Liste des groupes Post Hardcore Wntrhltr Deu.Ils

Si le titre titre d'un album a souvent un message à donner, ou tout du moins un sens, dans le cas de "Deu.Ils", il est comme une catharsis. C'est la perte du père de Thomas Winterhalter, guitariste chanteur de WNTRHLTR, qui hante les vingt-sept minutes de ce disque.
Le projet tire son nom du patronyme de Thomas, d'autant plus qu'il est un descendant du peintre Franz Xaver Winterhalter, tiraillé entre sa Bavière natale et un destin qui l'a amené en Angleterre.
Au départ un projet solo de son fondateur Thomas (guitare, chant), il s'est étoffé avec l'arrivée de Angie Karen'o (basse), Marc Sandoz (batterie), et Camille Guitard (guitare).

Le contenu de l'album aurait pu être bien différent, car les compositions étaient plus dans un registre dark folk à leur création, et se sont plombées en se concrétisant en répétition. D'ailleurs, malgré le covid, le groupe a pu se réunir au studio de Francis Caste, avec d'un coté le batteur Marc, Thomas, et Camille au local, et de l'autre virtuellement avec la bassiste Angie Karen'o qui était outre-Manche au même moment.

L'album, autoproduit, a été enregistré, mixé et masterisé Francis Caste fin 2021 aux Studio Sainte Marthe (Paris), et est sorti le 4 mai 2022. La très belle photo hivernale de la pochette est l'œuvre de Samuel Guigues, le reste de la partie graphique ayant été fait par Leslie Guidez.

Une pesanteur obscure règne sur "Deu.Ils", son mélange de doom et de sludge fait sentir tout le désespoir et l'écrasement que provoquent des évènements comme le deuil (d'où le titre de l'album, comme caché sous un jeu de mots pour ne pas avoir à s'avouer). L'énergie est heureusement bien présente, on ne risque pas de s'endormir, car WNTRHLTR est tout de même varié dans ses compositions. La batterie insuffle ce qu'il faut de changements rythmiques, de breaks pour y apporter du relief. Sur "Caught", des toms profonds et puissants donnent une ambiance tribale. J'ai pensé à Neurosis, Amenra, parfois à un Gojira calme et repu sur le début de "Adored". On trouve par moments une lointaine influence black (les redémarrages de riffs rapides et solitaires de "Sonar" et "Light"), qui renforce le coté sombre et occulte de WNTRHLTR. Le groupe parvient à être encore plus mystique sur le dernier court morceau "Deuil", les rives du styx se parent d'une étrangeté électronique, avec un son de synthé aussi organique que chevrotant.

C'est un disque construit, encadré par "Prologue" et "Deuils", une intro et une outro dominés par le chant habité de Laure le Prunelec (Ex-Igorrr). Sa voix surprend sur le premier par des accents graves à la Marianne Faithfull, et sur le dernier elle retentit comme une incantation, une plainte déchirante, digne et enflammée.
Il se dégage une impression de solennité, avec les vocaux abrupts de Thomas qui semblent raconter des légendes enfouies, ou ânnoner en hurlant une messe obscure. Le scream de Thomas, à la limiite du growl, est rauque comme un hurlement guerrier.
Les arpèges sont simples, aux notes détachées, bruts et tristes. Le sens de l'illustration est parfois littéral, avec des notes jouées sur les cordes au dessus du sillet, qui rendent le coté aquatique d'un écho sur l'intro et la fin de "Sonar". La basse de Angie Karen'o, assez ronde et saturée, ressort bien, et apporte plus de variété aux mélodies des morceaux en se dissociant de la guitare à certains moments.

Le son concocté par Francis Caste (Hangman's Chair, Kickback, Bukowski,…) met en valeur la lourdeur du propos, avec justesse et précision.

Avec cet album, WNTRHLTR pose une premier pierre à un monde personnel qui ne demande qu'à s'étendre. Avec un cœur âpre, lourd et noir, et des ramifications mélodiques nuancées, il est riche de possibilités à venir. Des concerts sont prévus à la rentrée, et il semble que le line-up du groupe aura changé d'ici là, nous en saurons plus bientôt. Un deuil est un choc, mais aussi une transition, un passage vers autre chose, autant pour celui qui est parti que pour ceux qui sont restés.