Superstition, ce nom ne vous dit peut-être rien et pour cause, son existence aura été trop éphémère pour marquer les esprits. Né en tant que
Labyrinth en 1987 sous l'impulsion de son membre fondateur
Gregory «Lee» Goodfellow, guitariste de son état parti tenter sa chance à Chicago, le groupe prend forme au gré de multiples rencontres et pérégrinations dans l'Illinois. Influencé par des formations telles que Queensrÿche,
Savatage ou encore
Fates Warning, le combo parvient à réunir les fonds nécessaires pour louer un studio d'enregistrement pour deux semaines et malgré le temps limité, parvient à enregistrer quelques titres (pistes 5 à 8 sur le CD). De l'aveu même de Goodfellow, à défaut d'être inspirées, les compos sont solides et mettent l'accent sur sa complicité et la complémentarité avec Doug Erhrhardt le second six-cordiste. A l'écoute de ces quatre pistes on ne peut lui donner tort, le groupe se cherche, malgré les similitudes vocales du singer Darrel Lorenz proches d'un
Geoff Tate, les titres ne laissent pas une impression désagréable mais ne possèdent pas ce côté immédiat, mémorisable. L'espoir de signer sur un label indépendant s'amenuise jour après jour et au final le téléphone ne sonnera jamais. Pour
Labyrinth, c'est la fin des illusions, le groupe splittera dans des délais relativement courts.
Toujours à la recherche d'un projet viable, Goodfellow est un jour contacté par Danny Weymouth, bassiste et ex-compagnon de galère dans
Labyrinth afin de le rejoindre dans Superstition en compagnie de Doug, le second duelliste. A l'écoute des compos façonnées par le quatre-cordiste et impressionné par la voix de Dan Mc Cartney, clone vocale de Tate, notre guitariste n'hésite pas une seconde et le groupe nouvellement formé enregistre une démo (pistes 1 à 4 sur le CD), ouvre pour
Powermad et
Fates Warning et écume le maximum de clubs.
Clairement les meilleurs titres du groupe, «
Distant Acceptance» par exemple sonne comme du
Crimson Glory période Transcendence, «
Live the
Dream», fulgurance surgie du passé, véritable diamant brut, qui allie mélodie classieuse à la Queensrÿche, refrain catchy à la Fith
Angel,
Leatherwolf ou 220 Volts, alchimie réussie d'un heavy metal mélodique racé, mêlé avec bonheur à un hard U.S. aux chœurs qui percutent le cervelet et s'incrustent durablement dans la mémoire à l'issue d'une simple et unique écoute. Les chorus sont superbement enrichis par des nappes de claviers pas envahissantes qui donnent une véritable coloration à l'ensemble, et que dire des interventions des solistes si ce n'est qu'elles sont brillantes et juste à tomber. Croyez-moi messieurs, ce «
Live the
Dream», justifie à lui seul l'achat de ce disque, mélodie imparable, refrains catchy à souhait, du vrai velours à découvrir sur le jukebox planètaire (http://www.youtube.com/watch?v=VrOwDC_Gp4E).
«Falling
Out» la power ballade et le plus démonstratif «
Never the
End» prolongent le plaisir qualitatif.
Le son est très honnête pour ces quatre titres démos de Superstition, et pour cause, ils ont été remasterisés par
Gregory Goodfellow à l'occasion de ce recueil, à contrario des prises de
Labyrinth qui sont livrées elles sans traitement, dont les vocaux semblent distants et l'ensemble sonne un peu étouffé, mais le tout reste audible et permet d'apprécier le bagage technique des protagonistes sans gêne particulière.
Les titres live (pistes 9 à 11 du CD) prolongent l'expérience et nous plongent au cœur de l'ambiance de ces clubs enfumés dans lesquels les groupes jouent comme si leur vie en dépendait, il fallait convaincre, emporter les foules, se forger une réputation, créer le buzz pour espérer attirer l'attention d'un agent, d'une maison de disque et pouvoir ainsi obtenir la rampe de lancement capable de les envoyer sur orbite.
Le son live est livré brut de pomme, sans artifice et les deux derniers titres (pistes 12 et 13 du CD), proposent de plonger dans le cœur même du combo en répétition, l'immersion dans l'intimité du groupe clos logiquement l'expérience, petite fenêtre ouverte sur ces années 1990 bénies par nous autres amateurs de musique décibellisées.
Un petit mot également sur le visuel sensuel et attrayant typique des 80's directement inspiré du film «La Féline» avec Nastassya Kinski, proposant une version dénudée de la belle visible lorsque vos gros doigts boudinés s'emparent de la galette afin de l'insérer dans la fente (j'en fais pas un peu trop là ?) de votre platine CD, laissant libre cours à votre imagination perverse et vos plus viles pensées (je commence à vous connaître !).
Superstition, un groupe arrivé trop tard,
Fates Warning et plus encore Queensrÿche qui aura explosé les limites du style avec «
Rage for Order» en 1986 et imposé un nouveau standard d'excellence avec «Operation:
Mindcrime» deux ans plus tard, sans oublier
Crimson Glory également, auront attiré pour un temps tous les regards mais pas seulement. Début 1990, les mouches vont changer d'âne avec l'avènement du hair metal, l'émergence du death metal, la conquête des lettres de noblesse du thrash ébranlant le piédestal de groupes pourtant bien établis. Les opportunités de signer un label pour les jeunes groupes de heavy dit mélodiques vont se réduire comme peau de chagrin, malgré les talents avérés en leur sein.
Opportunités insaisissables ? Malchance ? Frilosité des labels ? Tout un tas de facteurs qui auront balayés les illusions et les rêves de reconnaissance de Superstition et de nombreuses autres formations tombées dans l'oubli de la mémoire collective.
Ce recueil de démos s'avère être une belle initiative et permet de mettre des noms et des visages sur ces gamins âgés d'à peine vingt ans à cette période, artistes inconnus pour certains, oubliés pour d'autres, définitivement sortis du circuit musical à une ou deux exceptions et de retracer l'éphémère trajectoire de Superstition à qui l'Histoire de notre musique aura fermé ses portes.
Glory to
Them !
Vous devez être membre pour pouvoir ajouter un commentaire