S'il est des formations sachant prendre la mesure des enjeux avant de se lancer dans la bataille, ce jeune quartet ukrainien originaire de Kharkiv serait assurément du nombre. En effet, fondé en 2016, le combo est-européen n'accouchera de son premier et présent album studio, «
Eternal Moments », que quelque huit années plus tard ! Le temps pour lui de nous octroyer deux singles («
Streams of Time » et «
Stellar Way ») quelques jours avant la sortie dudit album et de peaufiner sa production d'ensemble ; enregistré, mixé et mastérisé par Nikolas Quemtri (
Ilex,
Illusions Play, Tessia, Apolinara...), ce set de 12 compositions jouit d'une péréquation de l'espace sonore entre lignes de chant et instrumentations doublée d'une belle profondeur de champ acoustique. Indice révélateur d'une sérieuse envie d'en découdre sérieusement de la part de nos quatre gladiateurs, et ce, dans une arène metal symphonique à chant féminin on ne peut plus foisonnante !
Mais avant d'aller plus loin, faisons connaissance avec nos hôtes. A bord du cargo nous accueillent : Alina Yermakova, chanteuse aux cristallines inflexions ; Serhii Bezzubenko aux guitares ; Ernest Dashevskyi à la basse ; Dmytro Volokhov à la batterie. De cette collaboration de longue date émane un propos rock'n'metal mélodico-symphonique gothique aux relents heavy, power progressif et metal moderne. Aussi effeuille-t-on un méfait à la fois volontiers pulsionnel, souvent rayonnant, parfois épique, romanesque à ses heures, témoignant parallèlement d'une féconde inspiration de ses auteurs et d'une technicité instrumentale et vocale dores et déjà affutée. où les sources d'inspiration sont à puiser dans le patrimoine compositionnel de
Nightwish,
Xandria,
Delain,
Sirenia, Volturian,
Amaranthe, Metalite, et consorts. Ce faisant, les 68 généreuses minutes de cette introductive offrande permettraient-elles à nos acolytes de rejoindre dès lors le cercle encore restreint des sérieux espoirs de ce registre metal ? Mais embarquons plutôt à bord du vaisseau amiral pour une traversée en eaux profondes que l'on espère jalonnée de terres d'abondance...
Si le groupe ne s'y est pas réduit exclusivement, c'est néanmoins pied au plancher que s'effectue volontiers la traversée, non sans quelques gemmes disséminées sur notre chemin. A commencer par «
Stellar Way », époumonant et organique up tempo aux riffs en tirs en rafale, dans la veine coalisée de
Sirenia et Volturian ; doté d'un refrain immersif à souhaité mis en relief par les angéliques oscillations de la belle et muni d'un flamboyant solo de guitare, ce fédérateur hit en puissance poussera assurément à y revenir sitôt l'ultime mesure envolée. Difficile également de se soustraire à la vague de submersion qui va s'abattre sur nous sous l'impact de l'infiltrant cheminement d'harmoniques que nous invitent à suivre le torrentiel « The
Voice of
Universe » comme l'épique « Crossing All Way » ; parallèlement pourvues d'une mélodicité toute de fines nuances cousue où se calent les limpides modulations de la princesse, ces deux énergisantes offrandes, ''nightwishiennes'' en l'âme, n'auront pas tari d'armes pour asseoir leur défense et se jouer des nôtres.
Moins directement inscriptibles dans les charts, d'autres pistes tout aussi enfiévrées pourront à leur tour nous aspirer, et sans ambages, dans la tourmente. Ce qu'atteste, d'une part, «
Eternity », trépidant up tempo metal symphonique moderne aux riffs acérés, à mi-chemin entre
Sirenia et
Amaranthe ; n'ayant de cesse de nous asséner de saillants coups de boutoir tout en voguant sur d'ondoyantes rampes synthétiques, l'éruptif manifeste dévoile parallèlement une soudaine et grisante montée en régime de son corps orchestral. Et la sauce prend, in fine. On ne saurait, enfin, éluder, l'invitant et ''sirénien'' «
Lost in Memories », tant au regard de ses frémissants gimmicks guitaristiques et à son énergie aisément communicative que de son sidérant solo aux claviers. Mais le magicien aurait encore quelques tours dans sa manche en réserve, et des meilleurs...
