Encore peu popularisé dans nos contrées,
Rising Sunset n'en est pourtant pas à son premier coup d'essai. En effet, fondé en 2001 par le guitariste et growler Carlo Calamatta, ce sexet maltais originaire de San Gwann est déjà à la tête d'un EP (« Rhema ») sorti en 2006, soit 6 ans avant son premier album full length intitulé «
Equinox ». Avec le line-up d'origine, le groupe officiait alors dans un power symphonique pur, orientation stylistique qu'il n'a pas totalement abandonnée mais qui, à l'aune de cette nouvelle offrande, s'est agrégée une touche dark plus marquée et des riffs plus lourds, tout en privilégiant le classique schéma vocal de la belle et la bête. Pour la mise en œuvre de ce second opus de longue durée, auto-production de 4 ans la cadette de «
Equinox » et déroulant 8 généreuses pistes sur un ruban auditif de 45 minutes, Carlo a sollicité les talents de : Christa Calamatta (mezzo-soprano au timbre proche de celui de
Tarja) ;
Ian Spiteri aux claviers ; Clifford Smith à la basse ; Joseph Camilleri (Carnivorous
Horde) à la guitare rythmique et Frederick Bowman (ex-Arachnid) à la batterie.
Ainsi, on voyage dans une œuvre dynamique, voire émoustillante, souvent orientalisante, parfois émouvante, au son propre, jouissant d'une qualité d'enregistrement de bon aloi et d'un mix équilibré entre instruments et voix. En outre s'observe une belle profondeur de champ acoustique et un sens du détail logistique à la hauteur de la maturité du groupe. Ce faisant, si l'originalité n'est pas le point névralgique du propos, celui-ci renferme néanmoins quelques prises de risques, notamment sur les passages les plus sombres. Inspirée par des formations aussi hétéroclites que
Nightwish,
Epica,
Amberian Dawn,
Imperia,
Dark Sarah, pour le versant symphonique ;
Tristania,
Draconian, pour sa touche dark gothique, la troupe nous fait comprendre que les effets de contrastes ne sont pas rares, jouant la carte de la diversité atmosphérique, et qu'elle souhaite dorénavant évoluer dans la cour des valeurs montantes de son registre metal d'appartenance.
Message est ainsi lancé à la concurrence...
Comme pour nous renvoyer à son passé, le combo maltais nous octroie quelques moments power symphonique bien sentis, excluant de fait la fibre dark. Ainsi, des nappes synthétiques orientalisantes dans le sillage d'
Epica (à l'époque de « The Divine
Conspiracy ») nous enveloppent sur le frondeur «
Tower of Babel », envoûtant titre power symphonique aux riffs rocailleux et nourri de frappes sèches qui tendent à s'accélérer et d'un tapping en suspension. A l'instar de l'illustre groupe néerlandais, des growls incisifs contrastent avec les sculpturales envolées lyriques de la belle, cette dernière de par ses chatoyantes patines nous rappelant par là-même les premières heures de gloire de
Nightwish, à l'aune de « Oceanborn », notamment. On appréciera, en outre, tant le fin legato à la lead guitare sur un bref mais prégnant solo que l'infiltrant cheminement mélodique de l'effort. Pour sa part, sur une rythmique syncopée, l'orientalisant mid tempo « Battle of Thermopylae », à la manière d'
Epica, laisse entrevoir la finesse de ses arrangements ainsi qu'une sente mélodique jouant sur les nuances, comme pour mieux ensorceler le tympan. Dans ce climat brûlant, les opportunes attaques de growls mises en regard des caressantes volutes de la sirène stimulent l'envie d'y revenir.
Moins axées power que sympho progressif, d'autres plages ne se sont pas révélées moins aptes à générer un headbang bien senti. Mid tempo progressif aux riffs massifs, l'invitant « The Last Day of Pompeii » en est l'archétype. A la manière de
Dark Sarah, dans la lignée de « Behind the Black
Veil », ce titre capte rapidement l'attention. Accélérations et ralentissements inattendus sont au programme, ainsi qu'une belle progression rythmique d'un corps orchestral qui lentement s'étoffe, l'ensemble évoluant sur une ligne mélodique magnétique et typiquement nightwishienne. Au maître instrument à touches, par de délicats arpèges, de fermer la marche d'une plage immersive à souhait, que l'on ne quitte qu'à regrets. De son côté, dans la lignée symphonique d'
Amberian Dawn (première période), avec une touche d'
Imperia quant à ses harmoniques, et un rappel gothique de
Tristania, l'incandescent et progressif «
Caligula » ne manquera pas son effet, laissant entrevoir un réel pilonnage de caisse claire, des riffs tels des rouleaux compresseurs et un tapping martelant. Et ce, tout en conservant le cap quant à sa mélodicité, nourrie de légères et captatrices oscillations, judicieusement mises en exergue par le duo mixte, jouant à plein de leurs talents comme des effets de contrastes qu'ils génèrent, pour nous rallier à leur cause. Et, là encore, la magie opère.
