Les Monts Tai (??, Tai Shan) dans la province du Shandong, l'une des cinq « Montagnes Sacrées » de la Chine taoïste, lieu chargé d'histoire et ampli d'une spiritualité séculaire. Tai Shan, comme la chanson de
Rush, écrite par un Neil Peart émerveillé après son voyage en ces lieux. De là nous vient
Deep Mountains, de Tai'an plus précisément, « petite » ville de 600 000 âmes nichée au pied des monts sacrés. Inspiré par ce cadre historique, le groupe, formé en 2009 par Wang Bao (guitare) et Liu Qiang (tout le reste), entend rendre hommage à la nature par le biais du Black
Metal.
Signé chez
Pest Productions, le groupe sort fin 2010 ce premier EP, éponyme. Une superbe pochette s'inspirant des gravures traditionnelles chinoises au fusain, à la fois épurée et ténébreuse met d'ores et déjà l'auditeur dans l'ambiance de ces 6 pistes et quelques 40 minutes de musique. Passée l'intro où une guitare cristalline égrène des arpèges mélodiques sur fond de bruits de nature et de choeurs lointains, l'album peut entrer dans le vif du sujet avec sa pièce maîtresse ?? (ndr: L'Âme de la Montagne).
Un chant d'oiseau, le bruissement des feuilles dans les arbres, une rivière s'écoulant au loin instaurent un climat doux et calme auquel vient se greffer une guitare méditative. Une batterie pesante et des chuchotements écorchés viennent petit à petit briser cette quiétude. La guitare se sature, la batterie devient lancinante, les chuchotements laissent place aux hurlements, le chant des oiseaux a disparu, tout n'est plus qu'obscurité et mélancolie. La transe noire s'intensifie, la bestialité a pris le pas sur la nature, la sauvagité n'est plus enchanteresse mais glaciale et brutale. Une accélération meurtrière poncutée d'hurlements désespérées précède une accalmie salvatrice et envoûtante avant de replonger dans la folie et la douleur. Le morceau se termine dans le calme, laissant les ambiances sylvestres reprendre le dessus.
Dans ces 10 minutes sont résumées ce que représente
Deep Mountains : un Black
Metal atmosphérique et épique aux structures progressives (entendez par là évolutives et non complexes et barrées) dont la dualité des émotions et des ambiances lui confère un caractère expiatoire et cathartique. Jouant habilement sur l'alternance de passages atmosphériques et d'autres typiquement Black
Metal,
Deep Mountains réussit à emmener l'auditeur dans un univers à la fois beau et torturé.
Pas nécéssairement malsaine, la musique est davantage noire et mélancolique, comme si la douleur et la haine pouvaient revêtir un caractère spirituel.
L'alternance des ambiances entre « ombre et lumière » et les longs morceaux aux structures fleuves permettent d'appréhender cet EP dans son intégralité et non comme une juxtaposition de morceaux. Ce premier effort éponyme se conclut sur le terrible ???? (ndr: La Tombée de la Nuit) brutal et désabusé mais aux ambiances toujours aussi travaillées. Enfin ?? (Funérailles Célestes) en guise de Bonus
Track propose un morceau à la structure plus classique dominé par une guitare mélodique très épique et ponctué d'un magnifique break acoustique semblant suspendre le temps.
On se prend à penser à
Bathory ou
Forgotten Tomb pour les références européennes, on pense indéniablement à
Zuriaake,
Empylver et
Vergissmeinnicht comme influences venant de l'
Empire du Milieu. Quoiqu'il en soit,
Deep Mountains propose un Black
Metal de qualité, personnel et terriblement prenant. La production absolument exceptionnelle permet d'entendre toutes les subtilités des riffs tout en conservant le grain saturé et froid des guitares.
Un véritable coup de maître pour un premier EP. Tandis que de nombreux groupes s'entêtent à démontrer que le Black
Metal n'est qu'une affaire de blasts et de blasphèmes, que la dépression et le suicide semblent devenus un fond de commerce et que d'autres groupes tournent des clips en caméra digitale multi-angles (
Gorgoroth,
Dimmu Borgir, pour ne citer qu'eux, ...),
Deep Mountains prouve que le Black
Metal est avant tout une ambiance, un état d'esprit, une douleur, une peine, une foi, une spiritualité, une intégrité... Magique et authentique.
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