Lorsque le rythme de leurs frappes se fait un poil plus mesuré, nos acolytes trouvent à nouveau matière à nous retenir sans avoir à forcer le trait. Ce à quoi nous sensibilise, tout d'abord, «
Streams of Time », entraînant mid/up tempo aux riffs crochetés, à la confluence de
Delain et
Nightwish ; recelant un refrain catchy mis en exergue par les fluides ondulations de la sirène, pourvu de sémillantes nappes synthétique ainsi qu'un fringant solo de guitare, le ''tubesque'' effort ne se quittera qu'à regret. Dans cette veine s'inscrit également le félin et néanmoins cadencé « After the Sunset », fort de ses enchaînements intra piste ultra sécurisés. Dans cette énergie, « Wandering '
Cross the Sea » se pose, lui, tel un énigmatique et ''xandrien'' mid tempo progressif aux riffs épais. Disséminant de truculents arpèges d'accords où se greffent les chatoyantes patines de la déesse et inscrivant dans sa trame un fin legato à la lead guitare pour fermer la marcher, le solaire élan laissera assurément quelques traces dans les mémoires de ceux qui y auront plongé le pavillon. Enfin, introduit et entrecoupé par de délicats arpèges pianistiques, le tonique « The
Journey », lui, laisse entrevoir d'insoupçonnés effets de contraste : développant une sidérante force de frappe accolée à un martelant tapping, ce polyrythmique et ''nightwishien'' mouvement livre également de troublantes notes d'une cornemuse libertaire. Et la magie opère, une fois encore.
Quand les lumières se font plus tamisées, nos compères se muent alors en de véritables bourreaux des cœurs en bataille. Ce qu'illustre « My
Home Is There Where You Are », ballade atmosphérique d'une sensibilité à fleur de peau, que n'auraient sans doute reniée ni
Nightwish ni
Xandria. Investi d'arpèges pianistiques d'une infinie délicatesse au sein desquels viennent se lover les célestes volutes de la maîtresse de cérémonie, et magnifié par un poignant solo de guitare, l'instant privilégié comblera, à n'en pas douter, les plus exigeantes des attentes de l'aficionado de moments intimistes.
Dans un souci de diversification atmosphérique, le collectif a placé une aérienne et ample plage instrumentale sur notre route. Bien lui en a pris. Ainsi, « Under the Serene Firmament » s'offre telle une pièce d'obédience symphonico-cinématique aux arrangements ''nightwishiens'', digne d'un générique d'une grande production hollywoodienne ; ponctuée de profonds et métronomiques roulements de tambour, cette soyeuse et synthétique plage dissémine de seyantes séries de notes échappées d'une harpe samplée du plus bel effet, telles que le harpiste suisse de world-pop-jazz Andreas Vollenweider aurait pu nous en dispenser.
Mais ce serait son ample pièce pièce en actes symphonico-progressive qui détiendrait la palme ! Un exercice de style des plus exigeants, certes, souvent appelé de leurs vœux par ses pairs, mais relevé de main de maître par la troupe. Ainsi, l'épique et romanesque fresque « Forever in My
Heart » déploie ses quelque 10:51 minutes d'un spectacle aux moult rebondissements, sous-tendu par des arrangements instrumentaux aux petits oignons. Variant à l'envi ses phases rythmiques tout en sauvegardant l'une des plus enveloppantes des sentes mélodiques, sur laquelle semblent danser les cristallines impulsions d'une interprète bien habitée, offrant par là même un pont mélodico-techniciste instillé de fins clapotis pianistiques que balaiera alors une soufflante montée en régime du dispositif orchestral, le dantesque et luxuriant mouvement poussera le chaland dans ses ultimes retranchements. Un masterpiece enorgueilli de finitions passées au crible, qui pourrait bien se jouer de toute tentative de résistance à son assimilation.
Au terme d'une croisière des plus sécurisées et parsemée d'ilots enchanteurs, force est d'observer qu'un doux sentiment de plénitude nous étreint. Variant ses exercices de style à l'envi, doté d'une identité oratoire dores et déjà aisément identifiable et des plus troublantes, et bénéficiant d'une ingénierie du son coulée dans le bronze, cet initial et pléthorique élan se suit de bout en bout sans escale prématurée. Afin de conférer davantage d'épaisseur artistique à leur projet, il conviendra toutefois que nos acolytes s'affranchissent de l'empreinte par trop sclérosante de leurs maîtres inspirateurs et qu'ils inscrivent l'une ou l'autre prise de risque au cahier des charges. Quoi qu'il en soit, nos quatre mousquetaires disposeraient là d'une belle carte à jouer pour espérer rejoindre les sérieux espoirs de ce si concurrentiel espace metal. Bref, premiers émois et premier coup de maître esquissé par la formation ukrainienne...
Vous devez être membre pour pouvoir ajouter un commentaire