C'est dans une caverneuse atmosphère peuplée de gorgones que s'est engouffré le groupe
Black Death Symphonique
Esperoza. Le quartet, mené par ses membres fondateurs, la chanteuse Zoya Belous et le guitariste Dimitrii Prihodko, nous embarque dans un premier opus auto-produit aux notes sombres, à l'orchestration échevelée et aux riffs frondeurs. Deux ans après la sortie d'un discret EP intitulé "Tempest", l'album "
Esperoza", du haut de ses onze pistes, s'avère d'une tout autre dimension.
L'impression d'ensemble est de découvrir une oeuvre à la fois instrumentalement complexe, voire tourmentée, et vocalement profonde et lyrique, excepté sur l'orchestral et mitraillant "Dimensions Collider". Ce qui n'est pas sans rappeler l'univers de contrastes atmosphériques propre au groupe de
Black Death Symphonique russe
Little Dead Bertha. Dans un même mouvement, le groupe moldave nous immerge ainsi au coeur d'un cadre instrumental d'une étrange noirceur duquel vient nous repêcher avec aplomb un chatoyant appel de la sirène. Celle-ci mêle puissance hypnotique, à l'image de Helena Michaelsen (
Imperia), et lyrisme enveloppant, à l'instar de
Svetlana Hodyakova, chanteuse du groupe évoqué ci-dessus. Enfin, une empreinte technique de groupes tels que
Dagor Dagorath ou Labai
Ritual nous est proposée.
Pas de doute, le groupe a suivi tout au long de l'opus les codes du genre
Black Death Symphonique.
La magie conférée par un environnement instrumental de grande ampleur s'inscrivant dans d'énigmatiques arpèges opère sur certaines pistes. Ainsi, une profondeur de champ acoustique s'observe sur "Tempest" où évolue un chant lyrique au large spectre. On se trouve alors plongé dans une ambiance proche d'un morceau tel que "If You Try" du groupe russe pré-cité. Sur cette assise symphonique s'imposent, par effet de contrastes et comme un seul homme, une sémillante rythmique et des riffs rageurs. Ceux-ci nous calent alors dans une ambiance frissonnante en proie aux grands tourments. Non moins tortueux, le viscéralement fougueux "Meaningless
Existence (Book of
Life Part II)", par des effets compulsés au synthé, ne nous laisse que peu de répit. Sur des harmonies nuancées, seul le chaleureux organe de la diva vient nous réconforter. Sur une rythmique plus plombante, l'inquiétante noirceur de "Undisguisable Feeling" se double d'inextricables riffs de guitare et d'une basse méprisant les rondeurs de notes, comme on pourrait les retrouver chez le groupe de
Black Death Symphonique israëlien
Dagor Dagorath. Paradoxalement, le tout s'organise autour d'une partie vocale jouant la carte de la sensibilité et d'une confondante tiédeur.
D'autre part, le combo sait aussi ne pas oublier de se montrer moins angoissant. En effet, le titre éponyme de l'album est une fresque instrumentale de bonne facture où un lyrisme vocal enjoué est mis en relief. De son côté, la complexe orchestration répond en écho à des riffs frétillants le long des dix minutes de contrastes rythmiques du morceau. Non moins stimulant, l'imposant "
Lost Path" déploie son arsenal instrumental avec emphase. Ce dernier vient corroborer d'acides riffs et une sculpturale performance vocale. Ce passage pourrait évoquer le titre "Of
Snake of
Raven" du groupe de
Black Death Symphonique russe
Arcane Grail, notamment sur le plan vocal, à l'image de la performance de la soprano Natalia Kempin.
Plus mélodieux encore, "
Aria del Vagante" use d'un taping ininterrompu, de riffs accrocheurs et d'une orchestration bien distillée. Sur un mode lyrique, de belles oscillations vocales suivent une ligne mélodique subtile et cohérente.
D'autres moments témoignent également d'un travail de studio conséquent, mais où le brio parfois s'efface devant une surdose de technicité. Aussi, la complexité instrumentale de "
Immortal Methuselah" nous interpelle autant que les riffs rutilants nous font vaciller. Exercice de style instrumental déployé à la manière du groupe de
Black Death Symphonique mexicain Labei
Ritual. Mais, malgré les jolies inflexions du corps vocal de Zoya, l'exercice se répète inlassablement et notre perplexité gagne du terrain sur l'émotion. Pour le rugueux "
Firestorm", bien que l'ampleur de la tessiture vocale soit significative et que les nappes synthétiques ne soient pas à prendre en défaut, le chemin mélodique s'avère bien terne pour nous retenir. On désertera sans souci cette plage peu affriolante.
Enfin, le groupe nous fait partager des morceaux exclusivement instrumentaux, à l'instar de "Inanition", au taping léger et aux riffs gras, ou encore, de l'anxiogène "Dimensions Collider", plus haut relevé. Techniquement efficaces, ces deux pistes manquent néanmoins d'une certaine épaisseur artistique qui les aurait rendues plus digestes.
On ressort de l'écoute de cet opus séduit par la qualité à la fois des enchaînements et des parties vocales et instrumentales. De plus, l'ambiance
Death est bien restituée par la profusion d'effets et par la mise en relief acoustique de l'orchestration. Aussi, la dimension symphonique s'adjoint à cet ensemble avec bonheur.
Il aurait été souhaitable, cependant, que la tonique entame "What Lurks Within" soit moins brève pour nous convaincre et que certaines harmonies soient plus enjouées pour nous asseoir sans avoir à nous retenir. A vouloir flirter avec les limites de la démonstration, sans y déceler la moindre trace d'une suite de notes un poil captivante, on risque parfois la pâle caricature d'un exercice convenu dans ce registre stylistique. Ainsi, les lignes mélodiques de ces titres étant un peu taillées dans la roche, l'accroche de l'auditeur pourra alors s'en défaire sans sourciller.
Cet album est susceptible de convenir à tout amateur de
Black Death Symphonique à chant féminin. A condition de se concentrer sur les passages clés de l'opus, celui-ci devrait rencontrer un auditoire plus acquis à sa cause. Il lui reste encore à peaufiner les détails et les finitions harmoniques de ses morceaux les moins accessibles pour remporter l'adhésion.
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