Nombreuses sont les formations metal mélodique gothique à chant féminin mexicaines à se succéder, et ce, depuis près de vingt ans maintenant. En cette terre d'abondance, si la plupart d'entre elles seraient vouées à une disparition prématurée, d'autres troupes, en revanche, à l'image d'
Anabantha,
Fortaleza,
Nostra Morte,
Erszebeth,
Halach,
Morante, affichent un parcours que bien de leurs pairs auraient à leur envier. Cette fois, le prolifique Etat latino-américain a posé son dévolu sur un discret quintet originaire de Guadalajara, pour l'heure encore peu popularisé hors de sa terre mexicaine natale. Loin de se lancer tout de go dans la bataille, le combo a préféré jouer la carte de la prudence, n'accouchant de son introductif et présent album, « El Significado del Dolor y Su Belleza », pas moins de six ans suite à sa sortie de terre, en 2013. Cette première offrande lui permettra-t-il de faire de lui un espoir avec lequel la concurrence devra composer ?
A bord de la goélette, nous reçoivent la soprano Isabella Enriquez, le guitariste Octavio Nocte, le bassiste Salavador 'Chava', le claviériste Adolfo Bedoy et le batteur Alex Barker, prêts à nous embarquer pour une croisière en eaux troubles. De cette étroite collaboration émane un set de 10 compositions intégralement chantées en espagnol, calées sur le schéma oratoire de la Belle et la Bête, témoignant d'une qualité d'enregistrement difficile à prendre en défaut, ne concédant que peu de sonorités parasites. Dans la lignée de
Draconian,
Tristania,
Anabantha,
Nostra Morte et
Erszebeth, ce propos metal gothique aux relents dark et doom se voit enrichi d'une touche latina, lui conférant précisément à la fois son identité artistique et son caractère propre. Mouvementées, empreintes de mystère, parfois des plus ténébreuses, les 45 optimales minutes de l'opus se montrent, par ailleurs, romantiques, avenantes, voire enveloppantes à leurs heures.
C'est parfois sur des braises incandescentes que s'effectue la traversée, le collectif trouvant alors quelques clés, mais pas la trousseau au grand complet, pour nous rallier à sa cause. Suite à l'aérien, agréable, et néanmoins dispensable instrumental d'ouverture «
Preludio », l'up tempo « Elegia » ne tarde pas à disséminer ses riffs épais et son inaliénable énergie. A la confluence entre
Tristania et
Anabantha, l'énigmatique effort délivre un hispanisant et grisant refrain mis en habits de lumière par les claires inflexions de la sirène, prestement rejointes par son acolyte de growler. Et la sauce prend. D'autre part, à la manière de
Fortaleza, se parant d'une fibre latina et glissant sur une enivrante série d'accords, l'impulsif et tubesque « La Llorona » est une véritable invitation au voyage. S'il développe une sidérante force de frappe et de délicates gammes aux claviers, l'up tempo syncopé « Soledad », quant à lui, emprunte quelques chemins de traverse, au risque parfois de nous égarer en cours de route.
Quand la cadence ralentit un tantinet, s'ils ne se sont guère montrés plus malhabiles, nos acolytes tendent cependant à emprunter quelques virages verglacés, susceptibles de déstabiliser un pavillon non aguerri. Ainsi, voguant sur des riffs crochetés, recelant un fin picking à la guitare acoustique, décochant d'insoupçonnées accélérations rythmiques et sous-tendu par les puissantes et cristallines impulsions de la déesse, le ''draconien'' mid/up tempo «
Letargo » n'aura pas tari d'armes pour assurer sa défense. On regrettera toutefois un cheminement d'harmoniques parfois tortueux, propre à désarçonner un tympan non averti. Dans cette mouvance, jouant à plein sur les effets de contraste rythmique, complexifiant à loisir leurs ponts instrumentaux et leurs séquences d'accords, les obscurs et polyrythmiques « Eptafio », « El Ultimo Día Sobre la Tierra » et « Un Deseo Sincero » s'avèrent tantôt troublants, tantôt déconcertants, nous poussant parfois au bord du précipice. Enfin, les modulations de la belle accusant moult faussetés, ses riffs manquant singulièrement de relief et se faisant inutilement techniciste, le ténébreux « Luto » demeure le bémol de l'opus.
Se montrant également romantiques, nos acolytes peinent cependant à générer la petite larme au coin de l'oeil. Ainsi, pourtant mise en habits de soie par les seules limpides volutes de la maîtresse de cérémonie et voguant sur un filet mélodique somme toute agréable, mais desservie par un enchevêtrement d'accords aux enchaînements mal assurés et en proie à de persistantes linéarités, la ballade syncopée « La Fuerza de las Olas » ne saurait inconditionnellement retenir un tympan déjà sensibilisé aux vibes de
Tristania ou d'
Anabantha.
Au terme de notre escapade, force est de constater l'intacte énergie développée par le combo, l'esquisse d'un réel potentiel technique et une ingénierie du son plutôt soignée. Sans oublier la touche latina, opportunément amenée et des plus ensorcelantes. Toutefois, à la lecture de cette galette, les exercices de style octroyés tendraient à une certaine uniformité et les lignes mélodiques auraient gagné à être fluidifiées pour espérer impacter plus largement le chaland. A cela s'ajoutent les claires mais fluettes patines de la frontwoman, des harmoniques parfois verglacés et un manque cruel de diversité atmosphérique. Pour l'heure, à l'aune de cette pulsionnelle et envoûtante mais rugueuse entrée en matière, il s'avère donc prématuré pour nos compères de se hisser parmi les sérieux espoirs de ce foisonnant registre metal. Peut-être un second essai lavé de ces irrégularités leur en autorisera-t-il l'accès ? Wait and see...
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