Si aujourd’hui, on n’entend plus beaucoup parler de
Demoncy et que ce nom n’évoque pas forcément grand-chose aux metalleux les plus jeunes, il convient de rappeler que la formation de Portland, formée en 1988, fait partie de la vieille garde américaine et a contribué aux fondations du black étasunien aux côté des compatriotes de
Von,
Inquisition et
Profanatica. Après une flopée de démos sulfureuses et blasphématoires à souhait, le combo lâche une bombe de true black sans concession en 1999,
Joined in Darkness, puis sombre petit-à-petit dans l’oubli, la faute à des sorties de qualité un peu irrégulière et à la concurrence internationale qui fait rage.
Le groupe tente un timide retour en
2012 avec un
Enthroned is
Night mitigé, et il semblerait désormais qu’il tente de faire le lien entre son passé glorieux et un futur plus incertain, l’album dont il est question ici n’étant en réalité que le réenregistrement du
Empire of the Fallen Angels de 2003 agrémenté d’un LP de trois titres (plus une intro ridiculement longue et parfaitement inutile).
Quoi qu’il en soit, la version 2015 d’
Empire of the Fallen Angels est bien différente de la mouture originale : premièrement, le son, avec cet accordage très bas et tellurique et ces basses extrêmement en avant, presque assourdissantes, nous assomme d’entrée. Le tout est bourdonnant et nauséeux, appuyé par une disto baveuse et dégueulasse qui achève de nous engluer dans cet Achéron de notes mortes et gelées, et finalement, la musique de
Demoncy gagne en ambiance sulfureuse ce qu’elle perd en clarté et en puissance.
Car deuxième point, s’il souffle sur cet album une aura proprement démoniaque, c’est aussi notamment via les vocaux chuchotés proprement terrifiants de Scorpio, qui semblent émaner droit des abysses les plus profonds, bien différents des éructations plus classiques du chanteur précédent. Ceci dit, force est de reconnaître que si ce chant si particulier, aux intonations lugubres et incantatoires, contribue grandement à épaissir les vapeurs méphitiques de la musique et fait réellement froid dans le dos lors de ses premières apparitions, il manque cruellement de puissance et de variation sur le long terme, réduisant l’impact de ces treize compos à une violence plus larvée que réellement explosive.
Pour résumer brièvement la musique du combo, on peut souligner que les compos sont dans l’ensemble vicieuses et rampantes, portées par un tempo rapide et des riffs inspirés (
Night Song, vraiment prenante) mais manquant parfois d’intensité, la faute à des parties de batterie trop similaires et synthétiques et à un son somme toute assez plat, qui s’il prend le parti de nous envelopper dans ses ténèbres opaques, nous étourdit dans cet océan de basse qui engloutit les autres instruments.
On pense parfois à
Sargeist dans cet enchevêtrement de mélodies noires et vénéneuses ( à l’instar des Finlandais, les vétérans de Portland n’utilisent pas de clavier, et ce sont les grattes qui portent la musique du groupe, tissant un épais linceul d’harmonies délétères et envoûtantes), mais sur le long terme, le tout se fait un peu répétitif, et les structures, entre blasts mécaniques, ralentissements de tempo appuyés par la double et parties lentes parfois un peu bancales, sont trop prévisibles.
Si Ie trio a un certain talent pour pondre des mélodies hypnotiques aux notes mystérieuses et angoissantes (Shadows of the
Moon, qui possède le côté sauvage et païen et les sonorités chtoniennes d’un
Aeternus) , nous plongeant dans une sorte de transe luciférienne grâce à ces parties de grattes doublées, force est de reconnaître que les low tempo sont vraiment dispensables, et certains titres, tels
Warmarch of the Black Hordes, lent et soporifique, n’apportent pas grand-chose au schmilblick, bavant sans conviction des riffs mous et peu inspirés.
On remarquera tout de même que les nouvelles compos s’insèrent parfaitement dans la tracklist, enchaînant riffs rapides et mélodies glaçantes, comptant parmi les plus véloces et accrocheurs de la galette, mentions spéciales à
Risen from the Ancient Ruins, mélodique et variée, agrémentée de belles parties acoustiques et dégageant une ambiance mélancolique, et à Scion of the
Dark, épique et malsain, et rappelant beaucoup
Inquisition dans ces riffs roulants noyés dans cet océan de basse grondante.
Alors certes, ce réenregistrement a une âme et une identité affirmées, distinguant
Demoncy de la masse grâce à ce son chtonien et ces vocaux si spécifiques ; ceci dit, le tableau est loin d’être parfait, et si le choix du son sert l’ambiance votive chère au groupe, il amoindrit nettement l’impact et la violence des compos.
Demoncy semble encore hésiter quant à la voix à suivre dans le futur, et si la direction musicale entrevue sur les nouveaux morceaux semble satisfaisante, il lui faut maintenant confirmer sur un nouveau full length pour convaincre pleinement les vieux fans qui attendent depuis trop longtemps le réveil de la Bête. On dit que les légendes ne meurent jamais, reste à
Demoncy à nous le prouver…
J'aurais plus dis (pour exemple) Goatlord, Order From Chaos (même si il y a du death dedans). C'est comme si on disaient que les floridiens de Kult ov Azazel faisait partie des fondations US.
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