Il y a des groupes qui nous font baigner dans le mystère quant à leur pourquoi du comment.
Silencer est de ceux-là. Il y a des groupes qui ont besoin de faire 10 albums pour exploiter toutes leurs facettes.
Silencer n'est pas de ceux-là. Il y a des groupes qui ont réussi à concentrer tout leur talent en un seul album.
Silencer est de ceux-là. Il y a des groupes qui font l'unanimité.
Silencer n'est pas de ceux-là. Il y a des groupes qui touchent.
Silencer est de ceux-là. Il y a des groupes banals. Oh que non,
Silencer n'est pas de ceux-là. Il y a des groupes à rumeurs.
Silencer est de ceux-là, et c'est un peu dommage d'ailleurs. Dans le cœur d'un metalleux, il y a un album, un seul, qui est placé à des années-lumière des autres. Et dans mon cas c'est Death –
Pierce Me. Vous allez donc avoir droit à une chronique passionnée, par un passionné, pour – je l'espère – de futurs passionnés; et plutôt subjective. Mais comment ne pas l'être, avec un album pareil ? À mon sens, il y a 4 types de personnes qui vous parleront de Death –
Pierce Me. Ceux qui l'ont écouté, compris et apprécié, ceux qui l'ont écouté et ont développé une allergie, ceux qui l'ont écouté et pour qui le disque n'est qu'un bon moyen de se faire peur et ceux qui ne l'ont pas écouté et qui en parlent quand même. Attention, je n'ai pas dit qu'une catégorie était pire qu'une autre… À part la 4ème, bien sûr. Ceci dit, je me permettrai de créer une 5ème catégorie qui risque d'envelopper beaucoup moins de monde: celle des gens qui sont tombés raide-dingues de l'album de sieur Nattramn (fantôme de corbeau, en Suédois dans le texte).
Pas besoin de vous faire un dessin, c'est là que je me trouve. Mais parlons du groupe:
Silencer, groupe suédois de DSBM créé en 1995, regroupant Leere (futur
Shining), Steve Wolz (futur
Bethlehem), et Nattramn (futur
Diagnose Lebensgefahr). Rien qu'à la vue des gros noms, l'affiche est plutôt alléchante… Le groupe n'a sorti qu'un seul album, en 2001, et a splitté juste après. Aucun concert. Les présentations sont faites.
Après cette courte introduction, parlons de l'album. Premièrement, le matériel: 7 titres, dont une outro et une version démo, un digipack avec une cover au premier abord très laide, mais qui se révèle attachante, voire intrigante avec le temps; les textes (j'y reviendrai) et deux photos: celles de Leere (composition, arrangements, guitares, piano, basse) et Nattramn (chant), qui, elles, plantent le décor: toutes deux en noir et blanc, le premier est à peine visible, caché dans le noir, on en aperçoit seulement une partie du visage et les mains, le deuxième a une photographie beaucoup moins sobre: on nous le montre ensanglanté, le visage caché derrière un masque, les mains bandées et remplacées par des pieds de porc.
Portrait hors-du-commun pour un personnage qui ne l'est pas moins. Ça aussi, j'y reviendrai.
Vous êtes prêts à appuyer sur Play? Allons-y. L'album s'ouvre sur une mélodie, une des plus belles que j'ai eu l'occasion d'écouter. À 1:46, un cri. Celui de Nattramn. Celui qui a fait sa "renommée". Un cri de désespoir, suraigu, fort souvent utilisé dans la scène DSBM. Mais ce cri a quelque chose de plus, d'attirant, un certain charisme s'en dégage. Il ferait presque peur. S'en suit une guitare saturée, quelques accords et un blast, formule que semble adorer le groupe. Nous écoutons ici du Black dépro, ne l'oublions pas. Pourtant, c'est dans ces parties que l'on comprend l'intelligence extrême du groupe, qui, en jouant une musique dite minimaliste, nous prend aux tripes comme peu savent le faire.
Mort, dépression, solitude, tristesse, automutilation, haine, mal-être, suicide.
L'étrange vocaliste nous décrit sa détresse, son mal de vivre dans un titre époustouflant, où les mélodies, bien que simplistes, vous portent, transportent et entraînent dans une valse infernale. Mais l'art du groupe ne s'arrête pas ici. Si le mot "Peur" est revenu assez souvent dans cette chronique, ce n'est pas pour rien: pour la première fois de ma vie, j'ai sursauté en écoutant un disque, ceci grâce à l'interlude au piano mi-titre, mais je n'en dirai pas plus, ne gâchons pas l'effet de surprise, qui ne s'usera qu'après une dizaine d'écoutes. Je pourrais aussi citer le final absolument terrifiant de Taklamakan.