Parfois, le collectif méditerranéen a répondu à d'autres exigences, orientant certains passages vers le dark gothique à part entière. Ainsi, l'offensif «
Nephilim » nous lacère de ses riffs tranchants et nous plonge dans une atmosphère gothique sombre, un tantinet angoissante, et ce, non sans rappeler les premiers travaux de
Tristania. Ambiance doom renforcée par les incessantes et glaçantes attaques de growls, ici rendus éminemment caverneux. Toutefois, les puissantes et charismatiques impulsions de la diva contrebalancent l'inquiétante noirceur du climat de la piste, nous poussant même à une franche addiction. Dans cette mouvance, c'est sur des charbons ardents que l'on entre dans la danse et que l'on évolue à la lumière de «
Desert Fathers », puissant passage dark gothique progressif où pleuvent les blasts comme les gimmicks à la lead guitare. En outre, un pont techniciste 'draconien' de bonne facture s'immisce, alternant avec les mordants assauts de nos deux vocalistes. Si le tracé mélodique s'avère un poil linéaire, voire en-deçà des pistes voisines, il n'en demeure pas moins lisible et agréable, renvoyant à une série d'accords bien harmonisés.
Enfin, le groupe a également harmonisé les tendances, conjuguant metal symphonique progressif et dark gothique dans des espaces d'expression témoignant de quelques prises de risques mais s'avérant parfaitement sous contrôle. Dans cette énergie, l'altier et corpulent « At the
Gates of Tiberias » s'offre telle une rutilante et impondérable fresque symphonique progressif aux relents dark. Moult changements de tonalité et variations rythmiques s'inscrivent dans la complexe trame de cette généreuse offrande. A la croisée des chemins entre
Epica, pour son atmosphère orientalisante et la puissance de ses frappes, et
Nightwish, quant à la dissémination de ses harmoniques et eu égard à la nature de ses arrangements, cette pièce en actes libère un solide et délectable solo de guitare. Ce ne sont pas les gradations de la frontwoman qui nous feront lâcher prise, explosant littéralement le plafond de verre de son vibrant organe. Impressionnante de par le déploiement de son instrumentation, frissonnante de par le ténébreuse empreinte du growler, enivrante de par son parfum capiteux d'Orient, cette pléthorique livraison a pour corollaire une parfaite cohésion entre instrumentation et lignes vocales et une technicité d'expérience difficile à prendre en défaut. D'autre part, dans une ambiance gorgonesque à la sauce
Draconian, avec un zeste de
Nightwish (première mouture) quant à sa rayonnante couverture synthétique, « Rameses II » est un mid tempo progressif dark symphonique gothique nous plongeant tantôt dans de lugubres espaces décharnés, tantôt dans de souriantes et classieuses harmoniques, savamment entretenues par les célestes inflexions de la déesse. Ce faisant, il ne retient pas moins l'attention.
L'exploration des arcanes de ce message musical laisse l'agréable impression d'une formation qui en a sous le pied, tant sur le plan technique que mélodique. Revenue dans les rangs 4 ans après son précédent opus, aux fins d'un travail minutieux en studio, on comprend qu'elle s'est laissée le temps de la progression et de l'affinement de son projet, en témoigne la qualité de la production d'ensemble de son dernier-né.
Rising Sunset livre, in fine, une proposition bien inspirée, variée et forte. Ayant déjà participé à plusieurs festivals locaux (
Shellshock,
Extreme Metal Assault (XMA),
Metal over Malta) et partagé l'affiche avec
Draconian,
Helevorn, Doomas et Daylight Mysery (
Metal over Malta Festival 2015), le combo maltais entend désormais élargir le champ de son auditorat, notamment en
Europe. Nul doute que « Decretum » devrait lui ouvrir les débouchés espérés. Du moins, on ne peut que le lui souhaiter...
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