Tenter de s'illustrer aujourd'hui dans une arène metal symphonique à chant féminin peuplée de redoutables gladiateurs relèverait de la gageure pour bien des nouvelles recrues. C'est pourtant sans complexe, mais non sans faire preuve d'une certaine humilité, que ce combo pluriethnique s'y engagera à son tour. Si, l'année même de sa création, en 2024, quatre singles («
The Broken Crown », «
The Children of Acosta Ñu », «
Kingdom Beyond the Sea » et «
Tales from the New World ») seront à mettre à son actif, le collectif n'ambitionne nullement la sortie d'un album full length. Ce faisant, deux de ces quatre singles, et en version alternative, seront intégrés parmi les cinq pistes de son introductif et présent EP, «
Echoes of the Southern Front », écoulé en février 2025. Cela étant, les 20 minutes du ruban auditif de la menue rondelle seront-elles en mesure de nous rallier à sa cause, au point de voir la troupe rejoindre les sérieux espoirs de ce si concurrentiel environnement metal ?
Dans cette toute première aventure nous embarquent : la mezzo-soprano argentine aux chatoyantes inflexions Mailén Blanco Arriola, le guitariste brésilien Renan Guerra, le bassiste/growler et parolier luxembourgeois Carlos Bueno, le batteur serbe Nikola Dusmanic (ex-membre live de Quasarborn et
The Stone) et le claviériste colombien Andres Samboni (membre live de Krönös). Avec la participation occasionnelle de la chanteuse équatorienne Carolina Padron (Tribus,
Bloodrain...) et du guitariste argentin Julio Iturrieta. De cette fructueuse collaboration émane un propos metal mélodico-symphonique classique, dont les sources d'inspiration sont à chercher dans le patrimoine compositionnel de
Nightwish,
Xandria,
Within Temptation et
Epica. Se dessine alors une œuvre à la fois pulsionnelle et rayonnante, jouissant d'une production d'ensemble d'assez bon aloi, dont un mix bien ajusté entre lignes de chant et instrumentation. Mais entrons plutôt dans la frêle goélette...
Nos compères nous projettent le plus souvent en de magmatiques espaces, avec pour effet de nous aspirer volontiers dans la tourmente. Ce qu'atteste, en premier lieu, « Into the Fires of Paraguay », pimpant up tempo aux riffs acérés adossés à une frondeuse rythmique, dans la lignée d'un
Nightwish des premiers émois. Pourvu de grisants gimmicks guitaristiques, et enorgueilli d'un refrain catchy mis en exergue par les fluides ondulations de la sirène, le ''tubesque'' méfait ne se quittera que pour mieux y revenir, histoire de plonger à nouveau dans cet océan de félicité. Dans cette lignée, on ne saurait davantage éluder le torrentiel «
Kingdom Beyond the Sea » tant pour ses enchaînements intra piste ultra sécurisés et la solaire empreinte de l'interprète que pour son énergie aisément communicative et son bref mais flamboyant solo de guitare.
Dans une même dynamique, lorsqu'il en vient à varier un tantinet ses lignes de chant, le combo parvient, là encore, à nous retenir plus que de raison. Ce à quoi nous sensibilise « Cavalry of
Redemption », impulsive offrande à la confluence de
Nightwish,
Xandria et
Epica ; recelant un fin legato à la lead guitare doublé d'une basse claquante et instillé d'un refrain immersif à souhait mis en habits de lumière par un duo mixte en voix de contraste, les angéliques oscillations de Carolina répondant point pour point aux growls ombrageux de Carlos Bueno, ce hit en puissance pourrait bien laisser quelques traces indélébiles dans les mémoires de ceux qui y auront plongé le tympan.
Quand il desserre quelque peu la bride, le collectif trouve à nouveau les clés pour nous assigner à résidence. Ainsi, la version orchestrale de «
The Children of Acosta Ñu » se pose tel un ''xandrien'' mid tempo aux riffs crochetés, que l'on parcourra cheveux au vent ; disséminant de sémillants arpèges d'accords et glissant le long d'une radieuse rivière mélodique sur laquelle se greffent les cristallines volutes de Carolina, le chevaleresque effort ne se quittera qu'à regret. Dans ce même élan, le groupe s'est attaqué au redoutable exercice de reprise, non sans quelques mérites : si elle ne saurait faire oublier l'originale, la reprise de l'imparable hit «
Paradise (What About Us?) » de
Within Temptation – alors magnifié par l'illustre duo Sharon den Adel/
Tarja Turunen –, impulsée, elle, par les troublantes patines de Mailén et inscrivant dans sa trame des arrangements alternatifs non dénués d'intérêt, poussera non moins à un headbang bien senti et quasi ininterrompu.
Si l'on ressort de l'écoute de la galette interpellé par la faculté du combo à concocter ces séries d'accords aptes à nous happer, au point de ne pas nous lâcher d'un iota sur la durée de la traversée, quelques bémols, hélas, atténuent la portée de ce premier jet : varié sur le plan vocal, le propos l'est en revanche bien moins quant à ses ambiances et à ses phases rythmiques, état de fait conférant un frustrant sentiment de redondance, voire de stéréotypie à l'ensemble. De plus, d'aucuns, pour se sustenter, auraient sans doute souhaité voir instrumentaux, ballades et autres fresques inscrits au cahier des charges ainsi que quelques prises de risques consenties par la troupe. Bénéficiant d'une ingénierie du son assez soignée, témoignant d'une technicité instrumentale bien rodée et de sentes mélodiques finement esquissées et, le plus souvent, enveloppantes, nos acolytes disposeraient néanmoins de quelques armes bien affûtées pour espérer jouer les outsiders à ne pas mésestimer, à défaut de venir grossir les rangs des sérieux espoirs de ce registre metal. Bref, un initial effort à la fois tonitruant et fringant, mais d'un immuable classicisme...
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