Liste des groupes Death Metal Gatecreeper Deserted

Fort d'un premier album convaincant, les Américains de Gatecreeper remettent le couvert en cette année 2019, après de multiples splits et sorties sous différents formats. Les cinq Arizoniens sortent ainsi chez Relapse un Deserted de près de trois quarts d'heure (sur la version Relapse disponible en Europe et aux USA, un bonus étant proposé sur la version Japonaise) pour dix titres d'inspiration OSDM (Old School Death Metal) de tradition Nord européenne. Le deathmetal des américains plonge en effet dans le swedeath le plus classique, tout en conservant un côté Asphyx loin d'être dégueulasse. Plus européen que ça, pas possible, à moins d'habiter Stockholm et d'enregistrer au Sunlight Studios.

La mondialisation étant ce qu'elle est, Gatecreeper fort d'une diffusion étendue de son album (Relapse oblige), nous assène un disque dont l'inaugural morceau, "Deserted", aux premières mesures écrasantes pas si éloignées du doom/death avec riffing pachydermique et leads funèbres, va annoncer la couleur, fort d'une pesanteur implacable, d'une montée en puissance galvanisante et mise en valeur par un growl très présent et expressif. Gatecreeper possède cette qualité partagée avec Asphyx d'alterner les titres lents et les parties plus enlevées (mais sans excès), comme sur "Puncture Wounds" qui suit, morceau le plus concis (2'48" au compteur, qui combine le meilleur des mondes de son aire de jeux, coincé entre Suède et Pays-Bas). Riffing entêtant, phrasé convaincant et pas monolithique, et accélération à 2'28 pour achever l'auditeur sur les vingt dernières secondes de la composition. Pas éloigné des débuts d'un Deserted Fear par moments, les morceaux vont établir un schéma alternant plans groovy bien propices au headbanging et passages d'une lourdeur impitoyable aérés par des soli de bon goût ("From the Ashes" en écoute ci-dessous, ou "Boiled Over"), démontrant une qualité d'écriture remarquable tout au long de l'album.

Sans renverser les tables de la loi établies depuis les débuts de Nihilist ou d'Asphyx, la bande menée par le moustachu Chase H. Mason, qui peut rémunérer Martin van Drunen pour l'ensemble de son oeuvre, produit des morceaux variés (les passages vifs de "Everlasting" judicieusement placés au cœur de l'album, ou les moments lancinants de "Barbaric Pleasures") et tout à fait plaisants dans un genre balisé à l'extrême. Les accélérations subites ("Sweltering Madness", "Everlasting", "In Chains") donnent corps à l'album, et les décélérations héritées de feu Celtic Frost ("uh" compris comme sur un "Sweltering Madness" déjà sorti sous forme de single en 2017) pour aboutir à des moments doomesques constituent le point fort de Deserted. Et, même si le processus d'écriture ne surprend guère plus que le propos général, ou que le format de 43 minutes peut paraître un tantinet étendu, le menu ici proposé par le quintet constitue un repas fort appréciable. Gardé pour la fin, "Absence of Light", au nom prémonitoire, est une sorte de marche funèbre digestive qui amène l'auditeur par un lead bien trouvé un titre lancinant vers une fin d'album aux accents doom plus que prononcés.

Sans être surprenant,ni particulièrement au-dessus de la masse dans un genre balisé, le second album de Gatecreeper est d'un niveau appréciable. A ranger aux côtés d'Asphyx sans en être un clone, grâce à des sonorités bien distinctes et à un sens du groove avéré, et maniant avec succès l'alternance entre moments tapageurs et rythmes lancinants propres au doom le plus obscur, Deserted est un sans faute à défaut d'être un album majeur. Album solide d'un groupe solide, il est dommage que la tournée prévue en Europe en 2020 ait été annulée, Gatecreeper devant assurer quelques dates en France cet été. Il est fort probable que l'occasion aurait été propice de faire partager aux deathsters le goût de de death/doom en live et contribuer à faire connaître la formation de ce côté de l'Atlantique, où il semble devoir être comme un poisson dans l'eau.