Kingcrow est un groupe italien de rock/metal progressif qui commence à avoir une belle expérience, et qui va souffler ses vingt bougies cette année. Si vous n'en avez jamais entendu parler avant les années 2009/2010, ne vous inquiétez pas ! En effet, jusque là les Italiens peinaient à gagner en popularité, jouant sur trois albums une musique largement influencée par
Dream Theater et surtout
Porcupine Tree, mais avec moins de génie. Par contre, si depuis six ans vous n'avez jamais écouté
Kingcrow, posez vous des questions.
Tout change en 2009 avec l'album
Phlegethon pour le groupe des frères Cafolla : le chanteur Mauro Gelsomini part, et il est remplacé par Diego Marchesi. Au même moment leur orientation musicale évolue, avec une identité plus affirmée et des thèmes lyriques plus graves. La question de l'enfance et du passage à l'âge adulte notamment est très présente – on le voit très bien sur les pochettes d'albums et dans les clips récents. Cette nouvelle direction est entièrement assumée sur le très bon
In Crescendo, qui marque par ailleurs le début d'une collaboration avec le label américain Sensory Records. Ces derniers étant responsables de découvertes comme
Haken ou
Wuthering Heights, on peut leur faire confiance.
Eidos, le sixième opus des Italiens, sort donc à l'été 2015 – il semblerait qu'ils aient retrouvé un rythme de sorties régulier. Le visuel qui l'accompagne laisse bien sûr penser à une continuité, et la magnifique et étrange pochette est expliquée par le non moins étrange clip The Moth, tout en animation à la
Steven Wilson. Mais dans la musique, point de
Steven Wilson, ni vraiment de
Porcupine Tree, et pas non plus de
Riverside à qui on a beaucoup comparé
Kingcrow. Les Italiens progressent vers de nouveaux horizons, plus modernes, plus techniques, mais pas moins émotionnels et touchants, au contraire !
Un gros travail est réalisé sur les guitares de Diego et Ivan, qui, grâce à une production très fine, sonnent saillantes voire chirurgicales, à l'instar du passage instrumental sur
Adrift. On peut penser à une influence Djent, avec des rythmiques saccadées et incisives, par exemple au milieu de On the Barren
Ground, qui se la joue très moderne avec ses effets électroniques. C'est un morceau intéressant, même s'il ne s'agit pas du meilleur. Dans cet ordre d'idée, ce nouvel aspect fait régulièrement penser à
Leprous, et au vu de la qualité musicale offerte par les Norvégiens, c'est plutôt un compliment.
D'un autre côté,
Kingcrow garde les aspects plus intimistes expérimentés sur le précédent album
In Crescendo. C'est souvent le cas dans les introductions de morceaux, et ce sont les rares fois où l'on peut penser à du
Riverside. Ainsi Open Sky s'ouvre de manière très tranquille et posée, tout en sensibilité, dans un délire beaucoup plus post-rock que progressif. Le morceau en question continue d'ailleurs sur une montée en puissance quasiment orgasmique rappelant des bons souvenirs d'
Anathema. En revanche, le sextette se sert aussi de ces moments plus calmes pour instiller des atmosphères angoissantes, comme c'est le cas sur l'excellent et sombre (voire dépressif) The Deeper
Divide. Notons au passage le travail vocal de génie de Diego Marchesi, capable de la plus grande tendresse comme d'envolées grandiloquentes (l'étendue de son spectre vocal est disponible sur le titre éponyme), et sans qui cet album n'aurait jamais eu cette saveur si particulière. Sans en faire autant que le très talentueux Einar Solberg (
Leprous), ni tomber dans l'extravagance d'un Ross Jennings (
Haken) à qui il fait parfois penser, le vocaliste de
Kingcrow sait rester dans une justesse simple et touchante.
Enfin, et évidemment vous me direz,
Eidos c'est un album de prog. Il faut bien sûr s'attendre à des titres complexes, alternant fort bien les mélodies douces avec les passages plus violents, sans aucune transition abrupte. Les trois morceaux de fin, globalement plus longs, en sont assez représentatifs. Évoquer les partitions de batterie est ici obligatoire, tant
Thundra Cafolla effectue un boulot de monstre derrière ses fûts, frappant avec une précision millimétrique et un groove imparable. Fait très intéressant,
Kingcrow s'essaye à de nouvelles sonorités, typées industrielles par exemple (On the Barren
Ground), mais ce que j'apprécie personnellement le plus est l'ajout récurrent de la guitare acoustique, comme à la fin de The Moth, qui donne à l'ensemble une saveur méditerranéenne inattendue mais pas désagréable du tout. On remarquera aussi des sortes de petites percussions, qui font plus penser à des claquettes qu'autre chose ! (voir sur Fading
Out) Promis, si j'en ai l'occasion je pose la question au groupe.
C'est donc à nouveau un grand album que vient de nous pondre le combo transalpin. L'orientation initiée par
Phlegethon et continuée par
In Crescendo porte ainsi ses fruits, et quel fruits !
Kingcrow témoigne d'une sensibilité et d'une justesse incroyable, le plaçant dans le haut du panier prog actuel, aux côtés des groupes incontestés cités plusieurs fois dans cette chronique. C'est aussi le signe d'une très bonne santé de la scène metal prog italienne, derrière un
DGM en pleine forme, et suivi par tous ces jeunes groupes dont
Empyrios,
Killing Touch,
Silver Lake, Even
Flow … Tout cela augure du meilleur pour la suite !
Je ne suis pas un spécialiste du Prog, mais je ne manquerait pas de m'égarer sur les rives de cette Italie...
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