Dans la large catégorie des groupes rock ayant débuté au début des années 2000 et qui ont été oubliés,
Audiovent occupe une belle place. La popularité du nouveau son rock-metal alternatif, du post-grunge et du nu-metal était à son sommet, et beaucoup de groupes tentaient leur chance pour attraper le train du succès. Forcément, avec autant de concurrence, beaucoup n’ont pas eu le succès escompté et se sont vus au fil des années et des décennies suivantes complètement oubliés.
Avant de se nommer
Audiovent, le groupe à l’origine s’appelait Vent, et s’était formé à Calabasas, en Californie, au début des années 90. Composé du chanteur
Jason Boyd, du guitariste Benjamin Einziger, du bassiste Paul Fried et du batteur Jamin Wilcox, c’est avant tout l’histoire de potes de lycée passionnés par la nouvelle vague émergente du rock mainstream de l’époque qui voulaient s’amuser en initiant un nouveau groupe. Pendant longtemps, la nouvelle formation californienne se contentera avant tout de jouer des reprises de leurs sources d'influence, telles que
Nirvana et
Metallica, avant de se lancer plus tardivement dans la composition. Ce qui aboutira à leur premier album, "Papa’s Dojo", sorti en 1999, en totale indépendance, qui leur donnera une première visibilité et un petit succès au niveau local. Quelques mois après la sortie de cet opus, le groupe signera enfin avec une major,
Atlantic Records, et changera de nom à l’occasion en 2001 pour devenir
Audiovent. Leur premier et unique album, "
Dirty Sexy Knights in Paris", sortira donc en 2002, une période encore active à l’émergence de la nouvelle vague rock.
Audiovent joue donc une musique propice de son époque, aux structures classiques et aux influences diverses, allant du hard rock au grunge en passant par l’alternatif rock ou la pop. Cela étant, c'est dans la parfaite continuité de "Papa’s Dojo" que se place le nouvel élan, pour ne pas dire qu’en réalité "
Dirty Sexy Knights in Paris" est un quasi-réenregistrement de ce dernier, reprenant beaucoup de chansons déjà enregistrées.
Les diverses influences se traduisent par la diversité des chansons, allant de titres énergiques aux riffs bien gras, comme « The
Energy » ou «
Gravity », à d’autres plus lentes et subtiles, comme « Underwater
Silence », voire à de la ballade acoustique avec « Sweet Frustration ». Certaines utilisent même des instruments inhabituels, tels que le sitar sur «
Rain », ou carrément de l’orchestration dans « When I Drown ». Le tout ressemble pas mal à du
Incubus, surtout au niveau de la voix, avec des envolées vocales et un timbre assez similaire ; le parallèle est flagrant, par exemple, sur l’acoustique « Sweet Frustration », qui fait beaucoup penser à «
Drive » d’
Incubus. La musique elle aussi fait souvent penser à ce groupe, comme cette tendance à mélanger divers genres du rock, avec parfois un peu d’exploration, et la manière dont les riffs sont joués avec cet aspect énergique.
Alors oui, le groupe est loin d’avoir poussé l’exploration musicale aussi loin qu'
Incubus ne l’a fait sur SCIENCE ou Make Yourself, c’est sûr, mais c’est la première référence qui me vient en tête lorsque l’on veut comparer la musique d’
Audiovent. Vous l’avez constaté, j’ai pas mal cité
Incubus, et à vrai dire ce n’est pas un pur hasard car, en effet,
Jason Boyd n’est autre que le frère de Brandon Boyd, qui est le chanteur…d’
Incubus ! On comprend mieux maintenant. Le guitariste Benjamin Einziger est, lui, le frère de Mike Enziger, qui est le guitariste de…
Incubus !
Audiovent est un véritable groupe frangin d’
Incubus, pour ne pas dire que c’est carrément à lui que le groupe doit son existence, puisque c’est à travers celui-ci que
Jason Boyd et Benjamin Einziger se sont connus et ont formé un groupe.
Si les similarités avec
Incubus sont évidentes,
Audiovent s’est néanmoins forgé sa petite personnalité musicale.
Jason Boyd a quand même une façon de chanter qui diffère sur certains points de son grand frangin, et la formation a su construire de bonnes chansons. Je pense surtout à « Looking
Down », avec son bon refrain aux paroles motivatrices qui nous donnent l’impression d’être les maîtres du monde, sans oublier un joli effet de filtrage sur la voix. A retenir également la très énergique «
Gravity » avec les guitares les plus lourdes de l’album et un rythme soutenu, sans oublier, là non plus, son superbe refrain qui nous donne la pêche et de jolis effets de filtre sur la voix avant celui-ci ; « The
Energy » et « Back and Forth » sont, elles, plus classiques mais empreintes d'une grande efficacité et de puissants refrains, avec en prime des solos de guitare. On n'omettra pas davantage « One Small Choice », où
Jason Boyd nous donne peut-être sa plus belle prestation vocale ; un joli exemple de modulation de la voix, et d’une façon que son frère n’a jamais fait en plus. « I Can't Breathe », quant à elle, est sans doute celle qui ressemble le plus à du
Incubus, mais au point de le surpasser dans son propre terrain avec son diaboliquement accrocheur refrain qui en fait l'un des meilleurs titres de l'album. Enfin, la ballade orchestrale « When I Drown » est tout aussi impressionnante vocalement, une prestation oratoire aussi techniquement qu’émotionnellement convaincante ; sa beauté en fait même l’une des chansons les plus marquantes de l’album.
