Eschate Thule

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17/20
Nom du groupe Mystified
Nom de l'album Eschate Thule
Type Album
Date de parution 08 Avril 2014
Labels Cryo Chamber
Style MusicalDark Ambient
Membres possèdant cet album1

Tracklist

1. Bering Strait 08:48
2. Frozen Vapor 08:11
3. Deep in the Tundra 13:02
4. Patriotic Exploratin 08:42
5. Northwest Passage 08:28
6. Whiteout 05:31
Total playing time 52:42

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Mystified


Chronique @ Dotflac

15 Avril 2014

Fantastique, tant par sa composition que l'imaginaire qu'il crée.

Qui pourrait croire que le premier contact qu'a eu Mystified avec la musique fut au travers d'un piano et d'un trombone ? De son vrai nom Thomas Jackson Park, l'artiste a en effet commencé par côtoyer les univers du classique et du jazz avant d'évoluer vers la musique électronique.

C'est après sa rencontre avec l'artiste ambient Rapoon (édité sur de délicieux labels tels Manifold Records ou Glacial Movements) que Thomas Park va créer son projet Mystified, essentiellement axé ambient, dark ambient et drone. Actif depuis plus de dix ans sous cet alias, il est responsable de dizaines d'albums et de collaborations pour un tas de labels, dont le sien s'intitulant Treetrunk Records. Nous allons nous intéresser aujourd'hui à sa dernière création en date, intégrant depuis le 8 avril 2014 la maison de qualité Cryo Chamber.

Eschate Thule est un album assez fantastique, tant par sa composition plutôt orchestrale que l'imaginaire qu'il crée ; une chimère qui mêle habilement un dark ambient prépondérant, glacial et spectral, avec des touches appuyées d'atmosphères plus claires et laissant place à des espaces moins suffocants.

Le titre d'ouverture, Bering Strait, résume bien le concept [totalement subjectif que j'ai] de l'album : une expédition sur un brise-glace à l'aube de l'hiver, droit vers les eaux gelées du Nord, qui se révélera pleine de surprises. Les orchestrations à base de cordes et les nappes plus aiguës de synthés mises en boucle dans la première moitié de la piste représentent parfaitement ces étendues infinies d'eaux figées d'un bleu glacé, percées par l'étrave de notre bateau et résonnant dans la coque au son des percussions distantes perçues au travers de Bering Strait. Les boucles sonores s'étoffent en diversité et en harmoniques, se manifestant et s'effaçant aléatoirement pour donner du relief à notre voyage. Puis se rajoute dans la seconde moitié une couche de cordes bien plus basses, apparaissant périodiquement et transformant l'ambiance optimiste et claire du début d'Eschate Thule en un son plus menaçant.

Impression qui se confirme dans les deux pistes suivantes, Frozen Vapor et Deep In The Tundra, s'enfonçant de plus en plus rapidement dans les ténèbres arctiques. Les violons se font plus dramatiques et épars, les violoncelles plus présents, les sons globalement plus graves et inquiétants. Un brouillard épais s'invite alors à la fête au travers d'un léger souffle en fond, nous obligeant à ralentir la cadence et réveillant les vieilles superstitions d'une enfance envolée. Frozen Vapor semble illustrer la transition entre le monde réel du début d'album et une dimension parallèle habitée par des esprits errants.

Deep In The Tundra efface les mélodies et impose un drone monolithique orné d'enregistrements de terrain, nous situant définitivement dans un monde alternatif, opaque et silencieux. Naviguant sur le Styx local et nous dirigeant certainement vers les Enfers gelés, on discerne dans les sons des plaintes distantes des habitants locaux, s'étirant dans l'espace et le temps sans oublier de nous glacer le sang ; chuchotements d'origines incertaines, parasites dans la radio, ombres malignes et cuivres simulant des sirènes intimidantes se superposent et nous déboussolent dans la pièce musicale la plus sombre de l'album.

La navigation continue dans le brouillard durant Patriotic Exploration, mais le jour perce sur ce qui ressemble à l'antichambre des infortunés qui n'ont jamais quitté l'océan. Mystified a utilisé ici des enregistrements décousus d'un orchestre jouant des mesures sur un ressac aigu et un tintement réguliers, nous faisant quitter l'atmosphère très dense de Deep In The Tundra tout en conservant le malaise de la situation. En effet, le patchwork de sons redondants constitué par l'orchestre sur le tintement métronomique doublé des variations de volume font penser à la rémanence des derniers instants d'un dîner sur un paquebot ; la seule chose que ces esprits peuvent encore faire est de répéter les dernières secondes de leur existence pour l'éternité, et ils ne s'en rendent même pas compte. Le magma de cordes, de cuivres et de percussions qui reprend les mêmes secondes de musique est sûrement aussi intimidant que l'éventualité de rester prisonnier de soi-même sans possibilité d'en réchapper.

Cette volonté de sortir d'Eschate Thule se décrit dans Northwest Passage. La relative clarté des sons enjoués d'un orchestre complet, dans la piste précédente, disparaît au profit de cordes bourdonnant sans discontinuer sur le grondement d'une ligne de basse en fond sonore, tandis qu'une section de cuivres incisifs apportent toute leur puissance à intervalles réguliers. Une trame sonore digne d'un film d'épouvante, où l'on peut se représenter le devoir qu'ont les âmes perdues de ne laisser sortir personne de leur dimension.

Danger, stress, peur, une charge trop difficile à supporter alors que l'on semble atteindre la sortie de ce calvaire, lorsque le brouillard se lève au loin dans Whiteout. Plus facilement qualifiable de cousin du bruit blanc que de musique ou d'ambient, la dernière piste nous laisse dans l'incertitude quant à l'issue de notre voyage. À l'inverse du reste de l'album, Whiteout semble plus décrire l'esprit du protagoniste que la situation dans laquelle il évolue. Parsemée de nappes suraiguës simulant l'acouphène, cette composition nous isole presque entièrement dans notre tête, alors même que l'on cherchait à échapper à ce destin. Les seules manifestations extérieures que l'on entend sont les gémissements périodiques des panneaux métalliques de notre brise-glace, recouverts par ce qui ressemble à une pluie soutenue. Cependant, seul, sonné et immobilisé sur le pont, Eschate Thule nous laisse dans l'expectative concernant le fin mot de l'histoire. Et c'est notamment grâce à cette possibilité de décider de l'issue de l'album, heureuse ou non, que j'ai apprécié le travail de Mystified.

Les 52 minutes d'écoute sont comme un iceberg : oscillant habilement entre de larges fondations dark ambient sur Deep In The Tundra ou Northwest Passage, tout en y additionnant quelques éléments bien plus aérés comme dans Bering Strait ou Patriotic Exploration, Eschate Thule est un album original porté par de nombreux éléments orchestraux, dont l'atmosphère froide du Nord-Atlantique vous transportera dans une expédition surnaturelle.

Qui a dit « Prélude à Deep Frieze » ?

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