Il est certaines entités cultes qui avaient tout pour réussir et devenir des monstres du sacro-saint sleaze rock/hair metal mais qui inexplicablement sont passées à côté d’un succès proportionnel à leur talent et resteront dès lors à jamais prisonnières d’une ombre éclatante de sadisme et d’ironie. Un label ayant pignon sur rue, un visuel original, une musique inspirée et on ne peut plus efficace, un vocaliste ultra charismatique ainsi qu’un bassiste issu du groupe instigateur du hard rock crade mais paradoxalement glamour ; que fallait il de plus au combo
Jetboy pour casser la baraque à la sortie de son premier opus en 1988 ? Pourquoi faut-il aujourd’hui casser son cochon de porcelaine pour se procurer la version CD de ce «
Feel the Shake » classieux qui une fois dans le creux des mains de son heureux acquéreur parait dégager presque autant de grâce et de magie qu’un «
Faster Pussycat » ou qu’un « L.A. Guns » ?
Jetboy se forme en 1983 entre les murs du club san franciscain The
Old Waldorf par les guitaristes Billy Rowe et Fernie Rod alors que la ville semble de jour en jour conforter avec un peu d’assurance son titre de capitale du thrash metal US par excellence. Rejoint par le punk Mickey Finn au micro et le futur
Exodus Mike Butler à la quatre-cordes,
Jetboy cire inlassablement les scènes des clubs rock de San Francisco avant d’espérer provoquer le destin en partant s’installer après un petit changement de line-up à
Los Angeles à la fin de l’année 1985. Comme un poisson dans l’eau sous le feu des projecteurs tamisés des mythiques Roxy,
Whisky A Go-Go et autres Troubadour ; le quintette sleaze originaire de S.F. ne tarde pas à devenir l’un des groupes les plus en vue de Sunset Strip et à signer un premier deal avec le label Elektra Records. Usant avec peu de tempérance du lifestyle « sex, drugs & rock n’ roll », le bassiste Todd Crew décède tragiquement d’une overdose une nuit de juillet 1987 dans la chambre d'un hôtel new-yorkais partagée avec
Slash des
Guns N' Roses quinze jours avant la sortie d'"Appetite for
Destruction" ; funeste disparition qui verra ni plus ni moins
Jetboy se faire virer par son label avant même d’avoir commencé l’enregistrement de son premier disque. Rejoint illico presto par Sam Yaffa du légendaire et désormais défunt
Hanoi Rocks en remplacement du regretté Crew,
Jetboy se voit offrir une précieuse seconde chance par MCA Records qui sort enfin la première galette du groupe intitulée «
Feel the Shake » à la fin de l’année 1988.
On ressent effectivement un tremblement somme toute relatif à l’écoute du premier morceau éponyme de l’album qui voit le combo sleaze fronté par Mickey Finn pratiquer un hard rock de bonne facture et teinté de touches de blues très efficaces, laissant ainsi facilement deviner le pertinent background des musiciens. A n’en point douter,
Jetboy s’avère être bien plus influencé par les Stooges,
New York Dolls,
Hanoi Rocks et même par un AC/DC dans le riffing de Rowe et de Rod que par
Kiss et
Judas Priest. Musicalement plus proche d’un
Great White ou d’un
Cinderella que d’un
Dokken donc,
Jetboy place la barre relativement haut en proposant à l’auditeur un sleaze rock bluesy des plus classieux parfois même doublé d’une énergie garage punk que n’aurait certainement pas renié le Ramones d’avant le tragique épisode Phil Spector. Le blues, celui du deep south et de ces esclaves honteusement arrachés d’Afrique qui n’avaient autre que la musique pour s’échapper de leur innommable condition semble hanter ce «
Feel the Shake » tout au long de ses dix pistes et l’empreindre d’une classe singulière et unique. Ainsi, les très bons « Make Some Noise », « Locked in a Cage » et autres « Talkin’ » avec son passage rythmique exotique frappent de par leur groove bluesy imparable et leur déconcertante facilité à faire se remuer les hanches d’un auditeur alors conquis par un
Jetboy efficace et racé. Véritable perle de l’album, « Hometown Blues » s’avère être comme son nom le laisse supposer une magnifique complainte blues mid-tempo de cinq trop courtes minutes au sein de laquelle l’ensemble du groupe prouve à qui en douterait encore qu’ils ont ce style si chère à l’immuable Robert Johnson (R.I.P. 1911-1938) dans le sang. Mention spéciale au vocaliste Mickey Finn qui incarne à l’occasion un personnage on ne peut plus gorgé de mélancolie et d’autosuffisance.
Fin des années 80 et pouvoir influent de labels cupides obligent, «
Feel the Shake » comporte aussi son lot de titres plus formatés FM qui à défaut de remettre totalement en question la personnalité conceptuelle de
Jetboy ne font que proposer un aspect plus commercial mais loin d’être déplaisant de l’identité musicale du groupe. Bien que très légèrement inférieurs au reste de l’album, «
Fire in my
Heart » et «
Hard Climb » passeraient presque comme des lettres à la Poste et parviennent mine de rien à faire leur petit effet sur les tympans de l’auditeur, notamment grâce à un enthousiasme remarquable illustré par des mélodies sucrées, des refrains d’obédience pop et des chœurs dignes des meilleurs moments de
Poison ou de
Warrant… Blagues à part, ces deux titres s’avèrent être très largement dispensables et font quelques peu tâche sur cet album de très bonne facture, si l’on excepte bien sur ces teenage anthems édulcorés qu’il sera nécessaire de mettre entre parenthèses voir même d’ignorer pour dans un premier temps pouvoir apprécier le sleaze rock bluesy de
Jetboy à sa plus juste et digne valeur. Synonyme de charme et de singularité, l’imperfection touche aussi parfois des entités en apparence abouties. Ainsi, l’auditeur finira par composer son intérêt pour
Jetboy avec ces deux sinistres titres dont il se résoudra à accepter tant bien que mal la présence sur le disque.
Efficace, inspiré et enthousiaste dans sa globalité, «
Feel the Shake » de
Jetboy s’avère être un album surprenant d’un groupe sleaze parvenant efficacement à mélanger les ingrédients improbables que semblent être le hard rock, le blues et le punk pour au final donner naissance à sa propre vision du sleaze rock n’ayant pas grand-chose à envier à celle des légendaires
Faster Pussycat, L.A. Guns et autres Guns N’ Roses. Racé et original en de nombreux points à commencer par la crête peroxydée de son charismatique vocaliste Mickey Finn ;
Jetboy aurait très certainement mérité une autre destinée que celle d’un oubli éhonté dans les archives poussiéreuses du sleaze rock/hair metal plus de vingt ans après la sortie de son premier album. Mérite incontestablement l’attention des amateurs de sleaze rock/hair metal avides de tous ces groupes dont la providence semble aujourd’hui se rire de façon on ne peut plus sarcastique.
J'ai chroniqué le concert de Lizzy, il est en attente de validation modérateur. C'était très sympa mais pas transcendant non plus comme j'ai pu le lire un peu partout sur le net.
Je trouve cependant le chanteur assez limité et un peu trop gentillet dans ses intonations si tu vois ce que je veux dire, notamment dans "Make some noise".
Merci pour la découverte en tous cas Adrien.
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