Mike Patton est bel et bien un véritable allumé du bocal auditif. L’homme aux nombreux projets et à la voix barrée, celle-ci devenant carrément un instrument à part entière dans ses déformations et ses aberrations déviantes a fait de Fantômas son terrain d’expérimentations personnelles, s’allouant les services scéniques de musiciens confirmés.
Après un premier album ressemblant plus à une bande dessinée transposée en son et après un disque de reprise de musiques de films complètement décalé,
Mike Patton récidive avec un nouveau défi. Le nom de la « chose » : «
Delirium Cordia »...
Titre unique de presque une heure et quart, «
Delirium Cordia » permet au vocaliste fou de se plonger dans ses élucubrations et névroses diverses où règne la folie sans partage et l’hallucination sonique…
Cependant, autant nous mettre d’accord là-dessus une bonne fois pour toute,
Mike Patton n’est en rien l’expérimentateur déglingué que l’on veut nous faire croire. Certes, le bonhomme possède une intelligence d’écriture sans partage, un charisme flamboyant ainsi que toutes les aptitudes à un pétage de plomb dans les règles. Mais les néophytes se doivent de porter une oreille (et même les deux) sur les enregistrements hallucinant de
Naked City du génial John Zorn, saxophoniste de génie.
Il est évident que sans ce groupe, Fantômas n’aurait jamais été ce qu’il est. On peut dire que «
Delirium Cordia », sans enlever ses qualités intrinsèques, est à la limite du plagiat des albums de
Naked City (si on enlève les nombreuses influences jazz du combo)
Néanmoins et malgré cette attirance très prononcée pour le groupe de John Zorn, «
Delirium Cordia » en tant que tel reste un album étonnant ainsi qu’une tourmente éclatante dans l’esprit d’un taré. C’est un peu comme se retrouver dans les parties les plus intimes, les rêves les plus déments d’un être humain. Et là, la plongée reste un sommet où se côtoient, s’explosent et se relient les influences les plus diverses dans un ordre éclaté. Indus, musique expérimentale et tribale, samples rallongés jusqu’à la névrose (le vinyle qui saute) ainsi que cette touche métal hardcore-grind à la perfection technique d’un combo de jazz. Fantômas, c’est tout ça, plus la voix de
Mike Patton qui passe du hurlement désordonné à des voix de crooner et autres délires vocaux.
Cependant, «
Delirium Cordia » est de loin, l’album le plus ambiant et, par là même, le plus décomplexé, à l’ambiance la plus sombre, à ceux qui prendront le courage d’écouter le disque dans son intégralité. Les références au monde médical ayant trait à la mortalité et à la folie (semblant tout droit sorti de «
Silent Hill ») sont à ce titre équivoques.
Plus instrumental, faisant disparaître momentanément la voix de Patton au milieu de chœurs religieux et des variations d’un oscilloscope stressant, «
Delirium Cordia » donne vraiment l’impression d’assister à un disque, certes fragmenté, mais prépondérant sur l’attente de l’auditeur pouvant difficilement réagir face à ce lâchage de pulsions...
Bouillabaisse expérimentale pour certains, plagiat éhonté pour d’autres, «
Delirium Cordia » fascine autant qu’il reste un disque barré et bien plus intéressant face à ce qui sort d’habitude de bien faisandé dans la production. Et même si l’influence de John Zorn est clairement perceptible, Fantômas délivre ici un album qui mérite une plus grande attention.
Non, décidément, cet album a de la gouaille...
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