Quand beaucoup parmi nous se complaisent dans une vie routinière, sans risque, la peur de la nouveauté probablement, enfin je parle pour moi là, d’autres ne choisissent pas la voie de la facilité/sécurité.
John Norum est sans conteste à ranger dans cette seconde catégorie.
Co-fondateur et guitariste des européens de Suède, ou plus exactement des suédois d’Europe, il aurait pu rester tranquille, au chaud, fermer sa gueule sur ses désirs artistiques, et surfer sur la vague, que dis-je, sur le tsunami généré par l’album « The Final
Countdown » (7 millions d’albums vendu à travers le monde en quelques mois). Que nenni ! Il quitte le groupe en pleine gloire après un dernier concert à
Amsterdam le 31 octobre 1986. La paire de cojones qu’il faut avoir…
Un an plus tard, il sort son premier opus solo au titre explicite, «
Total Control ». C’est à ce moment là que nous entrons dans l’ère Gala ou
Closer, à vous de choisir, de Norum.
Entre deux tournées, avec une dernière date le 19 mars 1988 en ouverture du grand
Ace Frehley à l’Hammersmith Odeon de Londres, John discute régulièrement avec
Don Dokken sur la possibilité de rejoindre ce dernier aux US pour vivre une belle histoire d’amour.
Mais John est un coquin. A peu prêt au même moment, dés juin 1988, John a également entamé une liaison discrète avec
Glenn Hughes. Oui oui,
Glenn Hughes, The
Voice. Lors d’un entretien avec le journaliste Anders Tengner, Glenn avait fait passer l’info sur son admiration pour Norum. Anders contacte illicers prester - c’est du suédois - le guitariste par téléphone, lequel à son tour contacte encore plus illicolof prestborg - toujours du suédois mais côte sud - Glenn.
Un Hughes dithyrambique à propos du guitariste : et que tout le monde va bientôt se rendre compte à quel point ce gars là est bon ; Et que c’est le seul guitariste à allier aussi parfaitement dans son jeu vitesse et émotion ; Et que c’est le meilleur guitariste au monde actuellement. Selon moi, vous pouvez remplacer le nom de Norum par
Impellitteri,
Iommi, Bonamassa, ou n’importe quel autre musicien avec lequel Glenn a collaboré et vous trouverez forcément un article où il a prononcé quasiment les mêmes mots à propos des uns et des autres. On peut admirer l’immense talent du chanteur, c’est évidemment mon cas, mais reconnaître au bonhomme une tendance à bouffer un peu à tous les râteliers quand même. Bref.
Quelques semaines plus tard, et après deux apparitions à la télé suédoise pour jouer ensemble trois petits titres, le projet est mis sur la touche. Les deux hommes décident de tracer leur route chacun de leur côté.
Qu’à cela ne tienne, retour à la case
Dokken, c’est l’avantage des liaisons extra conjugales, si on est suffisamment discret on peut toujours revenir l’air de rien, faut juste ne pas laisser son portable sans mot de passe sur la table du salon. Et comme Don ne regarde jamais la télé suédoise, no problem.
John rejoint le plus américain des allemands à L.A. en octobre 1989, d’abord pour tourner, puis pour enregistrer « Up
From The Ashes » (1990), un skeud bien ficelé mais dont je regrette toujours la prod’ très décevante et la présence en demi teinte du beau brun guitariste. A quoi bon embaucher un gars aussi talentueux pour le sous-exploiter ?
Ne voyant pas de demande en mariage venir, John désespère. Il reprend contact avec son ancienne maitresse, histoire de vérifier si l’herbe est toujours plus verte ailleurs, à condition que Glenn ne l’ait pas toute fumé. C’est bon, il en reste. Le deuxième album solo se prépare…
Mars 1992, après seulement quatre semaines de boulot en studio, il est enfin temps pour John de proposer au public japonais et européen ce fameux «
Face the Truth ». Dans ses bagages au poste de chanteur, aucune surprise si vous avez lu les lignes précédentes,
Glenn Hughes. Yes, voilà qui (me) met en confiance. Grand fan de Hughes depuis sa découverte de l’album «
Burn » du Pourpre Profond à 12 ans, Norum est comme un guedin à l’idée de pouvoir bosser avec son idole, lui qui a toujours trouvé Glenn meilleur que Coverdale au sein de Purple. La vérité si je mens, tu n’es pas le seul John. Peter Baltes (ex-futur Accept et compagnon de Norum au sein du
Don Dokken project) tient la basse. Hempo Hildén s’empare des baguettes.
Il faudra patienter quasiment trois ans, en janvier 1995, pour une sortie de l’album sur le continent nord américain, John devant se battre pour solutionner les problèmes que le label américain
Shrapnel Records et la filière suédoise de Sony dressent sur sa route. Pour un disque enregistré en Californie, avec Max Norman au mixage et Bob Ludwig au mastering, c’est ballot.
