Prudence est mère de sûreté, dit-on... Nouvel entrant dans le metal symphonique à chant féminin venu de Rieti, en Italie,
Rite Of
Thalia a mesuré les enjeux et jaugé les risques liés à un tel investissement à l'heure actuelle, s'étant laissé le temps nécessaire à l'élaboration de leur projet et à la maturité compositionnelle et scripturale de leur oeuvre. En effet, cofondé en 2013 par l'auteur/compositeur et claviériste Riccardo Dionisi et la soprano et parolière Chiara Petrelli, ce n'est que cinq années plus tard que le groupe nous gratifie d'un premier album full length dénommé « Discordia » ; auto-production généreuse de ses 12 pistes sereinement enchaînées sur un parcours auditif de 50 énergisantes minutes.
Dans cette aventure, auprès de Riccardo et Chiara ont été prestement embarqués Francesco Forlano (Steel
Fortress) à la guitare, Stefano Ottaviani à la basse et Stefano di Filippo à la batterie. Equipe à la solide cohésion instrumentale, à laquelle s'ajoute, pour l'occasion, le fin picking du guitariste
Matthew Mills (
Forgotten Realm). Ce faisant, officiant dans un rock'n'metal mélodico-symphonique progressif dans le sillage de
Delain,
Lunatica,
Arven,
Coronatus, ou encore
Xandria (troisième période), le fringant quintet témoigne d'une technicité éprouvée et de qualités mélodiques difficiles à prendre en défaut. Espérant, tout comme ses compatriotes
Sleeping Romance et
Walk In Darkness, s'inscrire dans la durée, aurait-il, au préalable, les armes suffisantes pour s'imposer dans le trio de tête des jeunes formations metal symphonique locales ?
Tout d'abord, chacune des compositions de l'opus pose un regard introspectif sur la condition humaine, à l'image du sobre artwork de la jaquette, relevant du trait affiné du graphiste italien Mauro de Angelis. De même que le visage dissimulé de cet être qui semble plonger dans ses pensées les plus profondes, le propos relate la dualité ressentie par un meurtrier, dont l'état d'esprit oscille constamment entre le bien et le mal, la lumière et l'obscurité. Cette réflexion d'inspiration serait cristallisée par les effets de contraste dont le manifeste s'en fait l'écho, les radieuses lignes mélodiques et les délicates nappes synthétiques donnant le change à un riffing massif et crocheté, à une basse vrombissante et une rythmique saillante. Pour la mise en valeur de l'offrande, on soulignera la qualité des arrangements instrumentaux, octroyés par le groupe lui-même, tout comme celle des enregistrements, réalisés par Elvys Damiano et Simone Micheli au Trip in Music studio, et n'accusant que d'infimes sonorités résiduelles. Indices révélateurs d'une sérieuse envie d'en découdre...
D'emblée, au regard de ses passages frétillants aptes à figurer dans les charts, d'un claquement de doigts, le combo italien emporte l'adhésion. Ainsi, à la brève et dispensable entame cinématique «
Fragment », par un fondu enchaîné, succède le magnétique «
Sacrificium ». Sur fond d'arrangements nightwishiens, de riffs acérés et d'un léger tapping, le méfait livre ses couplets finement ciselés que relaye un refrain catchy typiquement "delainien" et mis en habits de lumière par les cristallines volutes de la sirène. Dans cette énergie, on succombera aux charmes de «
Confession », impulsif titre "xandrien" à l'infiltrant cheminement harmonique et offrant un flamboyant solo de guitare dans la veine de
Lanvall (
Edenbridge). Quant à l'entraînant « Tales of Sudden
Fate », dans l'ombre d'
Arven, distillant de sémillantes variations rythmiques et doté d'un refrain immersif à souhait enjolivé par les saisissantes envolées lyriques de la déesse, ce hit en puissance ne saurait être éludé sans éprouver quelques regrets.
