Le Massachusetts, État américain certainement parmi les plus durs à prononcer, nous envoie un combo fort intéressant avec les cinq
Replacire. Les compères se sont réunis en 2010 afin de former un groupe présenté comme œuvrant dans le death technique, ce qui n'est pas faux, comme dirait Karadoc dans Kaamelott. Leur premier album, «
The Human Burden », proposait en effet un death généreux mais étendu, s'éloignant ponctuellement de la classique influence de Death (revendiquée par les membres de groupe) par le biais de passages plus ouverts, côtoyant notamment le jazz fusion. Confirmation était attendue, sans trop de stress non plus tant la maîtrise et le talent pouvaient déjà se faire sentir sur le premier LP, avec le second offert sorti en mars 2017, au titre fort : «
Do Not Deviate ». A cette occasion,
Replacire quitte l'auto-production des débuts pour signer leur premier album chez le label de notoriété Season of
Mist.
Les 38 minutes de «
Do Not Deviate » sont bien la confirmation suggérée plus haut. Fidèle à son style établi durant une décade d'existence,
Replacire joue sur plusieurs tableaux. Le deathhead y trouvera son compte, puisque brutalité et couleur death sont omniprésentes. Les entrées en matière ou les phases d'une violence toute dénuée de préliminaires avec double-pédale ravageuse, et riffs qui suent le death metal classique (« Horsestance », «
Spider Song ») voire le brutal death (« Act, Reanact ») frappent l'auditeur et décrochent des nuques avec une facilité qui semble déconcertante. L’efficacité des garçons sur le death metal pur (si je puis dire) est totale et sait emporter l'adhésion...
Mais là où le groupe séduit c'est par l'évolution qu'il fait subir à ce death, lui donnant plusieurs formes. On parle là d'abord de death aussi technique : la polyrythmie percussive et le riffing complexe sont en effet des constituantes majeures du style
Replacire, structurant littéralement un morceau comme « Moonbred Chains ». La violence de cette technicité prend une ampleur d'autant plus troublante qu'elle est traversée de dissonances et d'une ardeur d’exécution qui font penser aux mathcore les plus imposants et rageurs ou aux metals d'avant-garde faisant fi des mélodies ou des harmonies simplistes (« Any Promise »).
Dans la continuité,
Replacire délaisse également les carcans du metal extrême. Le chant clair a une importance prépondérante par exemple, ainsi que des patterns empruntant de manière troublante au jazz fusion, mêlant une basse claquante, presque slappée, à des guitares rythmiques résolument sophistiquées...ou encore aux genres symphoniques représentés par des nappes de clavier synthétiseur et aussi tout ce qu'il y a de plus classique, comme cet interlude inquiétant au piano « Reprise » mi-intimiste mi-dissonant, prouvant à quel point l'oreille musicale de
Replacire est développée et les bonhommes maîtrisent leur art de la composition. Ces échappées constantes du death metal rapprochent le groupe de l'esprit des
Cynic,
Tool, ou
Opeth, tous trois différents et proches à la fois.
Maintes musiques et esprits se rencontrent et sont digérés à merveille dans ce «
Do Not Deviate ».
Replacire fait quelque chose d'ingrédients qui ne sont pas tout à fait nouveaux, mais laisse un sentiment de différent. Indéniablement une des sorties death les plus soignées de ce premier semestre, les plus recherchées, les plus respectueuses de l'auditeur.
Replacire parvient à tout sur cet album : certains diront que cette présence de tout donne un trop plein ; j'aurais moi-même été le premier à le dire, fustigeant souvent ce défaut dans d'autres sorties. Mais
Replacire y arrive, à cet album de death rassembleur, généreux et exigeant à la fois. On a déjà le troisième album en ligne de mire.
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