Suite au split de la mythique formation doom «
Cathedral », le guitariste britannique Garry Jennings, qui avait consacré près de vingt ans de son existence au projet, se sent en quelque sorte devenu un orphelin. C’est un peu amer qu’il se décide à autre chose. Il veut continuer à produire de la musique, de la musique doom. Aussi son regard se tourne du côté de la Belgique et du combo «
Serpentcult ». Garry est admiratif du chant de Michelle Nocon. Aussi se décide-t-il à la contacter et de la convaincre de rejoindre son nouveau projet qu’il a baptisé «
Death Penalty » en hommage au fameux premier disque du groupe Black Sabbathien des années 80, «
Witchfinder General ». Un volume qu’il considère comme album de chevet et source d’inspiration. Il n’est pas vraiment question de revenir à du «
Witchfinder General » sur ce «
Death Penalty » là, bien que la musique voulue par Garry Jennings s’approcherait davantage du heavy metal que du doom qu’il avait joué lorsqu’il était encore membre de «
Cathedral ». L’opération se concrétise en toute fin 2013 et réunie, outre Garry et Michelle, le batteur de «
Serpentcult » Frederik Cosemans et le bassiste (belge lui aussi) Raf Meukens qui avait fait partie du groupe «
Gorath » avant que celui-là ne splite. Ils prendront ensemble les chemins des studios et enregistreront le single «
Sign of Times », puis leur album éponyme dans la foulée, tous deux sur l’éminent label Rise Above Records. D’après des racontars, la corde de pendu porte chance. En tout état de cause, le premier volume de «
Death Penalty » procède à une belle exécution. Il y aura donc des porte-bonheurs à revendre.
La courte introduction «
Grotesque Horizon » annonce un spectacle tragique, de pure désolation, par quelques riffs doom d’ampleur. Ce qui va suivre nous emmène pourtant aux antipodes de la tristesse. Ainsi le titre qui suit, « Howling at the Throne », s’adonne à un style heavy metal tout en excentricité, en dynamisme, empruntant un jeu bourru à l’américaine. La guitare et la batterie s’y expriment de manière très éloquente, offrant un son démentiel et prenant. Le chant de Michelle est lui également très investi, ressemblant quelque peu sur ce titre à celui de Nina Osegueda de la formation «
A Sound Of Thunder ». Ce complet dynamisme ici présent n’est néanmoins pas le reflet de l’album en son intégralité. C’est véritablement avec « Howling at the Throne » et avec le hard rock d’«
Immortal in Your
Hand », que nous aurons un aperçu rageur, nerveux et réjouissant de la musique de “
Death Penalty”. «
Immortal in Your
Hand » a d’ailleurs un bon goût de brûlé. Il faut dire que les membres, Michelle en tête, s’y sont défoulés et ont sorti toutes leurs tripes. Mais, n’ayez aucune crainte, le restant de l’opus affiche certes moins de violence, mais est bien loin de s’avérer mauvais.
Ainsi, «
Eyes of the
Heretic » comme d’autres s’illustrent dans un schéma un brin plus posé. Ça se concrétise par un chant plus attendrissant, façon Alia O’Brien de «
Blood Ceremony ». Le riffing, tout aussi solidement bâti emprunte un cheminement plus direct. La rythmique s’en retrouve toute mécanique. Il y aura bien quelques déraillements de cette lourde machine à vapeur sur des solos dantesques de Garry. Sur «
Eyes of the
Heretic » et « Into the
Ivory Frost**”, on observe une approche vers le vieux heavy metal britannique du tout début des années 80, notamment «
Black Sabbath » dans sa période
Dio. Sur « Into the
Ivory Frost** », le riff se retrouve plus discipliné, flexible aux seules évolutions vocales de Michelle. Cette dernière cherche en ce milieu d’album à nous envouter par sa voix possédée, semi fantomatique. Le très passager «
The One that Dwells » en offre une manifestation des plus déroutantes, bien qu’elle ne réussisse moins à nous charmer qu’à travers «
Children of the
Night ». Nous y apprécierons le jeu tenace de la guitare sur les couplets. Mais cette stabilité, cette force rigide se vaporise sur un refrain hanté, où les intervenants changent subitement de nature.
L’album se singularise en grande partie pour l’extrême solidité de la guitare, qui ne l’empêche pas pour autant de faire preuve d’audace. C’est aussi la conséquence d’un projet placé sous la houlette d’un guitariste de renom. Nous en avons de très bons exemples avec le riffing compressé et concassant de l’imparable « Golden Tides ». Le riffing est par contre plus fluctuant sur un « She Iis a Witch » assez insoluble, parfois ténébreux. On croit deviner un riff thrashy en tout début, avec que celui-là se renfrogne. Garry nous fait une démonstration à la fois de puissance, mais donne aussi le rythme le plus lent de l’album. Comme sur « Into the
Ivory Frost** », il se soumet aux évolutions vocales de sa chanteuse. Cette chanson de nature massive se démarquerait fortement d’un fluet et vivifiant « Written by the
Insane », résolument plus moderne et mélodieuse, exploitant pleinement les efforts de Michelle par ses évolutions rapides et sa subtilité, capable de bienveillance, de chaleur, mais aussi de virulence, d’impétuosité, essentiellement sur son refrain groovy.
Que les anciens ne s’imaginent pas une refonte de «
Cathedral » par l’intermédiaire de son ex-guitariste. «
Death Penalty » n’a pas la prétention d’adopter un doom psychédélique comme aux grandes gloires que furent « The
Ethereal Mirror » ou «
The Carnival Bizarre » durant le début des années 90. Les temps ont changé, les envies aussi. Toute l’équipe de Garry Jennings et de Michelle Nocon ont opté pour un doom traditionnel, plus en phase avec le heavy metal. A en croire ce disque, Garry et Michelle se complètent parfaitement, l’un faisant état d’une grande rigueur à la façon d’un Tony
Iommi, l’autre se révélant changeant, insoumise. Une fleur sauvage que l’on a peine à cueillir du fait de ses épines. Il est dit que personne ne se mettra la corde au cou en écoutant cet ouvrage. Point de châtiment ou de condamnation. Ce n’est pas pour autant que l’on n’y comptera pas un petit lot de victimes. Ceux-là se retrouveront les yeux ouverts, la mine réjouie, appelant ainsi d’autres vivants à les rejoindre au trépas.
15/20
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