Quand il se plaît à jouer des contrastes rythmiques, le collectif transalpin fait montre d'une féconde inspiration, livrant d'enivrants espaces d'expression, que pourraient bien lui envier ses homologues. Ainsi, le polyrythmique « Discordia » interpelle autant par ses soudaines accélérations qu'il nous aspire au regard d'une ligne mélodique d'une précision d'orfèvre. Aux accents power symphonique dans la veine d'
Ancient Bards, ce titre symphonico-progressif laisse danser de soyeux arpèges au piano, la belle, par ses vibrantes inflexions, achevant de nous convaincre de ne pas quitter le navire une fois embarqués. Pour leur part, dans la lignée de
Coronatus, les troublants « I Promised » et «
All That Remains » ne tardent pas à nous impacter. Libérant peu à peu une sidérante force de frappe, gagnant alors en épaisseur instrumentale ce qu'il ne perdent nullement en luminosité mélodique, les deux vigoureux méfaits pousseront irrémédiablement à la remise du couvert. Et ce n'est pas l'opératique fresque «
Black Orchid » qui nous fera lâcher prise, bien au contraire. Cette pièce en actes se dote, en outre, d'un pont techniciste d'excellente facture et d'arrangements ne souffrant d'aucune approximation. Peut-être la pépite de l'opus.
Lorsqu'il nous convie à d'intimistes moments, le quintet semble particulièrement à son aise, parvenant à générer, un peu malgré nous, la petite larme au coin de l'oeil. La caressante ballade a-rythmique « Shades » en est une première illustration. On regrettera simplement de devoir se contenter des deux petites minutes de ce piano/voix sensible jusqu'au bout des ongles. On ne résistera pas davantage à la forte charge émotionnelle délivrée par « Looking in the Mirror » ; hypnotique ballade atmosphérique mise en habits de soie par la charismatique empreinte vocale de la maîtresse de cérémonie, allant jusqu'à tutoyer les notes les plus haut perchées.
Plus encore, dès les premières mesures et au regard de ses seyantes séries de notes, la radieuse ballade progressive « Hostages of
Tragedy » nous aspire en son sein. Gageons que cette fondante ronde des saveurs, non sans rappeler l'émouvante « All I Got », (in « Black Is the Colour ») d'
Arven, nous octroyant en prime un grisant solo de guitare signé
Matthew Mills, fera plier l'échine aux âmes les plus rétives.
Comme pour nous signifier qu'il cherche à sortir des sentiers battus, le combo italien nous octroie d'aériens passages instrumentaux, délicatement oralisés par d'ondulantes vocalises. Fait au demeurant assez rare dans ce registre. Ainsi, on sera happé par la stupéfiante gradation du corps instrumental et, plus encore, par les angéliques modulations du laconique « Twin Enemies » ; titre cinématique prenant des airs de générique d'une grande production hollywoodienne. Une piste à suivre, peut-être...
Carton plein donc pour nos acolytes à la lumière de ce pléthorique et sensible essai. Jouissant d'une ingénierie du son plutôt soignée et octroyant des compositions aussi efficaces que bien inspirées, cette galette se parcourt d'un seul tenant, avec l'indicible espoir d'y revenir aussitôt l'ultime mesure envolée. En outre, un sérieux potentiel technique et esthétique transpire par tous les pores de ce message musical. On aurait toutefois souhaité une mise à distance plus franche de leurs sources d'influence, quelques prises de risques supplémentaires et une diversification du corps oratoire, tenant pour l'heure aux seules et limpides impulsions de la belle. Néanmoins, à l'aune de cette vibrante et émouvante livraison, on peut d'ores et déjà envisager de voir nos cinq gladiateurs se hisser dans le trio de tête parmi les jeunes formations locales du metal symphonique à chant féminin. Bref, un groupe à suivre de près, de très près...
Vous devez être membre pour pouvoir ajouter un commentaire