Parmi les nombreuses formations metal symphonique italiennes, en voici une qui ne compte pas rester en retrait de cette scène-là. Créé en 2011 par le guitariste Tiziano Fatiganti et le batteur Marco Gorra, le sextet de metal symphonique gothique romain sort ici son premier EP auto-produit incluant sept titres de longueur égale pour une durée totale de plus de vingt-huit minutes. Pour mener à bien leur projet, ils ont pu compter sur les compétences vocales de la mezzosoprano Hellenoir Dearbone, du guitariste Gaetano Saia, du bassiste Chris Migliore et de la claviériste Ludovica Faraoni (ex-
Oak Roots, ex-Secrettowers). Ainsi constitué, le groupe propose un metal symphonique puissant, vif, mélodique, parfois progressif, avec quelques touches sombres. Malgré une production d'ensemble encore friable, avec une qualité d'enregistrement laissant échapper quelques petites distorsions et un sur-mixage des parties vocales, on peut suivre le disque d'un seul tenant. Et cela, à condition de passer outre quelques carences en termes de finitions et d'enchaînements, pas toujours des plus précis. On comprend que l'offrande est à appréhender dans son jus, avec quelques faux-pas de jeunesse.
Les titres à retenir seraient les plus mordants de l'oeuvre. Avec une empreinte vocale la plupart du temps à cheval entre celle de Sonja Kraushofer (L'Ame Immortelle), avec un zeste de puissance supplémentaire, quelques inflexions inspirée par Tori
Amos, et le timbre de
Sara Squadrani (
Ancient Bards), et une orchestration dans la lignée du groupe de power symphonique italien, avec une assise technique moins experte, mais non sans mérites, on déambule en terrain presque connu. Et certains d'entre eux font mouche. Titre power symphonique particulièrement prégnant, «
Dark Way » fait rugir ses riffs et marteler son tapping sur une rythmique endiablée. Sensibles couplets et infiltrants refrains s'enchaînent tout naturellement et recèlent des harmoniques bien restituées, habilement mises en exergue par la jeune et fougueuse lionne. Un break sur un délicat fond pianistique s'inscrit opportunément, se faisant alors relayer par une reprise technique, avant que la belle n'élève ses inflexions d'un demi octave sur le refrain, pour disparaître prématurément. Dans cette veine, de gros roulements de tambours introduisent « Flashblack », titre sanguin distillant une ligne mélodique quasi magnétique. Cette piste fait notamment claquer ses refrains avec une étonnante aisance, la belle flirtant alors avec les anges, suivie de près par une lead guitare enjouée, le tout dans une parfaite homogénéité d'ensemble. Dommage qu'il faille se contenter de growls aussi laconiques et en fin de piste, étant alors dépourvus d'une réelle consistance. Enfin, non sans évoquer
Ancient Bards, le titre éponyme de l'album, «
Fatal Clichè », se fait frondeur, avec l'inclusion de choeurs en ligne de fond. Un diluvien solo de guitare vient au corps à corps avec un redoutable serpent synthétique, avant de laisser le champ libre à la maîtresse de cérémonie qui, de sa lyrique empreinte, parvient à hisser cet énergique morceau au rang de ceux à retenir de cette galette, même si l'on peut perdre le fil mélodique, par moments.
Le groupe attire aussi le tympan sur ses passages progressifs. De sensuels arpèges au piano se dessinent sur l'entame de «
Lost Lands », sculpturale ballade progressive menée de main de maître par Hellenoir, distribuant ses aériennes modulations un poil écorchées vif, dans la droite lignée de Tori
Amos. On la suit volontiers sur de louables refrains, avant de se trouver nez à nez face à un bref mais ébouriffant solo de guitare. Une reprise en voix de tête pour finir crescendo nous est alors dispensée. Et l'adhésion s'opère, spontanément. Par ailleurs, des roulements de tambour en finesse et de douces notes synthétiques nous accueillent sur le progressif « Alegria », invitant moment où la belle déploie une surprenante puissance vocale associée à une tonalité acidulée, le long d'un joli tracé mélodique. Soudain, le tempo s'accélère et un tapping s'invite à nos pavillons. On regrettera cependant quelques carences relatives aux répétitives suites d'accords et une progressivité qu'on aurait imaginé s'installer plus tôt.
Toutefois, d'autres moments se sont avérés moins immersifs. Ainsi, un subtil piano et une lead guitare évoluent de concert sur « Flaming
Heart », titre aux nombreuses cassures de tempo et de rythmique. Ce faisant, et en l'absence de tracé mélodique sécurisant, on peut avoir quelques difficultés à s'imprégner immédiatement de l'atmosphère gothique de ce passage, malgré quelques sursauts à la batterie. Ce n'est pas la fin de piste qui plaidera davantage en sa faveur. De son côté, la cavalerie percussive se met en branle sur «
Illusion », morceau metal symphonique gothique usant de nappes synthétiques enveloppantes et d'une lead guitare omniprésente. Stupéfiante par son incandescente présence, la chanteuse témoigne d'un lyrisme plutôt adroit. Cependant, ce passage s'avérant répétitif et parfois déroutant dans ses harmonies, il parvient de justesse à nous retenir.
Au final, on ressort de l'écoute de cet rondelle interpelé à la fois par les qualités vocales de l'interprète et la structure instrumentale, assez solide, contenue dans certains passages, sans sacrifier à une technicité d'ensemble plutôt affutée et aux arrangements rondement menés. Néanmoins, outre les défauts de production constatés, quelques lignes mélodiques sont encore à ajuster pour permettre à ce combo de se frayer un chemin dans un registre metal au bord de la saturation. Pour un premier jet, l'exercice n'est pas maladroit, mais manque de conviction, et le propos, d'un poil de caractère. Il lui faut donc encore se forger une image, une signature identifiable, une reconnaissance. Ayant déjà une expérience de la scène locale et étant habités par l'idée de poursuivre leur route, les progrès espérés pourraient rapidement venir. En attendant, cette œuvre pourra intéresser les amateurs de metal symphonique gothique à chant féminin, pour le plaisir de la découverte. Nul doute que le potentiel est là mais il convient encore de le mettre en valeur. Suite de l'aventure au prochain épisode, peut-être avec un album full length à la clé...
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