Tout est porté par une bonne production, réalisée par Gavin McKillop, connu pour avoir produit d’autres groupes de rock de cette même période comme Goo Goo Dolls, avec un son au rendu propre et valorisant particulièrement la guitare et la voix. Le résultat fait de "
Dirty Sexy Knights in Paris" un concentré de gros rock qui ne pourra que plaire aux amateurs du genre ; les refrains s’enchaînent tels des tubes, le jeu de guitare est polyvalent et recèle son lot de riffs gras, quand la prestation vocale est, elle, d’un niveau élevé et bien au-dessus de ce qui se faisait dans le genre.
Mais à force de trop piocher ses influences dans ce qui a déjà été fait dans le rock,
Audiovent en arrive par moments à proposer des chansons un peu trop génériques. C’est le cas par exemple de « Stalker », qui ressemble à des dizaines d’autres titres du même genre et qui peine à offrir quelque chose d’intéressant. C’est aussi le cas de « Sweet Frustration », ballade acoustique loin de proposer le même degré musical et vocal que « When I Drown », et qui tombe aussi dans les clichés de la chanson rock acoustique ; « Beautiful Addiction » a, elle, un refrain et des riffs également un peu génériques, mais se rattrape quand même bien par son pont mélodique où
Jason Boyd nous bluffe ainsi que par son solo de guitare.
Audiovent aura eu au final un succès relativement modéré ; les singles « Looking
Down » et « The
Energy » n’auront pas été suffisants pour porter le groupe dans le top 10 ou 20. Justement, ce qui avait été reproché à
Audiovent par la presse, c’est sa grande ressemblance avec
Incubus et son côté jugé générique, car, au final, si "
Dirty Sexy Knights in Paris" est un album techniquement impeccable, à la production propre, avec son lot de tubes et qui transpire l'amour du rock, il n’invente strictement rien dans le genre. A une époque où les groupes rivalisaient de créativité pour faire évoluer le rock, se contenter de faire du rock juste pour le plaisir d’en faire était perçu comme moins intéressant. S’il est vrai que l’album n’invente rien et que quelques rares chansons font un peu du générique, j’ai toujours trouvé les critiques beaucoup trop sévères, et l’absence de vrai succès injuste au vu de la qualité générale. Il ne faut pas oublier qu’il ne s’agit-là que d’un premier album ; le groupe aurait pu par la suite développer une plus forte personnalité, mais le marché musical semble lui en avoir ôté l’opportunité.
Audiovent était un grand espoir du bon gros rock qui sombrera trop vite dans les abîmes de l'oubli. En effet, suite au succès jugé décevant, de fortes tensions ont commencé à émerger au sein du groupe. Les membres d’
Audiovent ont tenté de passer outre ces clivages en débutant la composition pour un éventuel deuxième album, jusqu’à même réussir à enregistrer des démos de nouvelles chansons, mais les tensions persistantes rendaient les sessions de composition pénibles et ont fini par faire imploser le groupe. Ces tensions étaient principalement d’ordre créatif, les différents membres se montrant constamment en désaccord entre eux sur la direction musicale à suivre, surtout suite à un succès jugé faible. Il faut dire que ces tensions existaient depuis bien longtemps, au moment de la sortie de "Papa’s Dojo", c'est dire…
Audiovent s’est donc séparé en 2003 suite à tout cela, et a mis un terme à un groupe qui pourtant avait un bon potentiel. Les nouvelles compositions ne seront jamais enregistrées en studio, et seules certaines qui l’ont été en démos seront dévoilées au public quelques années plus tard. Il faudra attendre jusqu’en 2023 quand même (soit 21 ans !) pour enfin avoir quelque chose de nouveau, et avec seulement une seule chanson dévoilée sur YouTube.
Entre temps,
Audiovent s’était reformé une première fois en 2017 pour quelques concerts, et une deuxième fois en 2021 pour assurer la première partie de la tournée de
Hoobastank, mais qui finalement ne se fera pas, et ce pour d’obscures raisons. Entre la séparation et la première reformation, les trois membres musiciens fonderont Agent Sparks, un nouveau projet musical indie pop, mais qui ne durera pas longtemps. Aucune perspective d’un nouvel album ne sera jamais d’actualité, et le groupe sombrera dans l’anonymat le plus total, rejoignant ainsi la triste liste des formations des débuts 2000 qui seront complètement oubliées avec le temps.
Ah tien, je me rappelle de ce groupe, j'avais une chanson qui trainé sur une compil, mais je n'ai jamais écouté l'album, je crois que c'étais the energy, mais pas sur. merci pour la retropsective !
Tiens, je pensais que j'étais le seul de tout le site à connaître le groupe !
Moi j'ai connu Audiovent grâce à la bande-son d'un jeu de sport extrême sur PS2, où il y avait à la fois The Energy et Gravity. J'avais beaucoup aimé Gravity, je me suis donc procuré l'album plus tard, mais ça m'avait plutôt marqué. Je pense que l'album vaut largement le détour, The Energy est une excellente chanson, mais pourtant l'album en propose de tout aussi bonnes voir des meilleurs. Tu devrais y jeter une oreille un de ces jours.
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