Au commencement de l'aventure Lorenguard, il y avait cette farouche envie qui animait les jumeaux Sadler, Adam et Brady, de vouloir créer un univers heroic-fantasy riche qu'ils comptaient développer au sein de leur musique (en l'occurrence un
Power Metal très européen dont ils sont férus et qu'ils ont découvert au travers de travaux des
Rhapsody,
Freedom Call et autres
Kamelot). Pour être tout à fait honnête, en réalité, d'abord, il y avait surtout chez eux cette folle envie de raconter ces histoires dont leurs imaginations fertiles regorgeaient. En 2004, ils sont rejoints par les guitaristes TJ Hunt et Josh Kapplan, mais aussi par David Russell aux claviers. Ne manquait donc plus qu'un chanteur. Ce seront finalement deux, en la personne de Raleigh Barrett et de Rob Stith, qui seront les heureux élus. Le premier en tant que narrateur et le second en tant que vocaliste principal. Tous ensemble, ils composeront les premiers morceaux du groupe. Ces pistes sortiront en 2005 réunies sur un EP,
Of Tales to Come. Un disque qui, très honnêtement, n'est pas très bon. Sa production manque clairement de dynamisme et offre, par exemple, un son exécrable aux grosses caisses de batteries dont les intonations bien trop aigues auront le don de nous irriter. De plus, sans intention aucune de manquer de respect à qui que ce soit (quoique), les performances de Rob Stith y sont très moyennes. Et notamment dans ses aigus les plus extrêmes auxquels il peine à donner une musicalité juste et adéquate alors que ses médiums seront certes moins faux mais pas nécessairement plus beaux pour autant. Nul doute que si quelqu'un de suffisamment expérimenté en matière de
Power Metal Européen, et surtout de suffisamment critique, quelqu'un dans mon genre en somme, était tombé sur cet opus, et qu'il avait dû en rédiger une chronique, le résultat eut été sans appel.
6 longues années vont alors passer avant que Lorenguard ne refasse à nouveau parler de lui. En 2011 la formation native de Lafayette, dans l'Indiana, sort, en effet, son premier véritable effort baptisé
Eve of Corruption -The Days of Astasia, Part 1.
Pour ce qui est des forces en présence, si les deux frères seront toujours encore fidèles aux postes, celui de bassiste pour Adam et celui de batteur pour Brady, et qu'ils n'auront pas davantage abandonné leur rôle de têtes pensantes hégémoniques, il y aura tout de même quelques changements notoires au sein de ce collectif. TJ Hunt et Josh Kapplan auront, en effet, cédé leurs places de guitaristes à Dave Schneider et à Chris Cruz. Tout comme David Russell aura cédé la sienne à Alec Biccum aux synthés. Sans vouloir minimiser, ce sont là des changements, somme toute, assez anecdotiques dans la vie d'un groupe. En revanche l'arrivée d'Amanda Wells aux chœurs et aux chants est déjà nettement plus intrigante, surtout en complément de ce narrateur à la voix grave, Raleigh Barrett. Et le départ de Rob Stith est, quant à lui, carrément une bénédiction. Pour peu, bien sûr, que son remplaçant, Robb
Graves, soit plus doué. Et pour peu, aussi, que la production de ce disque soit enfin à la hauteur.
Pour ce qui est du traitement sonore, ne nous attardons pas trop longuement dessus mais disons juste que, bien qu'autoproduit, cet opus est d'une incroyable justesse et d'une redoutable précision. A tel point qu'il pourrait sans aucun souci rivaliser avec certains de ceux qui dictent les tendances du genre. Un petit miracle lorsqu'on se souvient du rendu médiocre de ce premier EP.
Concernant les prestations de Robb
Graves, là encore, la métamorphose est spectaculaire. Polyvalent, juste et avec suffisamment de caractère pour ne pas trop singer qui que ce soit (sauf peut-être Joacim
Cans d'
Hammerfall parfois (Eve of
Corruption, Dragonsbane...)), le chanteur fait exactement ce qu'on attend de lui, à savoir donner des couleurs et du relief à ces morceaux. Et lorsqu'il est associé à Amanda Wells, dont les interventions sont juste brillantes, excessivement efficaces et étonnamment plurielles (comme par exemple lorsqu'elle prend une voix très opératique sur le final d'Upon the
Burning Isles ou plus naturelle et douce sur les jolis Greenstone et Embrace), le résultat est remarquable.
En plus de ça, comme si ce n'était pas suffisant, Lorenguard aura enrichi son
Power Metal, autrefois très classique et convenu, de quelques nuances pas nécessairement renversantes, ni même révolutionnaires, mais qui feront la différence. Une différence susceptible de les distinguer, un peu, de la masse immense de ces formations lambdas. Et surtout il aura eu l'excellent réflexe de ne point trop en faire. Citons par exemple l'intro, et le break final, de Dragonsbane qui seront des moments dévolus à la douceur et à la légèreté que la formation aura construits pour qu'ils soient émouvants et beaux mais pas davantage. Un autre aurait fardé ces instants d'une multitude de couches successives afin d'en faire quelque chose, au final, de lisse. Parlons aussi de ces instants plus vifs et plus rugueux qui, s'ils ne seront pas légion, seront, là encore, suffisamment maitrisés et dans la retenue pour ne pas nous asphyxier. A ce titre,
Secrets of the
Spire et son pont aux aspérités et à la vivacité très particulières, une chanson conclue par un final piano/guitare remarquable de surcroît, mériterait sans doute les honneurs.
Eve of Corruption -The Days of Astasia, Part 1 est une œuvre américaine qui pourrait, sans aucun problème, donner quelques leçons à certains européens sur la manière de concevoir intelligemment du
Power Metal. Une œuvre qui, de plus, aura permis aux frères Sadler de réaliser un autre de leurs rêves puisque, en plus d'un disque, elle sera aussi devenue un livre écrit par Brady.
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