l’instrumental notamment pendant le breakdown est quant à lui assez ressemblant aux derniers travaux de
Chelsea Grin. L’outro du titre étonne par ses quelques notes à la guitare acoustique, une volonté du groupe à intensifier son univers mélancolique. Break The Fever sort également du lot grâce à son solo de guitare « désaccordé » toujours dans une optique de gêner, de tourmenter.
Bien entendu, si l’on ne devait retenir qu’un seul titre, notre choix irait sur le morceau final Consistent Suffering pour son dynamisme mais aussi pour son mélange de genres assez audacieux. En effet, outre le côté neo bien omniprésent, notre combo affiche des traits metalcore lors du refrain avec un chant semi-hurlé ainsi qu’un riffing lumineux presque porteur d’espoir. Juste après, les musiciens nous invitent dans une mini section trap et une ambiance encore plus menaçante qu’à l’accoutumé qui aura encore le don de nous surprendre agréablement.
Néanmoins, au sein de ces nombreuses qualités,
Feral laisse aussi apparaître quelques faiblesses. La première et non des moindre est la durée moyenne et totale des morceaux. Avec seulement huit petits titres et à peine plus de vingt-cinq minutes d’écoute, les compositions s'enchaînent à vitesse grand V sans que l’on ait vraiment le temps d’en profiter. Ces longueurs limitées provoquent parfois des sensations d’arrêts brusques comme pour
Illusion Of
Sleep où les derniers accords de guitare laissaient pourtant présager un début de breakdown. Il en est de même avec
Primitive Urge où la panne s’interrompt brutalement par quelques coups sur les cymbales.
On ne peut pas non plus nier des influences neo parfois trop prononcées et qui donnent un sentiment de déjà-vu. C’est le cas par exemple de Break The Fever qui, si l’on omet la lourdeur de l'instrumental, ressemble en tout point aux dernières toiles de KoRn. Ces erreurs de parcours seront partiellement oubliées grâce à un mixage irréprochable et bien balancé, un attrait souvent rare dans le deathcore, d’autant plus en autoproduction.
Que penser finalement de ce
Feral ? En toute honnêteté, il s’agit d’un album tout à fait convaincant qui s’écoute sans grandes difficultés. Les huit morceaux s’enchainent bien et on ne sent pas de perte de vigueur au travers de notre découverte. Cependant, le potentiel de ce second opus est gâché par un contenu peu riche en termes de longueur, une trop forte inspiration neo et un manque criant d’authenticité sur plusieurs compositions. De même, l’empreinte deathcore pourtant style initial du quintet américain a parfois tendance à être trop mise en retrait ce qui offre un disque moins axé sur l’agressivité. Cependant, il ne faut pas s’alarmer pour nos jeunes artistes qui auront tout le loisir d’apprendre de leurs erreurs et d’améliorer le résultat sur leurs prochaines parutions.
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