On a souvent tendance, d’instinct, à classer la musique dans des cases, des sous-catégories. Créer des familles, des similitudes, donner un nom commun, parce que nommer c'est connaître, comme on a voulu classifier les différentes espèce vivantes sur la planète. Le metal a son lot de genres précisés par des sous-genres, des sous-sous-genres, des cross-genres, des mi-genres, des genres mais pas trop. Une dichotomie reste hélas très nette malgré les efforts pour lier les genres : l'opposition musique populaire/musique savante. Genre simple et genre "pour ceux qui savent apprécier". Il est dur de proposer une musique apte à plaire au plus grand monde et qui arrive, en même temps, à faire avancer le schmilblick. Les Beatles sont l'exemple numéro un.
En écoutant leur musique, on se dit que les membres d'Ara (qui sortent là leur premier LP) ont deux amours, comme beaucoup d'entre nous, amateurs de metal extrême : le death metal brutal et l'avant-garde metal. On est plus habitué aux entités qui font le pont, commençant par l'un et finissant par l'autre, pour ne pas dire créant l'autre dans le cas du séminal
Gorguts. Mais "
Devourer of the worlds" se présente bel et bien comme une fusion furieuse entre une brutalité décomplexée et une composition plus complexe.
Porté par un jeu de batterie extraordinaire, de fluidité et de finesse (il fallait que je le mentionne), l'ensemble de "
Devourer of the Worlds" s'écoutant d'ailleurs d'une traite (comprendre : pas de silence entre les morceaux) s'ancre dans de l'avant-garde aux riffs dissonants ("Obelisk", "Dredgehammer") et aux variations rythmiques qui donnent le tournis ("Insectile Aberration"). En clair, prenez...et ajoutez-y même une saveur de doom, des phases de headbanging lentes pointant le bout de leur nez sur "Jerupitus the
Blood-Drenched" (très lourd, les guitares paraissent tellement sous-accordées qu'elles en sonnent désaccordées) ou encore "
Human Garbage".
Sauf que ce n'est pas tout. De manière très pertinente, car toujours au moment où l'écoute peut commencer à tourner en rond, Ara assène de soudaines claques par des passages ou des morceaux death à en crever : "Cruel
Epitaph" et surtout "Cadaverlanche", un des trucs les plus sauvages et brutaux que j'ai jamais entendus au beau milieu d'une galette qui avait été plus technique jusque là. Violent comme la fin du monde dans un tsunami, fou comme du
Krisiun sous PCP. Le tout se mariant avec ce qui a précédé par la cohérence de leur thématique et la passion que les musiciens lâchent pour exprimer leur angoisse et leur rage face à ces mondes dévorés qu'ils nous dépeignent.
Album sombre, fougueux, maîtrisé mais volontiers étourdissant, «
Devourer of the Worlds » pèche peut-être d'une durée trop étendue, d'une absence de gradation dans l'apocalypse. Le morceau éponyme est beaucoup trop dans la lignée des précédents pour nous laisser sur le cul... Quoi qu'il en soit, Ara livre avec ce disque une création qui, je l'espère, pourra servir de modèle, ou comment, dans un même album, joindre les deux bouts en mettant de côté toute prétention.
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