On peut le dire avec certitude : monter un groupe de metal est bien plus facile actuellement que dans les années
1980. Il fallait plus d'argent à l'époque, tout le monde n'avait pas les moyens d'acheter le matériel adéquat, et la communication était aussi plus compliquée (pas d'internet bien sûr). Parvenir donc à créer un groupe dans ces années-là était déjà simplement gage de ténacité, et une fois cette étape passée les chances de réussite devaient logiquement être plus élevées. Mais évidemment tout ne se passe jamais comme prévu, on l'a bien vu avec le cas de
Deaf Dealer, et d'autres contraintes apparaissent alors. La maison de disque est l'une de ces contraintes, puisqu'il était quasiment impossible avant les années 1990 de produire des disques sans le support d'un label. Et même une fois ce palier atteint rien n'est joué, car de nombreux autres facteurs rentrent en compte, comme le succès commercial (très aléatoire), ou encore les inévitables tensions internes.
En ce qui concerne Simson, on peut dire qu'il s'agit d'un groupe ayant bien connu toutes ces difficultés, puisque formé en 1981, par deux amis Christian Jelonnek et Alex Bittmann, et ayant sorti un unique album en 1983.
Delilah sort donc en '83, juste après le remplacement du bassiste Werner Brunner par Karlo Rasch, vieil ami de Christian. La maison de disque en charge de la sortie, PPM Records (pour PowerPlay Music) n'est alors qu'un petit nouveau, à peine créé en 1982, et dont le seul fait d'arme fut de sortir les deux premiers albums de U8, avant de fermer définitivement ses portes en 2001. La cause de la chute de Simson n'est pas à chercher de ce côté ; certes le succès de
Delilah est resté minime du fait de la faible portée du label, mais ce sont plutôt des tensions intérieures qui ont été fatales aux bavarois. Dès 1984, soit à peine trois ans d'existence et un unique album, le groupe se sépare, et Simson appartient désormais au trop vaste panthéon des groupes n'ayant pas récolté les honneurs mérités.
Pour être plus précis et plus juste, disons qu'ils méritaient les honneurs pour leur potentiel plutôt que pour la qualité de leur premier et unique album, celui-ci ne touchant pas la perfection mais montrant indéniablement de bonnes dispositions pour un chef d’œuvre futur. Chef d’œuvre qui ne sera jamais créé vous l'avez compris, mais ce n'est pas pour cela qu'il ne faut pas s'intéresser à Simson, puisque ce
Delilah permet de passer un bon moment, et viens justement de ressortir en version remastérisée sur CD, par le label grec spécialiste de la réédition, Cult
Metal Classics.
Horses of
Fire déboule, sur un riff léger, une petite mélodie, une batterie discrète mais efficace, et une voix subtile. Simson ne fait pas dans le gros son, il s'agirait plutôt d'un Heavy Rock, flirtant tantôt avec le
Hard Rock, tantôt avec le Heavy. C'est n'est pas un morceau excessivement mélodique, mais force est de constater qu'il est hyper-entraînant. Le son des guitares, modernisé mais pas trop, est à la fois propre et typiquement années 80 : un délice. Si ce morceau vous plaît, alors il n'y a pas de raisons de ne pas continuer. On passe à
Kill the
Bitch, peut-être l'un des morceaux les plus musclés, mais aussi un des plus simples par sa structure : le simple ça a parfois du bon. Le très rock'n'roll We Know It's Right, But ... est mon coup de cœur, par sa petite mélodie de guitare tellement bien trouvée, qui rentre dans la tête insidieusement pour ne jamais en ressortir. From All Our Ways suit la même logique, avec peut-être moins de réussite (mélodies un peu trop faciles pour être honnêtes) mais le culte voué au rock'n'roll est tout aussi présent puisqu'il transparaît même dans les paroles :"From all our ways/Love has passed us by/From all our ways/Rock'n'roll will never die !". Pour ce lot de morceaux, difficile d'en sortir une référence particulière, car Simson a intelligemment mixé le meilleur de son époque en le ressortant à sa sauce. Un groupe néanmoins s'en rapproche assez bien, c'est
Thin Lizzy ; la voix d'Alex Bittmann est certes très éloignée de celle du regretté
Philip Lynott, mais question instrumental les similitudes sont bien là.
Les bavarois tentent aussi leur chance sur des titres un peu plus recherchés, où la guitare prend soudainement plus de libertés (les soli tombent souvent au moment où on s'y attend le moins, c'est troublant). Load It Up se démarque ainsi par un fabuleux passage instrumental, l'éponyme quant à lui fait dans le tout instrumental avec un feeling indéniable, et It's a Lie conclue sur de très belles parties de guitare et de batterie.
Malheureusement tout n'est pas de cet ordre, et Simson se fourvoie en partie sur quelques titres bien tentés, mais qui nous laissent sur notre faim. Les ballades sont bien sûr jolies, mais on atteint jamais l'émotion de celles présentes sur le Bad Reputation de
Thin Lizzy. Gotta Be Me ne parvient qu'à nous tirer une larme, mais le titre ne décolle jamais vraiment et c'en est bien dommage. Riding s’avérera plus accrocheuse, plus réussie, mais sans non plus parvenir à nous bercer complètement. Pour en finir avec les moments un peu en deçà, citons également Sweet
Angel, bien peu naturel et fort difficile à appréhender.
Mais ce n'est pas ces trois titres un peu faiblards qui feront mériter à Simson de passer aux oubliettes de l'histoire du metal. Ce
Delilah, bien qu'imparfait, est un très bon condensé d'influences bien variées et bien mélangées qui vous ravira. Cet album est aussi le reflet d'une époque ; l'époque bénie des bikers, se passant du
Steppenwolf à plein volume avant de faire vrombir la Harley, l'époque de ceux qui ont sué pour créer un groupe jouant leur genre favori, et c'est finalement cette époque qui nous influence encore aujourd'hui. Comme quoi il n'est jamais trop tard pour écouter ce
Delilah. Ressortez votre blouson de cuir et allez méditer tout ça.
Par contre justement je ne faisais pas de comparaison avec Thin Lizzy pour le chant. Je me cite "la voix d'Alex Bittmann est certes très éloignée de celle du regretté Philip Lynott, mais question instrumental les similitudes sont bien là."
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