Il n’y a pas à dire, s’il y a un pays qui a toujours eu un goût prononcé pour l’art baroque, horrifique et grandiloquent, il s’agit bien de l’Italie. Qu’il s’agisse du cinéma - avec Mario Bava, Lucio Fulci, George Romero ou Dario Argento - ou de musique (citons la scène rock progressive italienne, ainsi que, dans un autre registre, les précurseurs que sont
Death SS,
Mortuary Drape ou
Opera IX), nos amis transalpins ont montré depuis les années 60 une véritable fascination pour les univers sombres et fantastiques et se sont illustrés dans la création d’ambiances occultes et ésotériques aussi bien sonores que visuelles.
Aujourd’hui comme à la belle époque, cette tendance est toujours d’actualité, puisque c’est désormais
Arcana 13 (à ne pas confondre avec les deathsters japonais du même nom dont le nombre s’écrit en chiffres romains !) qui débarque fièrement avec son premier album,
Danza Macabra, défendu par Aural Music.
D’emblée, la magnifique pochette signée Enzo Sciotti (responsable entre autres de nombreuses affiches de films de Fulci, Argento, Raimi et Bava) nous saute aux yeux, avec son style unique et immédiatement identifiable, et on comprend que les Italiens ne font pas les choses à moitié pour nous plonger dans leur univers : les huit titres qui composent ce premier album sont l’interprétation musicale du combo de huit classiques du cinéma horrifico-fantastique italien. De fait, le pont entre cinéma, musique et paroles est omniprésent, ce qui fait d’
Arcana 13 un groupe assez atypique au concept particulier dans lequel imagerie, effets visuels et musique sont inextricablement liés.
Dread
Ritual ouvre les hostilités, plus long titre de l’album du haut de ses 7,09 minutes, mélangeant passages stoner doom et rock progressif teinté de psychédélisme. Référence horrifique oblige, ce sont des samples du classique de 1960 de Mario Bava, La
Maschera del Demonio, qui nous accueillent, nous plongeant directement dans l’ambiance occulte tissée avec soin par les Italiens, suivis par des riffs lourds et suffocants très doom et des arpèges insidieux et dissonants qui font sensiblement monter l’angoisse. Le chant se fait clair et aigu, un brin daté, assez lointain et brumeux et comme enveloppé d’une légère réverb’, renvoyant directement aux années 70, tout comme ces quelques nappes de clavier aux sonorités d’Hammond qui renforcent l’aura horrifique du morceau. Un petit bidouillage de guitare strident à 4,56 minutes, et c’est ce passage lourd et poisseux du début, à la disto baveuse, qui revient nous écraser impitoyablement, nous imposant la facette la plus sombre du combo italien. Le morceau se termine sur ces stridences bruitistes de guitare tandis que des samples malsains d’incantations démoniaques et de hurlements de damnés nous emplissent les oreilles.
ArcaneXIII est plus mélodique mais possède toujours cette fibre ésotérique et ensorcelée, avec ces chuchotements mystérieux que l’on croirait issus de quelque vieux grimoire et ce stoner rock bien rythmé et entraînant qui nous renvoie à un sabbat de sorcières outrancier, à la fois fascinant et repoussant de débauche. Andrea Burdisso se fait maître de cérémonie de sa voix haut perchée qui perce le voile vaporeux de ces guitares pour mieux nous guider dans cette orgie, se faisant particulièrement hypnotique en fin de morceau, scandant les dernières phrases comme un moine iconoclaste récitant une formule magique.
Pour résumer, le quatuor italien évolue dans une sorte de dark rock mêlant des influences stoner, progressives et doom. En fonction des passages et des morceaux, on pensera notamment à des groupes comme
Black Sabbath,
Pentagram,
Trouble ou même
Ghost, de même, la filiation avec
Void of
Sleep, dont Andrea Burdisso est également le chanteur et le principal compositeur, est assez évidente, notamment dans ce mélange de genres assez particulier et cet enchaînement entre passages lourds et heavy et parties plus éthérées. L’influence du rock occulte des années 60/70 est également présente, et la reprise du cultissime thème de Suspiria, popularisé par Goblin en 1977, vient nous le rappeler de la plus belle des manières. Moins effrayante que l’originale, la version d’
Arcana 13 gagne néanmoins en puissance et en intensité, se faisant plus directe et metalisée.
L’album s’achève sur un
Hell Behind You de 7,07 minutes au début assez planant et introspectif avec ce refrain lent, sombre et envoûtant, et quelques sursauts plus énergiques rappelant le grand
Black Sabbath. Ce morceau vient clore 52 minutes d’une musique solide et maîtrisée aux atmosphères bien marquées, mais manquant peut-être un peu d’intensité et de profondeur pour nous embarquer pleinement dans ce voyage horrifique.
A défaut d’être un chef d’œuvre d’originalité et de virtuosité, ce
Danza Macabra est donc un premier album réussi et travaillé qui fera passer un bon moment à tous les amateurs de bon heavy rock doom et d’ambiances fantastiques. Bienvenue dans la danse macabre…
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