Difficile pour une jeune troupe de s'illustrer dans un registre metal symphonique à chant féminin encore dominé par quelques cadors du genre, et déjà surinvesti par moult jeunes loups aux dents longues. Aussi, conscient des enjeux et des risques courus à vouloir faire entendre sa voix coûte que coûte, ce combo brésilien originaire de São Paulo, cofondé en 2022 par la chanteuse Carolina Corteze et le guitariste João Michelin, s'est précisément laissé le temps nécessaire pour voir sa production d'ensemble affinée et ses compositions gagner en maturité technique et en substrat mélodique. Un projet musical, certes, naissant mais nullement balbutiant, au sein duquel quelques musiciens et vocalistes aguerris ont dores et déjà été convoqués !...
Ce faisant, avec le concours d' Alex Cristopher (
Dagor Sorhdeam, Vocifer...) à la batterie, de João Pedro Castro (
Slasher) à la basse, de Fábio Laguna (Edu Falaschi, feu
Hangar, guest chez
Angra,
Soulspell...) aux claviers, et d' Alessandra Lodoli (Inanimalia) au chant, nos acolytes réaliseront la bagatelle de quatre singles («
The Way Back Home », «
Secret of the Pine Forest » et «
Abismo », en 2023, suivis de «
Glazed Eyes », en 2024), soit quatre des neuf pistes de leur premier et présent album full studio «
Elementum ». S'écoulant au fil des 39 optimales minutes de son ruban auditif, la galette laisse également entrevoir la claire et chatoyante empreinte vocale d' Ameslari, jeune et prometteur chanteur de rock alternatif, déjà à la tête de deux albums studio (« City
Stories » en 2019 ; «
The Void » en 2024). Excusez du peu !
Quant à son environnement musical, le combo évolue dans un espace rock'n'metal symphonique gothique et progressif aux relents heavy/power mélodique, dans la veine coalisée de
Fortaleza,
Anabantha et
Nostra Morte. Dévoilant une technicité instrumentale et vocale déjà bien rôdée ainsi que de seyantes lignes mélodiques, la troupe compte également sur une production difficile à prendre en défaut pour tenter de nous rallier à sa cause : produit par un certain Thiago Bianchi, chanteur chevronné (
Noturnall, feu
Shaman...) et producteur prolifique (
Angra,
Silent Cry,
Wizards, Eve
Desire,
Phrenesy...) de son état, l'opus ne concède que d'infimes sonorités résiduelles. Escortés d'une telle garde rapprochée, témoignant d'un réel potentiel technique et bénéficiant d'une ingénierie du son plutôt soignée, nos compères auraient-ils alors les arguments suffisants pour espérer tenir la dragée haute à leurs si nombreux homologues générationnels ?
Lorsqu'il se plait à nous projeter sur une terre de lave en fusion, le combo sud-américain parvient à nous retenir le plus souvent, un peu malgré nous. Ce qu'atteste, en premier lieu, le single «
The Way Back Home », up tempo aux riffs épais et assorti d'un martelant tapping dans la mouvance power de
Fortaleza. Livrant parallèlement de poignants gimmicks guitaristiques doublés d'un enivrant refrain mis en exergue par les cristallines inflexions de la sirène, sans omettre un flamboyant solo de guitare à mi-morceau décoché, le ''tubesque'' effort ne se quittera qu'à regret. A la lumière de ses enchaînements intra piste des plus sécurisants et de sa mélodicité toute de fines nuances cousue, l'entraînant «
Vertex » pourra, à son tour, aspirer le tympan du chaland.
Quand il en vient à varier ses phases rythmiques à l'envi, le collectif brésilien trouve à nouveau les clés pour nous assigner à résidence. Ce que prouvent «
Secret of the Pine Forest » comme «
Abismo », mid/up tempi heavy mélodique bien cadencés et vrombissants, non sans rappeler
Anabantha. Pourvus à la fois d'un corps orchestral en liesse, d'un fin legato à la lead guitare et d'un refrain catchy mis en habits de lumière par les angéliques impulsions de la déesse, ces deux hits en puissance pousseront assurément à une remise en selle sitôt leur ultime mesure envolée. Dans cette énergie, on retiendra encore le complexe et intrigant «
Glazed Eyes » eu égard à un saisissant duo féminin en voix de contraste, les claires ondulations de la belle alternant avec les growls rageurs d' Alessandra Lodoli, et à un pont techniciste surmonté d'un bref mais seyant solo de guitare et de truculentes rampes de claviers.
Nous amenant parfois à parcourir de plus apaisantes contrées, nos compères se muent alors en de véritables bourreaux des cœurs en bataille. Ce qu'illustre « Colorful
Clouds », ballade romantique jusqu'au bout des ongles, que n'auraient sûrement reniée ni
Fortaleza ni
Nostra Morte ; glissant le long d'une radieuse rivière mélodique qu'empruntent la maîtresse de cérémonie avec son comparse, Ameslari, pour un duo mixte en voix claire en parfaite osmose et des plus chatoyants, l'instant privilégié comblera à n'en pas douter les attentes de l'aficionado de moments intimistes. On ne saurait davantage se soustraire aux vibes enchanteresses insufflées par « Contrasts », ballade atmosphérique d'une sensibilité à fleur de peau ; encensée là encore par les fluides patines d'une interprète bien habitée, nappée d'un délicat picking à la guitare acoustique, et infiltrée de lignes de claviers un brin surannées à mi-piste, la tendre aubade ne saurait davantage être éludée.
Est-ce à dire que le sans-faute serait au bout du chemin ?
Pas tout à fait... Ce à quoi nous sensibilisent les tempérés « Not
That Saint » et « Parallel
Universe » qui, au regard de la persistante linéarité de leurs sentes mélodiques et d'une usante répétibilité des séquences d'accords dispensées, et en dépit de soli de guitares bien amenés et des plus grisants, peineront à convaincre de leur efficacité.
A l'aune d'un premier élan ne manquant ni d'allant ni de luminescence, le combo brésilien nous immerge le plus souvent au cœur d'un enchanteur paysage de notes.
Plus varié sur le plan rythmique que vocal, cet opus peine, par ailleurs, à diversifier ses exercices de style, fresques et instrumentaux, pourtant requis dans ce registre, étant ici aux abonnés absents. De plus, peu de prises de risques ont été consenties quand deux bémols contrarient l'écoute en continu de la galette. Toutefois, au regard de sentes mélodiques finement esquissées et volontiers enivrantes, d'une technicité d'ensemble bien huilée et d'une ingénierie du son plutôt soignée, et malgré quelques tortueux passages instrumentaux, la rondelle pourra s'apprécier à chaque fois davantage au fil des écoutes. Bref, un engageant et subtil mais complexe mouvement en guise de message de bienvenue, susceptible de placer la troupe sud-américaine parmi les sérieux espoirs de cet environnement metal. Wait and see...
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