Liste des groupes Cyber Metal Shadow Domain Digital Divide

Qui n'a pas été frappé par le split-up de Sybreed en 2013? Après dix ans de bons et loyaux services et quatre albums phénoménaux, les cyber metalleux suisses nous laissaient en plan avec l'espoir de les revoir un jour ou l'autre. Heureusement, les musiciens se sont trouvés d'autres projets. Drop, Ales et Kevin ont continué leur chemin en trio avec Obsydians, délivrant au gré du vent des morceaux cybernétiques avec des guests au chant. Benjamin, lui, a attendu un certain nombre d'années avant de reprendre du service et créer Shadow Domain. Dévoilé courant 2018, il s'agit de son propre projet dans lequel il a conçu concept, paroles et musique. Il s'est ensuite entouré de musiciens de renom : on retrouve le guitariste / bassiste Kris Norris (un ancien de Threat Signal et de Darkest Hour) et le batteur Nick Oshiro (ex-Seether, ex-Static X). Benjamin, lui, se charge comme à son habitude des vocaux, mais aussi des claviers. La troupe sort fin décembre 2018 son premier effort "Digital Divide", doté d'un visuel transhumaniste, rétro-futuriste et dark qui sied bien au style.

Il ne faut pas s'attendre à se retrouver avec un Sybreed 2.0. Malgré un frontman en commun et une thématique quasi similaire, Shadow Domain possède une identité toute particulière. Son Cyber Metal se veut plus mélodique et, à des égards, plus aérien. Il possède sa part d'expérimentation ainsi que ses passages bourrés aux amphétamines, mais ne laisse pas de côté les atmosphères qui ont ici une place importance. On s'en rend compte d'entrée de jeu avec l'éponyme "Digital Divide", un titre mettant en avant son lot de bidouilles et de samples cybernétiques. Ces dernières emportent l'auditeur dans le vif du sujet, malgré des guitares convenues et un rythme qui peine à décoller. Ceci dit, cette chanson agit comme une introduction, ni trop brutale, ni trop atmosphérique. Il faudra attendre "Magnitizdat" pour savoir ce que Shadow Domain a dans le ventre : une rythmique typiquement industrielle avec des guitares burnées, un enrobage électronique omniprésent et une étonnante diversité vocale. Ben module sa voix comme jamais, entre lignes aériennes, lignes agressives, presque déshumanisées, et lignes mélodiques, le tout guidé par une grande émotivité. Le refrain est exceptionnel, avec des claviers quasi cinématographiques.

Shadow Domain essaie de varier son propos et fait en sorte que chaque piste ait son petit quelque chose. "Give up on Joy" se veut très mélodique mais perd de son authenticité, on sent que le but est de marquer les esprits avec un refrain hyper catchy mais il en devient presque prévisible. A contrario, des morceaux comme "Hyperkarma" ou "Omega Point" balancent la sauce avec une brutalité bien dosée, un soupçon de polyrythmie et un arrière plan futuriste, sans oublier le talent vocal de Benjamin qui alterne avec brio cris et plans mélodico-aériens.

Certaines chansons sont plus beaucoup plus cybernétiques que d'autres comme le très efficace "Neurotopia", qui délivre des samples électroniques à l'arrière goût d'acier, ou le terrible "Turbogenerator" qui, a lui tout seul, justifie l'achat de cet album. Il s'agit d'une pépite cybernétique comme on en fait peu, avec sa dose de claviers, de guitares agressives et de vocaux tourmentés, le tout dans une ambiance dark futuriste...et une patte Sybreed indéniable.

On retrouve aussi deux pistes plus lentes, plus centrées sur les atmosphères : "Simulacrum" en milieu d'album et "Who Watched the Watchers" en guise d'épilogue. Mais il semblerait que ce soit le point faible de Shadow Domain puisqu'on peine à accrocher jusqu'au bout. Peut-être trop tournés vers l'émotion, ils trainent un peu en longueur et auraient mérité d'être légèrement raccourcis. Ceci dit, ils nous permettent de respirer après tout de ce déferlement cybernétique.

"Digital Divide" n'est pas un album parfait. Il possède sa part de morceaux convenus, de passages prévisibles et de longueurs, et manque un peu de variété dans le jeu de batterie. Tout n'est pas mémorable. Mais à côté de ça, on retrouve tous les bons ingrédients du cyber metal : une atmosphère futuriste immersive, des touches expérimentales, une rythmique mécanique, des vocaux déshumanisés, et en plus de cela, une bonne dose de savoir-faire. Encore une fois, il ne faut pas s'attendre à retrouver un peu de Sybreed, Shadow Domain est encore à part, avec ses forces et ses faiblesses, mais pour un premier jet - et un retour en force, Ben et sa bande s'en sortent très bien. On attend la suite !