Les amateurs le savent, la scène ukrainienne n’est pas avare en groupes de black sympho. Si on pense immédiatement aux grands noms que sont
Nokturnal Mortum,
Hate Forest ou
Drudkh quand on parle de l'Ukraine, il y a tout un pan de cette noble scène qui évolue dans un registre plus symphonique et grandiloquent, certes moins reconnu, mais avec des combos de qualité tels
Lucifugum,
Astrofaes ou
Dub Buk.
Quintessence Mystica est un petit nouveau, duo formé en 2008 par Dromos Aniliagos au chant et
Master Alafern aux instruments, deux musiciens par ailleurs totalement inconnus de la scène ukrainienne (enfin presque, les deux gaillards qui forment le groupe ont tout de même officié dans
Triglav qui n’a sorti qu’un seul et unique album avant l’implosion), ce qui est assez rare pour être noté quand on voit les affiliations qui lient les principales formations du pays. Après un premier album de facture classique passé relativement inaperçu en 2011, voici que le duo sort son nouvel opus,
Duality. Autant dire que
Quintessence Mystica, quasiment inconnu au bataillon, a encore tout à prouver.
Duality s’ouvre sur un Prélude anecdotique entièrement composé au clavier, aux sonorités déjà mille fois entendues et un brin désuètes mais semblant annoncer une grande fresque épique, et déboulant sur le fracassant The
Secrets of Victorious Decisions. D’emblée, la violence débridée du morceau nous happe, notamment via ces vocaux bien haineux et agressifs, ainsi que cette boîte à rythmes très mise en avant qui martèle un rythme épileptique. Les guitares sont plutôt en arrière fond, distillant des riffs en aller-retour efficaces pour créer un mur du son compact sur lequel ressortent d’autant mieux les interventions des claviers : petites mélodies faussement naïves et réellement diaboliques à la
Obtained Enslavement, nappes de fond plus discrètes mais à l’intensité dramatique accrue, parties plus légères ou sautillantes rappelant presque
Finntroll dans leur utilisation, mélodies épico-fantastiques légèrement kitsch, l’instrument va ici jouer un rôle prépondérant et assumer à lui seul le côté symphonique du duo.
Ce premier vrai titre sonne comme une sorte d’habile mélange entre
Love Lies Bleeding pour le côté sombre, haineux et écorché du tout, et
Carach Angren, toutes proportions gardées, pour le côté plus symphonique et grandiloquent de la musique, le tout profondément ancré dans cet esprit des 90’s, aventureux, insouciant et spontané.
S’ensuit The Infinite Dance of
Numbers qui s’ouvre sur une partie presque folk, avec ce gros blast puissant et lourd, cette basse grondante et ces claviers lorgnant indubitablement vers
Finntroll, entre sonorités dansantes et sauvages et cuivres guerriers qui semblent annoncer l’imminence d’une bataille contre des êtres fantastiques. Les vocaux se font tantôt black, tantôt plus bourrus, pour un excellent titre, puissant, entraînant et gorgé d’émotions, qui démontre d’ores et déjà l’étendue des influences qui inspirent le combo.
En effet, la musique de
Quintessence Mystica est riche et variée, les dix pistes qui composent l’opus alternant les rythmes, les ambiances, les explosions de fureur et les accalmies au sein même de morceaux toujours empreints d’une aura guerrière et violente mais ne s’enfermant pas dans un schéma établi. La base de la musique repose sur un black sympho relativement classique mais toujours majestueux (j’ai cru y déceler une forte influence de
Love Lies Bleeding, ce qui n’est pas impossible quand on sait que le groupe parisien et
Triglav étaient signés à la même période sur CCP Records. Ecoutez les riffs sombres des guitares ainsi que les vocaux qui rappellent ceux de Em-X, écoutez The
Secrets of Victorious Decisions ou le début d’ Equations of Daemonic
Revelations avec ce blast permanent, ces riffs froids et tranchants, ces vocaux bien arrachés et ces choeurs féminins gothiques, et vous comprendrez sûrement où je veux en venir). Ceci dit les musiciens poussent de temps en temps l’exploration jusqu’à la branche la plus extrême du genre (le début d’
Impulse of Courage, extrêmement violent, Inversion of Reality qui tabasse aussi pas mal, avec ces gros blasts incessants seulement entrecoupés par ces parties de claviers malsaines), ou s’orientent vers une musique plus sauvage et païenne, avec certes une grosse influence de
Finntroll et
Faanefjell, mais aussi cette âme slave qui transparaît en filigrane, conférant un côté unique et un cachet d’authenticité certain à la musique. Le côté sombre et profondément diabolique de certains morceaux rappelle d’ailleurs la scène symphonique ukrainienne,
Lucifugum période On The Sortilage Of Christianity en tête, avec ces hymnes guerriers mis en avant par ces riffs extrêmement sombres et ces cuivres à la fois épiques et solennels, et les dix titres de
Duality se chargent parfois d’airs folkloriques en toile de fond, rappelant
Nokturnal Mortum (Creep and Damage, avec ces flûtes traditionnelles).
Parfois, le duo ralentit le tempo pour développer des ambiances plus sombres et posées (le court
Destruction of Galaxies, sorte d’interlude presque spatial, mais toujours extrêmement torturé et glaçant, montre la facette la plus mélancolique du groupe, et le titre qui suit, Creep and Damage, est étrangement lent et lourd en regard du ton général de l’album, faisant la part belle à la basse, se fendant en fin de morceau de parties de cuivres plombées et majestueuses rappelant
Sear Bliss). En fait, on a parfois l’impression que le groupe a voulu trop en faire, s’éparpillant un peu dans toutes les directions pour proposer un album certes extrêmement riche, mais sonnant parfois un peu patchwork et à l’unité musicale difficile à saisir.
C’est d’ailleurs l’un des seuls points faibles de la galette,
Duality proposant une mosaïque musicale certes très colorée mais parfois trop éclatée, comme si les musiciens, débordant d’idées, n’étaient pas parvenus à canaliser la fougue créatrice de leur inspiration, proposant un album qui manque peut-être un peu de cohérence dans ses ambiances. Ajoutez à cela une durée de 38 minutes à peine, et vous comprendrez pourquoi
Quintessence Mystica ne peut encore prétendre à l’excellence. Ceci dit, nul doute que les amateurs trouveront leur compte dans cette belle pièce captivante, variée et parfaitement maîtrisée qui rappelle les grandes heures du black sympho des années 90. Une très belle réussite pour un groupe à suivre définitivement de très près.
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