John a expliqué dans une interview accordée au magazine Burnn ! (juin 1995) la raison de cette lenteur administrative. En négociant avec la filière américaine de Sony à
New York, John tombe sur un os. La responsable n’est autre qu’une ancienne avocate de Hughes, période 1985, autant dire une période fortement « poudrée » pour le chanteur qui a choisi de suivre une autre ligne blanche que celle de la bonne conduite. Dés qu’elle voit le nom de Glenn associé au projet, elle prend peur et refuse de sortir le skeud. Les autres compagnies sollicitées réagissent de la même manière, pour la même raison. Hughes a beau affirmer partout dans la presse être clean, rien n’y fait. En dernier recours, John se tournera donc vers Mike Varney, de chez
Shrapnel, mais la mise en conformité du contrat prendra plus de deux ans et demi. Faut avoir la foie quand même dans ce business…
Le guitariste profitera néanmoins de ce laps de temps pour construire son propre studio d’enregistrement à
Los Angeles et modifier la track list de l’album, tant sur la forme que le fond, avec un ordre différent, cinq chansons remixées et deux titres éjectés, "Still the night" et "We will be strong", que Norum n’appréciait pas. En échange, deux morceaux live tirés de l’EP «
Live in Stockholm », difficile à trouver sur le marché, apparaissent.
Mais revenons à la version de 1992 si vous le voulez bien. Sans aller jusqu’à pouvoir parler de grand écart facial, certains auditeurs pourront se trouver quelque peu décontenancé par un album au contenu stylistique très éclectique, allant du tout-mou au tout-dur. A ce titre, voilà un disque qui ne manquera pas d’évoquer aux connaisseurs une autre association, celle de Chris
Impellitteri et de Graham Bonnet sur « Stand in Line » (1988).
En fait, on peut dégager trois types de morceaux sur ce skeud : heavy, hard rock et FM. Âmes sensibles, ou estomacs délicats, s’abstenir. Ajoutez enfin à cela un titre instrumental, "Endica", et une cover, "
Joey Tempest trail". Avec Norum, la reprise de
Thin Lizzy est obligatoire, comme un gimmick en quelque sorte. John s’approprie même le phrasé caractéristique de Lynott. Pari risqué. Pari réussi.
La facette la plus heavy est présente sur l’opener "
Face the Truth" ou le closer - oui je sais j’invente - "
Distant voices". Les deux meilleurs titres de la galette à mon goût, d’où ce regret permanent depuis ma découverte de l’album de ne pas avoir uniquement des morceaux dans cette veine. Dés que Hughes ouvre la bouche pour prononcer les premiers mots de l’album sur le titre éponyme, me voilà arborant un sourire béat - niais serait surement plus proche de la réalité -. Poursuivant (presque) sur la lancée de sa fantastique performance vocale sur le décrié «
Seventh Star » du
Black Sabbath featuring Tony
Iommi, il est bluffant. Marrant d’ailleurs de l’entendre balancer "i’m in the danger zone" comme sur le titre … "
Danger zone" - ben ça alors ! - de l’album du Sab’. "
Distant voices" boucle l’album comme il a commencé, en encore plus heavy. Coïncidence ou pas, notons la présence aux baguettes sur ce morceau de mister frappasse, j’ai nommé Mickey Dee.
Le hard rock est à l’honneur sur "
Night buz", avec sa mélodie très « américaine » et son superbe solo, lumineux, pour peu que ce qualificatif évoque quelque chose à l’un d’entre vous. Pour les autres, désolé mais faudra vous en contenter ou passer à une autre chro. Et ouais, c’est comme ça désormais, je suis un gangsta. Raaaaaaaaaa. Un titre co-écrit avec la future épouse de John, Michelle
Meldrum (
Phantom Blue), disparue en 2008 et que
Dokken voulait récupérer - la chanson, pas Michelle - pour son album de 1990. Refus de John, caca nerveux de Don, pas content.
"Good man shining", et son riff tournant répété sur le refrain, est, selon John, un titre en forme de clin d’œil à Purple, les claviers en moins. Notons également "Time will find the answer", un bon morceau, qui aborde la technique de la rythmique dite « du cheval au galop », popularisé par Accept notamment. D’ailleurs, à mon sens, le solo ne peut manquer de rappeler ce que propose
Wolf Hoffman.
