Et oui, c’est un fait, tout a une fin, même la mort. Après dix-sept ans d’activité au service de la lourdeur et de l’occulte, les Berlinois de
Necros Christos décident de tirer leur révérence et de sceller définitivement leur mausolée.
Domedon Doxomedon est donc un testament, la dernière pierre monumentale de leur édifice mortuaire, qui vient clore le rituel avec un certain faste : cet ultime enregistrement se divise en trois galettes distinctes, Ith,
Seth et Tei pour un total de près de deux heures de musique, rien que ça. De quoi clore ces presque vingt années plus qu’honorablement.
Quoi qu’il en soit, pour son troisième et dernier full length,
Necros Christos ne change pas sa pelle d’épaule et joue un death toujours aussi lourd, lent et caverneux parcouru de courtes pistes ambiant. Pour être plus précis, nous avons là neuf long titres doom death qui composent l’épine dorsale de cet enregistrement et traversés par ces différents Temples et
Gates aux ambiances ésotériques et cultuelles qui nous permettent de nous immerger plus pleinement dans l’univers du quatuor. Les low tempo gras et paresseux sont légion, installant une ambiance presque litanique, renforcés par de très bonnes parties solistes, et Mister Raelin ne risque toujours pas la crampe derrière ses fûts, mais soyons honnête, ce n’est ni pour la vitesse, la technique ou les breaks brise-nuque qu’on écoute
Necros Christos. Non, le point fort des Allemands a toujours été de distiller des atmosphères épaisses, déployant via ces interludes tour à tour solennels, mystiques et exaltés aux touches orientales et ethniques toute la dimension spirituelle d’un culte ancestral, et nous plongeant dans le coeur insondable des profondeurs, là où nous attend tapie dans l’obscurité la Révélation.
Nous avons encore de longs morceaux granitiques taillés à même les parois noires de ces cavernes antédiluviennes, vomissant un doom death chtonien à mi-chemin entre
Morbid Angel (Tombstone
Chapel, The Guilt They Bore) et
My Dying Bride (le début d’
Exiled in Transformation) qui nous enfonce à des kilomètres sous terre et nous écrase de sa lourdeur. Le growl de Mors Dalos Ra est toujours aussi profond, glaireux et monotone, renforçant cette impression de liturgie intemporelle, ceci dit, malgré la longueur des morceaux et leur côté volontairement pesant et répétitif, on ne s’ennuie pas, grâce à l’intelligence des compos qui laissent filtrer ce qu’il faut d’air et de lumière pour ne pas s’asphyxier : les titres principaux, longs et sinueux, incorporent volontiers ces passages à la fois sombres, épiques et tribaux dont le groupe a le secret et de superbes mélodies viennent de temps à autre trouer l’épaisseur des ténèbres (l’admirable break central de
Seven Altars Burn In
Sin, avec ses harmoniques de guitare à la
Metallica, le court passage ethnique au milieu de The
Heart of
King Solomon in
Sorcery qui sent bon l’encens et la magie, ce chant féminin éthéré suivi d’un très bon solo sur In Meditation on the Death of Christ, à la fin béate et religieuse). En fait, on a l’impression que ces rituels maudits s’incarnent dans les incantations de Mors Dalos Ra et s’animent au grès du souffle des guitares, sorte d’immense golem sonore pétri par les six cordes, les grondements de la basse, les coups de grosse caisse et les éructations du frontman : ce monstre musical de 113 minutes se nourrit progressivement de ses propres riffs plombés au goût de terre, se renforçant à mesure que les minutes défilent, sorte de mise en abîme d’un cheminement intérieur et spirituel, angoissant plein de doutes, et tâtonnant sans cesse entre ombre et lumière.
D’ailleurs, même si
Domedon Doxomedon est majoritairement rampant, lent et pesant, faisant souvent appel à la double pédale pour appuyer les rythmiques, les Allemands savent parfois accélérer la cadence (le début rugissant de Tombstone
Chapel, les blasts marteau-pilon sporadiques d’
Exiled in Transformation et The Guilt They Bore, les mid tempo énergiques et headbangants de He Doth
Mourn ou le début de The
Heart of
King Salomon in
Sorcery) et finalement, on se retrouve avec un album plus varié que ce qu’il pourrait sembler au premier abord, notamment grâce à un travail délectable sur les mélodies ainsi que les nombreuses pistes acoustiques et ambiant qui parsèment l’album, toujours aussi réussies et immersives.
Et oui, finalement, même la mort expire un jour. En tous cas, la Faucheuse a fini par rattraper le combo berlinois qui nous livre ici un beau chant du cygne guttural à souhait et déverse une dernière bordée de blasphèmes histoire d’achever le Messie une seconde fois au cas où. Le pauvre Christ doit se retourner dans sa tombe, mais bonne nouvelle, il n’y est plus seul : désormais Mors Dalos Ra et ses acolytes lui y tiendront compagnie jusqu’à la fin des temps.
Rot In Peace…
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