Farsot est un groupe plutôt discret et énigmatique. Formé en 1999 en Thuringe, le combo cultive le mystère quant à l’identité de ses membres qui se cachent derrière des masques et des pseudonymes indéchiffrables. Loin des modes et des tendances de la scène, les Allemands sortent deux full lengths sur Lupus Lounge Productions, proposant un black froid, impalpable et mystérieux qui fait la part belle aux ambiances.
Fail-Lure est une bonne synthèse entre le côté direct et émotionnel du fabuleux
IIII et la musique plus mélancolique et cérébrale d’
Insects.
Le bien nommé Vitriolic, qui démarre les hostilités, s’ouvre sur ces rires féminins inquiétants noyés dans un écho lointain, renvoyant à un sabbat infernal, puis la batterie vient marteler ce blast mid tempo implacable et froid, d’une lourdeur monotone, tapis rythmique sur lequel les guitares viennent agoniser leurs dissonances vénéneuses. Une ambiance spectrale se dégage de ce premier titre à la violence larvée renforcée par des claviers discrets mais omniprésents baignant la musique dans une brume épaisse formée d’ombres mouvantes et inquiétantes. Ces guitares atonales et grinçantes viennent se muer en une symphonie belle comme la mort : glaciale, inéluctable mais nous envahissant d’une paix indicible. Ainsi, à l’image de ce premier morceau, le black metal des Allemands se voudra tiraillé entre des mélopées morbides et décharnées au bord du malaise et des envolées plus mélodiques et apaisées.
Circular Stains débute ainsi sur un arpège calme - même si l’écho grave et profond de ces quelques notes a un je ne sais quoi d’inquiétant -, un jeu de batterie subtil typé post rock ainsi qu’un chant susurré qui crée une atmosphère païenne et sacrée qui n’est pas sans rappeler
Dornenreich. Puis ce metal puissant au riffing tournoyant et à la frappe lourde nous rattrape bientôt, nous enveloppant dans cette transe qui mélange la mélancolie écorchée et à fleur de peau d’un
Agalloch à des accès plus vindicatifs, noirs et malades à la
Blut aus Nord.
Mêlant guitares électriques et acoustiques, alternant passages lourds et blastés déchirés par les cris inhumains de 10.XIXt, moments atmosphériques et parties plus chaudes et langoureuses bercées par un groove opethien aux parties de basse délectables (With
Obsidian Hands, A Hundred to
Nothing, titre instrumental planant qui clôt l’album), les six morceaux qui composent cet opus sont longs, progressifs et brumeux, déclinant une infinité de nuances de gris sur leur palette.
La performance des musiciens est impeccable, avec une basse qui s’invite largement à la fête, un batteur au jeu intelligent et complet et un claviériste aussi discret qu’omniprésent, appuyant les ambiances par des notes lugubres et maussades, halo de notes subtiles enveloppant ces 47 minutes dans un linceul évanescent. Il convient aussi de souligner la prestation du chanteur, réellement habité, qui apporte énormément d’intensité et d’émotion, entre un râle black guttural et profond, des hurlements à glacer le sang, quelques vocalises murmurées et un chant clair grave et presque incantatoire (The
Antagonist).
Voilà donc un album de black inspiré qui évolue entre ambiances glaçantes et étouffantes et envolées plus progressives et calmes avec un équilibre et une maîtrise parfaites. On pourra reprocher un certain manque de moments vraiment forts le long de ces six titres, mais le tout s’appréhende dans son ensemble comme un long voyage qui nous mène vers l’apaisement du dernier titre. Si
Farsot n’invente rien, empruntant des plans, des ambiances ou des riffs à droite à gauche, il parvient tout de même à assembler le tout de manière habile et cohérente pour sortir un album à la cohérence et à l’identité relativement fortes. Voilà une musique exigeante et profonde pleine de nuances qui s’apprécie au fil des écoutes et qui plaira sûrement aux amateurs de groupes comme
Secrets of the
Moon,
Foscor ou
Fjoergyn. Décidément, avec Fail-Lure, l’échec n’aura jamais été aussi attirant…
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