La difficile vie mitoyenne des créateurs et des sosies. Celle des originaux avec leurs copies, des maitres avec leurs disciples, des leaders et des suiveurs.
Dans la langue allemande, le Doppelgänger est le sosie maléfique et démoniaque de notre être, celui qui, inutile mais présent, s’évertue à détruire la véritable entité, la personne propre. Le double en chacun de nous porterait ce nom étrange et peu employé…et il en revient aux étranges finlandais de
Chaosweaver de nous faire pénétrer le royaume de ce double fantomatique.
A ne pas confondre avec les italiens de
Chaoswave (officiant eux dans un thrash mélodique proche de Nevermore),
Chaosweaver est le symbole d’une scène montante depuis quelques temps dont UneXpect ou
Xerath sont les premiers fers de lance. Baptisés par leur label comme un groupe de « Cinematic Extrême
Metal » (Ô glorieux royaume de l’étiquetage) pour nous vendre l’originalité de créer sans y arriver convenablement.
Dans le sillon des britanniques de
Xerath, il semblerait que les finnois soient arrivés à une création très homogène et cohérente avec ce second opus, de plus représenté par une imagerie des plus décadentes et mystiques (il suffit de regarder les photos de line up) ainsi qu’un artwork a rapproché de l’œuvre du contorsionniste peintre Picasso (dessiné par Johan Edlund de
Tiamat).
Excellent, le son permet au groupe de peindre le monde qu’il souhaite et il est évidemment partagé entre grandeur symphonique et noirceur metallique. Le chant black de
Cypher Commander (quel pseudonyme !) n’est pas sans rappeler celui de Shagrath et ses narrations le sont tout autant. Le timbre est donc bien souvent criard et torturé, les riffs rapides mais conservent toujours une très forte dose de mélodicité, d’autant plus que les claviers sont constamment là pour rendre l’atmosphère plus grandiose encore. Pourtant, c’est une folie qui se dégage de la musique de
Chaosweaver. Une folie créatrice qui tente des choses même si la recette n’est pas totalement nouvelle. Le piano, les ambiances, la narration…tout ceci forme un théâtre absurde et malsain qui rend l’immersion plus profonde encore ("A
Requiem for a
Lost Universe").
Néanmoins, le groupe sait parfois se faire plus direct et sans fioritures, traditionnel presque, comme sur "Crystal Blue" aux relents d’
Arch Enemy, intronisant l’apport de samples électroniques apportant une colorisation délurée mais toujours ancrée dans une atmosphère définitivement folle et schizophrénique (l’ombre du grand Manson de l’époque plane).
Il serait cruel et erroné de croire que
Chaosweaver n’est qu’un vulgaire patchwork de groupes actuels ou plus anciens, car la créativité et l’originalité dont faire preuve "Enter the
Realm of the Doppelgänger" est à même de parfois déstabiliser un auditeur qui ne s’en plaindra (normalement) pas (encore faut-il rechercher des sensations nouvelles). La magnifique ouverture au piano de près de trois minutes intitulée "A
Red Dawn Rises" est déjà une preuve de ne pas vouloir bêtement faire comme les autres, dans une optique plus proche du metal symphonique. Très filmique et poétique, cette introduction allie la douceur du piano à la mélancolie de nappes lointaines. Une narration évoquant inévitablement Christopher Lee (son empreinte dans le cinéma est si importante qu’il est impressionnant de remarquer le nombre d’artistes s’inspirant de son travail vocal) ouvre les portes de l’album avant que le furieux "
Wings of Chaos" ne déferle. Guitares et batterie rapide, chant black, symphonie grandiloquentes, la scission entre les deux instants est nette et brutale. Le chant véhicule un flot constamment contradictoire d’émotions, et la multiplicité des timbres est une force incroyable dont joui
Chaosweaver à merveille. Une chanteuse vient parfois poser sa voix dans cette déferlante, un break au piano se pose en plein milieu de deux plans rapides, un beat électronique surgit de nulle part…il est impossible de prévoir ce qui nous attend la seconde suivante. Encore une fois, sans être d’une originalité complète (la quasi-totalité des ingrédients sont connus, seule la recette change), les finlandais nous baladent et surprennent positivement par leur volonté, leur dextérité et leur savoir-faire musical.
Là où "The Great Cosmic
Serpent" se penche vers une musicalité plus syncopée et moderne (l’influence de
Xerath parait presque évidente), la longue pièce "
Infected" est au contraire très mélodique et atmosphérique, passant par de multiples humeurs avant de se terminer. Débutant d’une lente et brumeuse nappe de claviers, une narration incantatoire raconte une histoire (à la manière des vieux
Dimmu Borgir) avant qu’inéluctablement, les finnois ne libèrent leur haine et leur rage. Dans ce déferlement, on ne manquera pas d’entendre, de ci de là, des notes éparses de piano, des sonorités bizarroïdes et spatiales et des dizaines d’éléments incongrus mais enrichissant considérablement le spectre sonore. Il en sera de même pour "Ragnarök Sunset" qui se formera sur une base similaire quoique plus mélancolique, le chant féminin revenant d'entre les cieux.
Il n’y a objectivement que très peu de choses à reprocher à un tel album, mariant de façon aussi cohérente et maitrisée des styles si éloignés. On ne pourrait, en chipotant légèrement, que reprocher que les éléments, pris individuellement, ressemblent parfois à d’autres groupes, mais se serait faire preuve de mauvaise foi que de ne pas avouer que
Chaosweaver dispose d’une personnalité propre et maladive. "Enter the
Realm of the Doppelgänger" est un excellent album permettant de mettre en lumière un groupe fortement capable de très grande chose à l’avenir. Sans être ultime, ce second album est la porte d’entrée vers une reconnaissance méritée. De leur imagerie à leur son, en passant par leurs compositions,
Chaosweaver est atypique. Laissez-vous mordre par son venin…il est probable que vous soyez tenté d’y retourner très vite…
Merci pour la chro, content que l'on parle de cet album ^^
Merci pour la chro'.
Sinon pour le chant féminin, il me semble que c'est la même chanteuse que dans Diablerie (un groupe d'indus' finlandais)
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