La facette plus FM est évidente sur "In your eyes", une ballade bof bof, qui aurait plutôt dû finir sur un opus d’Europe tant il ne lui manque pour cela que quelques lignes de claviers, ou encore sur le très réussi "We will be strong". Pour la première fois depuis son départ d’Europe six ans plus tôt, le tandem Norum Tempest est de nouveau réuni, à la composition et à l’interprétation, Joey partageant le chant avec John. Le résultat ? Du pur Europe, période « Final
Countdown »/ « Prisonners in
Paradise ». Mais alors, pourquoi avoir quitté le groupe John ? Quelques années auparavant, je mets ma main à couper - enfin plutôt celle d’un premier cercle de SOM, on ne sait jamais -, que ce titre aurait tout simplement fracassé les charts. Vous avez la vidéo ci-dessous. J'insiste sur le fait qu'elle n'est pas représentative de tout l'album.
Enfin, "Counting on your love" et "Still the night" constituent en quelque sorte le trait d’union entre les morceaux hard rock et Fm. Second titre de l’album co-signé avec
Joey Tempest, la première est une chanson « modeste » à la mélodie qui rentre néanmoins rapidement dans la tête et que Glenn survole de toute sa classe. Même constat pour "Still the night", chanson composée par Hughes et Pat
Thrall dans l’optique de leur second album qui ne verra jamais le jour, et qui est déjà apparue sur l’album «
Phenomena » (1984) de Glenn. Dans les deux cas, le
Rainbow de la période « Bent
Out of Shape » me vient à l’esprit à l’écoute. Vous savez tous qu’il ne s’agit pas là de la meilleure période de l’arc en ciel. Résultat mitigé donc.
Concernant le jeu, très convaincant, de Norum sur ce disque, l’influence de Malmsteen, présente sur les premiers albums d’Europe ainsi que sur son premier opus solo, s’en est allée, laissant place notamment à celles de Moore ("Time will find the answer") et autres Sykes ("Counting on your love"). La légende raconte d’ailleurs que Sykes aurait un jour refusé à Norum un pass
VIP pour un show de Lizzy parce que ce dernier lui « volerait tous ses licks ».
Perso, je trouve que Norum n’est ici jamais dans le « copié-collé de », et ce malgré des influences comme pour tout un chacun, comme le prouve le très agréable instrumental "Endica", un morceau alliant technicité et mélodie et que l’on a pas envie de zapper à l’écoute, ce qui est déjà beaucoup je trouve pour un instrumental.
Norum laissera finalement Don, seul sur le sable les pieds dans l’eau, trois mois après la sortie de «
Face the Truth », les autres rats (dont Baltes qui a rejoint Accept pour un Reunion Tour) ayant déjà quitté un navire à la dérive que le capitaine ne semblait pas presser de lancer vers une nouvelle destination. John regrettera ainsi que
Dokken soit si talentueux mais si long à composer et à enregistrer : un mois pour les zicos du groupe pour l’album « Up
From The Ashes », huit mois pour Don et ses parties vocales.
Hélas, le tandem Norum/Hughes n’assurera pas un seul concert pour promouvoir «
Face the Truth ». Un véritable suicide commercial mais qui s’explique par le fait que l’album ne soit à ce moment là pas sorti sur le continent américain. Là même où John s’est installé pour vivre. Là même où John souhaite faire (re)connaître sa musique. Quand le disque sera enfin offert au public ricain, oui en 1995 vous avez bien suivi, vous gagnez un bon point et à dix bons points c’est une image, Norum viendra de publier son nouvel effort solo «
Another Destination ». Ce que l’on appelle un mauvais timing !
John et Glenn n’auront pas beaucoup d’enfants, ne vivront pas heureux et ne vieilliront pas ensemble. Tout au plus, la collaboration entre les deux hommes se poursuivra un peu plus tard cette même année 92 avec la participation de Norum à deux titres de l’(excellent) album de Hughes « L.A. Blues Authority ». Au contraire, Norum retrouvera Don à l’été 2001 et le suivra en studio pour l’enregistrement de l’intéressant « Long Way
Home » (2002).
Mais ce qui devait arriver arriva. John n’ayant jamais pu oublier Joey, son premier amour de jeunesse, il se décidera à rejoindre Europe en 2003. Depuis lors, cinq beaux enfants ont vu le jour. C’est qu’ils avaient du temps à rattraper les bougres et que ça s’agite fort sous la couette ! Et ce n’est peut être pas fini.
En revanche c’est en est bel et bien fini de la première chro people de l’histoire de SOM. Putain la honte !
Tu n'imagines pas à quel point c'est dur de ne pas court-circuiter les instances pour te passer directement chroniqueur occasionnel sans passer par la case concertation...Parfois j'aimerais être un soldat (un peu) moins obéissant...
J'adore cet album, bonnes compos associées à un Glenn Hughes au top, c'est pour le fan que je suis un véritable must. Seul bémol, le morceau avec Tempest au chant est naze ...
Merci Dark, aucun problème me concernant avec mon statut actuel. Cela vous fait juste un peu plus de boulot pour lire mes quelques chros toujours très longues :-)
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