Difficile aujourd'hui pour les nouveaux entrants de s'illustrer dans un espace heavy mélodique à chant féminin déjà surinvesti en formations de tous poils, dont de jeunes loups aux dents longues... C'est pourtant sans complexe et porté par une sérieuse envie d'en découdre que cet opiniâtre et inspiré quintet suédois se lance dans la bataille.
Si, l'année même de sa création, en 2018, le combo réalise un introductif mais encore tâtonnant EP éponyme, tant sa production d'ensemble que ses compositions s'affineront au fil du temps. Ce dont témoigne son premier et présent album full length, «
Enemy Within », que quatre longues années séparent de son humble aîné. Inscrivant les ''tubesques'' singles «
My Darkest Enemy » et «
Sanctuary » parmi les huit titres qui la composent, cette auto-production constituerait-elle une arme suffisamment affûtée pour permettre à nos belligérants de guerroyer sereinement dans cette arène metal ?
Composé d'
Erika Heineman en qualité de frontwoman, des frères Rikard (Crimson
Carnage,
Withering Reign, feu-Lotus) et Simon Holmberg – l'un, aux growls et aux guitares ; le second, à la guitare et aux choeurs –, de John Petri Ingmarsson à la basse et aux choeurs et d' Oskar Petterson derrière les fûts, le groupe ainsi constitué officie dans un environnement heavy mélodique à la fois impulsif, corrosif et enivrant, aux coloratures metal alternatif et atmosphérique gothique, où cohabitent des sources d'influence aussi éclectiques que
Lacuna Coil,
The Gathering et
Nemesea. Reposant sur une qualité d'enregistrement et des arrangements de bonne facture, les 35 minutes du ruban auditif de la pimpante galette procurent un confort auditif apte à maintenir intacte l'attention du chaland. Mais laissons plutôt nos hôtes nous guider dans cette aventure...
C'est au cœur d'un torrent de lave en fusion que nous projettent parfois nos compères, non sans laisser quelques traces dans les mémoires de ceux qui y auront plongé le tympan. Ce qu'atteste, tout d'abord, « Shine », ''lacunacoilesque'' up tempo aux riffs corrosifs ; disséminant de sémillants arpèges d'accords, pourvu d'un break opportun investi d'un fin picking à la guitare acoustique alors prestement balayé par une bondissante reprise, et mis en exergue par les claires inflexions de la sirène auxquelles répondent parfois les growls glaçants de son comparse, le fougueux effort ne lâchera pas sa proie d'un iota. Dans cette énergie, on ne saurait éviter d'esquisser un headbang bien senti sous l'impact des virulents coups de boutoir et des fringants gimmicks guitaristiques essaimés par le torrentiel «
Sanctuary » ; calé sur une ligne mélodique, certes, déjà courue mais des plus engageantes, où se greffent les empreintes alors parfaitement harmonisées des deux vocalistes patentés, ce hit en puissance ne se quittera qu'à regret. Enfin, eu égard à leur entêtant refrain et à leurs arrangements instrumentaux aux petits oignons, c'est d'un battement de cils que le fringant «
My Darkest Enemy » comme le tortueux « Bring Me Back » nous aspireront dans la tourmente.
Un poil moins mordants, d'autres espaces d'expression pourront à leur tour se jouer de toute tentative de résistance à leur assimilation. Ce à quoi nous sensibilise, en premier lieu, « Parude », entraînant mid/up tempo syncopé à mi-chemin entre
Nemesea et
Lacuna Coil ; recelant d'insoupçonnées montées en puissance du corps orchestral, l'enjoué méfait se pare également d'un refrain catchy mis en habits de lumière par les troublantes impulsions de la déesse. Et la sauce prend sans tarder. Dans cette mouvance, on ne saurait davantage éluder le polyrythmique « Let Go » tant pour ses tourbillonnants et invitants gimmicks que pour la soudaineté de ses galvanisantes accélérations. Instillé de sensibles gammes pianistiques, disséminant de sémillants harmoniques et reposant sur des enchaînements intra piste ultra sécurisés, le félin et ''nemesien'' «
Ignite » pourra non moins aspirer le pavillon du chaland. Enfin, répondant à un souhait communément partagé de varier leurs exercices de style, le mid tempo « Realization of Self » se pose tel un instrumental atmosphérique gothique pétri d'élégance ; sous-tendu par un fin legato à la lead guitare et de délicats arpèges au piano, le chatoyant effort conclue sereinement la traversée.
Au final, le combo suédois nous livre un propos ne manquant ni de tempérament ni de délicatesse, poussant à y revenir sitôt l'ultime mesure envolée. Fort d'une production d'ensemble plutôt soignée, laissant entrevoir une technicité instrumentale maîtrisée, des lignes mélodiques, certes, parfois convenues mais assez efficaces et de poignantes joutes oratoires, ce message musical n'aura pas manqué d'atouts pour espérer nous rallier à la cause de ses concepteurs. Toutefois, pour envisager une histoire au long cours, il conviendrait que nos acolytes en viennent à varier davantage encore les exercices de style qu'ils ne l'ont fait et à consentir à l'une ou l'autre prise de risque. En dépit de ces réserves, au regard d'une œuvre aussi truculente que frondeuse, la troupe pourrait bien jouer les épouvantails parmi ses homologues stylistiques. Affaire à suivre, donc...
Note : 14,5/20
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