Dire que le nouvel album de
Kaoteon aura mis du temps à sortir est un doux euphémisme. Voilà près de sept ans qu'on l'attendait! C'est dire que nos Libanais aiment vraiment prendre leur temps puisque, bien qu'actifs depuis 1999, ils n'en sont aujourd'hui qu'à leur deuxième méfait. Il faut savoir qu'entre temps, les musiciens ont déménagé aux Pays-Bas, bien qu'ils n'aient pas expliqué la raison de ce déplacement, probablement pour échapper à l'instabilité régnant dans leur pays d'origine qu'est le Liban. Quoi qu'il en soit, nos musiciens ont pris un malin plaisir à dévoiler l'album presque chanson par chanson depuis avril 2017, et nous présentent enfin ce nouveau manifeste tant attendu qu'est "Damnatio Memorae".
Il est à préciser que, depuis 2011, plusieurs changements de formation se sont opérés. Tout d'abord, l'ancien batteur Ziad a quitté le groupe, faisant que, de l'ensemble des membres originaux, il ne reste plus que le chanteur Walid et le guitariste/bassiste Anthony. Pour ce disque, les Libanais ont fait appel à des invités dont j'évoquerai les noms plus bas. Jetons tout d'abord un œil sur cette pochette, bien plus noire que celle de son prédécesseur, représentant cette fois-ci un titan, sûrement
Atlas en train de porter non pas le poids du monde mais celui de la mort, puisque trône sur ses épaules un gigantesque crâne recouvert d'une aura macabre noire. Le seul point commun entre les deux productions est le titre écrit lui aussi en latin. Voyons donc ce que nous réserve ce mémoire de la damnation.
Pas le temps de commencer par une piste introductive que l'éponyme déboule à cent à l'heure avec un énorme "My Heavens Differ from Yours" scandé d'une voix d'outre-tombe avec des riffs tranchants aussi black que death, bien que l'on sente toutefois une plus grande profondeur black metal sur cette chanson. On y retrouve la brutalité à la
Anaal Nathrakh pour le son très accrocheur des guitares, et un chant ni trop death ni trop black mais dont les cris glaceront le sang à coup sûr, et même quelques blasts comme le font si bien les lointains confrères norvégiens à la batterie, avec cette impression de mur du son à l'image de "Ragin Hellfires".
Dans l'ensemble, les Libanais restent fidèles à eux-mêmes avec ce black death très destructeur. Mais plusieurs petits plus sont à noter comme le fait d'avoir fait appel à des invités de marque pour combler les vides de basse et de batterie. J'ai nommé l'allemand Linus Klausenitzer d'
Obscura à la basse, dont le jeu s'entend très bien sur "The
Will" et le batteur Fredrik Widigs de
Marduk. Mais bien loin de vouloir devenir un groupe de death technique aux saveurs de black brutal, ici les lignes de basse les plus techniques sont très courtes, et la batterie se fait tout aussi massacrante comme on peut l'entendre sur des titres comme "Barren Lands". Au niveau des paroles, là où "
Veni Vidi Vomui" mettait l'accent sur les horreurs de la guerre, ici le sujet est le même, mais est plutôt exprimé par des métaphores relatives au fanatisme religieux, dénonçant aussi bien le terrorisme que l'extrémisme religieux et la corruption politique.
Là où Damnatio Memorae se distingue de son ainé est qu'il incorpore un plus grand nombre de sonorités noires comme sur l'éponyme ou "
Non Serviam". Seulement, ce que
Kaoteon gagne en noirceur, il le perd légèrement en puissance. En effet, bien que la batterie soit rageuse, elle est bien moins mise en avant qu'autrefois faisant qu'on l'entend et la ressent moins. Et pour des pistes plus noires comme "
Venom of Exalt", le côté obscur du morceau l'emporte sur tout, en particulier sur un chant d'outre-tombe qui réveillera plus d'un mort, la rendant presque anecdotique. Mais cela ne veut pas dire que l'album soit de mauvaise facture, au contraire. Le tout reste très plaisant, c'est juste que c'est moins bourrin, et un peu plus raffiné.
L'album se termine donc avec "A Breath" et ses accents très orientaux pour nous rappeler que nous avons affaire à des hommes du désert.
Kaoteon signe là un retour en force, et semble bien parti pour être une future valeur sûre de la scène moyen-orientale.
Merci à toi d'avoir pris le temps de lire la chronique, et merci aussi pour la précision quant au "Damnation Memorae", en te souhaitant une bonne écoute par la même occasion ;) !
Je te remercie ! Il est clairement sur ma liste d'achat !
Merci pour cette bonne chronique camarade! J'étais en train de plancher dessus, mais je pense que je ne vais pas publier mon texte car je partage assez ton avis: je placerais ce nouvel album un petit cran en dessous de Veni Vidi Vomui, car moins intense, et parfois un peu trop dispersé dans ses différentes influences, ce qui lui fait un peu perdre en homogénéité. Ceci dit, ça reste du bon boulot, un album solide avec quelques morceaux particulièrement destructeurs, et les vocaux de Walid sont tout bonnement monstrueux!
Du coup, je vais mettre de côté mon ébauche de texte et me consacrer à l'interview que j'avais prévue de faire, et qui apportera certainement un nouvel éclairage sur ta chonique.
Je découvre le groupe, la chronique m'a interpelé sur un point "ses accents très orientaux pour nous rappeler que nous avons affaire à des hommes du désert" Je crois qu'il faut réviser la géographie et la sociologie des différents peuples en parallèle de la musique ;o)
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