Étouffements, hurlements, schizophrénie, saturation, lourdeur, pleurs.
Les finals, justement, parlons-en: à mon humble avis, c'est la carte maîtresse du groupe, il nous y dévoile tous ses visages: tour à tour mélancoliques, résignés, tristes (le titre éponyme), rock'n'roll (Sterile
Nails And Thunderbowels), ambiants (The
Slow Kill In The
Cold) ou épiques (I Shall Lead, You Shall Follow). Visages qu'on retrouvera un peu partout dans l'album, je pense notamment à l'intro ambiante de la 2ème piste ou à celle, Rock'n'roll, de Taklamakan, terriblement fraîche pour le genre. J'ai parlé tout à l'heure du hurleur de service. Une fois le côté "surprenant", passé, on lui découvre bien d'autres talents: écoutez plutôt les backing vocals de Sterile
Nails And Thunderbowels (dont, je tiens à le préciser, le "clip" est un fan-art, il n'est aucunement officiel). Une voix dans les mi-graves, écorchée et qui nous propose même quelques gimmicks. Ugh ! Un timbre grave que nous retrouverons dans son projet
Drone,
Diagnose: Lebensgefahr. Cette âme en peine est aussi écrivain à ses heures perdues (son premier livre a été publié il y a peu), et ça se sent. Prose et vers sont extrêmement bien maniés, à l'image des paroles d'I Shall Lead, You Shall Follow, du moins les premiers paragraphes, Nattramn nous livrant quelques pensées antisémites par la suite. Inutile que je le cite.
Mais les petits bonheurs font aussi les grands. The
Slow Kill In The
Cold, titre le plus long et répétitif de l'album. En plein milieu, un sample. Une phrase répétée 3 fois. "I… I… I got blood on my hands". Ceux qui ont écouté comprendront. Il me faudrait 10 lignes pour la décrire, tant elle me fait de l'effet. Là encore, ce n'est pas le seul atout du titre; les arrangements touchent au génie, comme partout dans l'album, et à 9:30, c'est n'est plus le son d'une batterie qui parvient jusqu'à nos oreilles, ce sont des seringues, des milliers, tombant sur nous, s'acharnant et plantant leurs aiguilles. Ce que Steve Wolz est capable de nous faire ressentir à ce moment est incroyable, et on ne peut qu'être bluffé par son jeu tout le reste de l'album: il est groovy, rapide, technique, blasté de manière hallucinante, lourd, ou simplement jouissif avec une double-pédale impressionnante. Il n'est donc pas en reste face au talent de Leere (décidément homme à tout faire, puisqu'il a aussi écrit les paroles du titre), génie pourtant resté dans l'ombre face au succès du vocaliste, surtout célèbre pour les rumeurs qui courent sur lui, pour son passage en asile psychiatrique et pour l'internement de son frère. Et je trouve ça dommage. Vraiment.
J'ai l'impression que les gens passent totalement à côté de la musique pour se concentrer sur les "petits extras". Inutile que le groupe fasse un deuxième album, tout a été dit ici.
Silencer nous a livré un album unique, un chef-d'œuvre d'une rare noirceur, riche mais homogène, nécessitant plusieurs écoutes mais accrocheur dès la première, talentueux, avec une prod' simplement parfaite (il suffit d'écouter la démo pour constater l'évolution du groupe) et surtout touchant, allant au plus profond de nous-mêmes, s'enfonçant dans nos abysses les plus extrêmes et dont on ressort vide, comme nous l'étions au commencement. Indispensable ou inécoutable, faites votre choix. J'ai fait le mien.
Post scriptum: "Après une chronique si élogieuse, pourquoi seulement 18 sur 20?" me direz-vous. L'espoir. L'espoir qu'un jour quelqu'un dépassera cet album, l'espoir que l'on fasse encore mieux. Car, bien que Death –
Pierce Me prône la mort, l'espoir fait vivre.
PS2: Désolé pour le pavé, j'espère que vous avez pris un peu de plaisir à lire cette chronique, j'en ai pris tellement à l'écrire, et à réécouter ce disque en boucle. J'ai du l'écouter 100 fois, le plaisir reste et le frisson est toujours le même.
TheDeath.
Et même trés souvent quand je vais mal, j'écoute Silencer(The slow Kill in the cold le plus souvent)... pour être encore plus mal.. je sais que c'est sadique en vers moi, mais c'est le but de cette musique.
Un excellent album! C'est vrai que la voix est clivante, et je comprends qu'on ne la supporte pas, mais quelle beauté !! Et ce mur de guitares....
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