«Nouveauté n'est pas originalité ni modernité»...
Cette phrase de Robert Bresson, célèbre cinéaste français, résume assez bien l'impasse dans laquelle la scène musicale se retrouve. En effet, de plus en plus de protagonistes se manifestent, tous fiers (quoique...) de pouvoir montrer leur potentiel créatif, chacun pensant ,au plus profond de lui, pouvoir révolutionner un univers musical saturé, asphyxié, agonisant...
Des projets naissent, d'autres meurent, certains connaissent les voies arpenteuses et perverses du succès, les autres errent indéfiniment dans le désert de la défaillance artistique... Et ainsi la machine continue impitoyablement de tourner... Certains s'assurent une pérennité salvatrice, d'autres s'enfoncent dans les eaux troubles de l'oubli... Et la scène du metal moderne n'échappe pas à ce processus diabolique.
Anterior est un tout nouvel acteur entré dans le paysage musical. Galvanisés par un premier album concluant, oscillant entre metalcore et death mélodique, les Anglais reviennent plus énergique que jamais avec cette nouvelle galette, mystérieusement intitulée «
Echoes of the Fallen ».
Le premier essai du groupe, «
This Age of Silence » se caractérisait par une fougue surprenante, des compos assez difficiles d'accès à la première écoute, mais qui se révélaient au final plus profondes, plus complexes, car extrêmement techniques et variées. Le constat est, en définitive, sensiblement le même ici, avec une prod' toujours solide, des morceaux denses, parsemées ici et là par des solos incisifs...
Anterior s'éloigne des conventions structurelles : avec un titre tel que «
Blood In The Throne Room », il faut se résigner à l'idée d'écouter un morceau trivial, les solos et les variantes rythmiques rendant l'écoute infiniment plus complexe, en comparaison de la simplicité insolente de titres plus «mainstream», que chacun d'entre nous connait.
On se félicite ainsi de retrouver un
Anterior toujours aussi professionnel dans son approche artistique, aucun titre n'a été pensé ou exécuté à l'arrache (si vous voulez bien me céder la familiarité de l'expression). «
Echoes of the Fallen » est donc un bon concentré de microcosmes, c'est-à-dire que tous les titres sont habilement pensés et composés si on les examine au cas par cas. Aucun titre ne fait pâle figure par rapport à un autre... Mais fatalement, dans l'autre sens, aucun titre n'ose faire de l'ombre à son voisin... Si bien que l'on se retrouve avec un produit foudroyé par la maladie chronique de la linéarité. Après maintes écoutes, il est très difficile de se souvenir d'un titre en particulier.
Les lignes de chant sont sensiblement les mêmes, les solos rivalisent sans qu'aucun ne soit proclamé grand vainqueur... Les minutes s'effritent, la musique ne faiblit jamais, mais plus on avance avec
Anterior, plus on se rend compte qu'une impasse se trouve au bout du chemin. Deux morceaux qui se suivent, comme « The
Evangelist » et «
Sleep Soundly
No More », ne font que se répondre par échos, et instaurent un aseptique dialogue de sourds...
Dommage, car une chanson comme « Venomous », qui s'appuie sur un battement fulgurant lors du couplet et s'alterne de façon astucieuse avec pont et refrain ouvertement plus mélodieux, constitue une brèche atypique qu'il aurait été intéressant d'approfondir.
De même, on trouve de petites touches heavy dans les sonorités des guitares, non sans rappeler un certain
Mendeed, ce qui est peu étonnant, dans la mesure où la formation
Anterior compte dans ses rangs le très talentueux Steve Nixon, un des fondateurs du groupe écossais.
Néanmoins, ce sont les seuls faits qui attirent sincèrement notre attention à l'écoute de cet «
Echoes of the Fallen ». Encore une fois (et j'ai de plus en plus l'impression de répéter la même chose) on nous livre ici un bon album, qui fait honneur à la scène metalcore/death mélodique moderne; mais on ne peut s'empêcher de se dire que ce ne sera sûrement une nouvelle fois, qu'un coup d'épée dans l'eau pour faire bouger cette scène musicale bondée...
Ma chronique se termine ici, avec, je dois le reconnaître, un certain goût d'inachevé... Mais que dire de plus ?
Anterior fait un excellent avatar du conformisme musical actuel...
Pas de prises de risques et à l'arrivée un album qui ne souffre d'aucune faiblesse grandiloquente, mais qui ne fera certainement pas date non plus...
Anterior rentre dans le rang petit à petit : le charme éparpillé de «
This Age of Silence » a été soigneusement rangé et organisé, avant d'être balancé dans la foule immense du commerce...
Pendant ce temps, les auditeurs restent nerveux, dans leur coin, en espérant voir se profiler au loin le nouveau messie métallique... Mais qui aura le courage et la dévotion pour porter ce fardeau jusqu'au bout ? Visiblement personne ne le sait, même si tout le monde continue d'attendre... Comme dirait l'autre, l'espoir fait vivre...
Merci encore
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