Nouvel entrant dans le si convoité registre metal symphonique à chant féminin, conscient des enjeux et des risques encourus à venir guerroyer sans complexe, ni armure, ce jeune combo irlando-polonais a néanmoins souhaité déjouer tout pronostic. Aussi, tout juste sorti de terre début 2018, le groupe a-t-il tenté de relever le défi d'une incursion, voire d'une évolution rapide dans l'antre de la bête. Se lançant tout d'abord avec prudence dans la bataille, le collectif ira jusqu'à accélérer un tantinet le pas en cette fin d'année. Ce faisant, il n'en révèle pas moins un projet savamment élaboré cristallisé par des compositions sortant parfois des poncifs du genre. Une démarche courageuse, témoignant d'une rare détermination à en découdre de la part de nos valeureux gladiateurs...
Né de la rencontre entre la claviériste Małgorzata Antosz-Konieczna et la mezzo-soprano Agata
Pawłowicz, avec la récente intronisation du guitariste Piotr Pobłocki, le trio sort, dans la foulée, deux singles («
Out of Control » et « Bordeline »), auxquels succédera, quelques mois plus tard, son premier album full length «
Dark Letter » ; auto-production généreuse de ses 56 minutes où s'enchaînent 10 pistes d'obédience rock'n'metal symphonique gothique aux relents dark, opératique et cinématique, dans la veine de
Nightwish,
Xandria,
Draconian,
Tristania et
Flowing Tears. S'il nous octroie des arrangements instrumentaux de bonne facture, ce pléthorique opus laisse cependant échapper l'une ou l'autre sonorité parasite, un persistant sur-mixage des lignes de chant et de gênants effets de distorsion. Mais entrons plutôt dans le vaisseau amiral...
Quand la cavalerie s'emballe, en dépit d'un manque cruel de profondeur de champ acoustique, et aux fins de plusieurs passages circonstanciés, certaines plages trouveront néanmoins les clés pour générer chez le chaland un headbang subreptice. Ainsi, à mi-chemin entre
Nightwish et
Draconian, l'intrigant «
Confession » décoche ses riffs roulants adossés à une rythmique saillante. Dans cette gorgonesque ambiance, reposant sur des séries d'accords peu convenues, parfois déconcertantes, où s'immiscent d'énigmatiques clapotis au piano, déambulent les claires et toniques oscillations de la sirène. Une pièce dark symphonico-opératique des plus complexes, à réserver à un tympan averti. Dans cette mouvance, on retiendra le ''rhapsodien'' «
Swan Song, Pt. 1 » tout comme le corrosif « Freak » davantage pour leurs entêtants refrains qu'au regard de leurs couplets empreints d'une tenace linéarité et de finitions lacunaires.
Lorsqu'elle nous mène en de luxuriants espaces metal symphonico-progressif, la troupe peinera davantage à encenser le tympan. Aussi, les chemins de traverse abondent à l'instar de «
Requiem », ''tristanien'' mid tempo progressif au cheminement d'harmoniques des plus désarçonnants et à la noirceur infinie. En outre, nombre de notes résiduelles sont essaimées sur notre parcours. Concédant de flottants enchaînements intra-piste et une souffreteuse empreinte vocale, l'effort s'avérera peu propice à une inconditionnelle adhésion. Dans une même dynamique, dans l'ombre d'
Imperia se glisse « Toy », tortueuse offrande symphonique gothique aux insoupçonnées variations rythmiques. S'il ne manque guère de mordant, l'ombrageux manifeste bien souvent nous égare de par la fréquence de ses frasques et une sente mélodique peu loquace. S'il distille moult coups de théâtre bien amenés, l'imposant et glaçant « Scarlet » imposera, par ailleurs, d'engloutissantes séries de notes doublées d'un manque cruel de pep.
Parfois, la cadence se fait plus mesurée et le spectacle, hélas, un tantinet soporifique, nos acolytes ne trouvant pas là les clés susceptibles de magnétiser le pavillon. D'une part, nous faisant pénétrer dans une atmosphère crépusculaire, au cœur d'une terre peuplée d'inquiétantes créatures, le ''draconien'' mid tempo « Theatrum Mundi » vogue sur un sillon mélodique des plus monocordes. De plus, tant ses riffs grésillants arc-boutés sur une rythmique un peu molle du genou que les déroutantes impulsions de la déesse éprouveront quelques difficultés à nous rallier à sa cause. D'autre part, en dépit d'une belle gradation du corps instrumental, le félin et plantureux « Anneliese » nous immerge au sein d'une bien inhospitalière contrée, où foisonnent les chapelets d'accords aux enchaînements mal assurés.
Pas sûr d'y revenir un jour.
Au moment où la pression retombe d'un cran, que les espaces se font feutrés, le collectif témoigne d'une sensibilité à fleur de peau. Dans cette lignée, à la confluence entre
Xandria et
Flowing Tears, « Justine » se pose telle une ballade atmosphérique gothique aux fines nuances mélodiques, aux portées à apprivoiser au fil des écoutes. Mis en habits de soie par les troublantes et incantatoires modulations de la maîtresse de cérémonie, l'instant privilégié se fait à la fois évanescent et mélancolique. Techniquement plus complexe et d'une mélodicité en demi-teinte, bien que sous-tendu par un joli filet de voix, le poussif low tempo «
Swan Song, Pt. 2 », quant à lui, demeurera définitivement dans l'ombre de son voisin.
Au final, le combo nous livre une œuvre à la fois complexe, énigmatique et empreinte de noirceur, qui ne se domptera qu'aux fins de plusieurs passages pour les plus motivés des chalands. Concédant une ingénierie du son résolument fragile, témoignant d'une inspiration mélodique encore timide et d'une empreinte vocale restant à affûter, l'opus ne se prêtera que malaisément à une écoute en boucle. C'est dire que nos compères se feront fort de se laisser le temps de faire mûrir leur projet et d'asseoir leurs compositions sur des bases harmoniques plus stables. Certes, l'effort s'avère diversifié sur le plan rythmique et laisse entrevoir quelques prises de risques, qualité souvent requise par moult de leurs homologues. On aurait cependant souhaité un élargissement de l'offre sur les axes atmosphériques et oratoires et des exercices de style plus variés pour nous sustenter. Bref, une glaçante et friable offrande en guise de message de bienvenue...
Vous devez être membre pour pouvoir ajouter un commentaire