Parfois il faut du temps pour qu'un groupe atteigne sa maturité et ne trouve sa voie et si l'objectif de sortir un vrai premier album est bien sûr un but pour énormément de groupes, il serait bon parfois de rappeler à certains de faire chaque chose en son temps ce qui leur éviterait de sortir des productions mal branlées en début de carrière.
Weird Fate a su s'armer de patience ce qui expliquait probablement le niveau en tout point excellent de leur premier album « The
Collapse of All
That Has Been » sorti en
2012 soit onze ans après leurs débuts... Un album qui avait reçu un très bon accueil de la part de la critique mais qui ne leur avait pas non plus permis de percer plus que ça auprès du public...
En bref,
Weird Fate sont allemands et font du black metal, un black metal initialement plutôt efficace et qui maniait des aspects brutaux tout en gardant une belle qualité atmosphérique derrière et qui recelait de petits bijoux... Allez m'expliquer qu'un «
Manifest of the Crestfallen » n'était pas un des tous meilleurs titres sortis en
2012 avec cette deuxième partie conférant au génie...
Bref, loin de se reposer sur leurs lauriers ou d'essayer de ressortir une « copie » de leur premier album, les allemands ont fait évoluer leurs racines, leur style et toujours aussi mystérieux et discrets au niveau médiatique, sortent, à nouveau chez
Cold Dimensions (le label de
Lunar Aurora), «
Cycle of Naught », leur second-né.
Entre les deux albums, il y a eu un certain nombre de changements, déjà dans la structure globale de l'album qui a fait fi des transitions instrumentales ambiantes présentes sur l'album précédent. Du coup celui-ci est plus court et a moins de pistes, même si le nombre de morceaux « réels » est le même, résultat : on est plus vite dans le vif du sujet et il y a moins de moments pour souffler...
D'autre part, si « The
Collapse of All
That Has Been » était tout sauf monolithique, les structures plus ambiantes ou plus true étaient bien délimitées, là où les repères sont chamboulés sur ce «
Cycle of Naught » qui semble avoir été passé au shaker avec des aspects plus modernistes et avant-gardistes qui rappelleront ce que fit récemment
Deathspell Omega ou pour rester dans la scène allemande, l'album d'Ascension : Consolamentum...
Tout y est : les arpèges néfastes avec ces passages en guitares « clear », les passages plus ambiants limite religieux, où ils se permettent même parfois de mettre des chœurs solennels et bien sûr les moments de vraie sauvagerie soutenue par des blastbeats furieux. On notera une certaine habitude de commencer les morceaux avec les séquences les plus calmes à l'image d' « Irretrievable » ou «
Inside the
Sore » dont les introductions pourraient sortir du post-black de
Borknagar.
La grande force de
Weird Fate sur l'album précédent qui était la variété et l'excellente tenue de la basse, est toujours présente même s'il faudra tendre un peu plus l'oreille du fait des variations des structures, elle demeure largement au dessus de la norme des groupes de black metal tant en technicité pure qu'en imagination, ne se contentant en aucun cas de suivre la batterie...
Du fait de la variation du style, le groupe perd tout de même un peu en efficacité et on manquera un chouïa de riffs dévastateurs, surtout vu que le premier en était bourré, mais cela va également avec un gain de solennité et de malveillance, une fois qu'on a franchi la limite des structures complexes, qui rendent l'album bien plus difficile à intégrer. Il y a certes des passages dans l'esprit du premier album totalement jouissifs à l'image de la conclusion de « Of
Void and
Illusion » mais elles sont bien moins étirées que par le passé avec automatiquement une baisse de leur impact...
On n'est clairement pas en présence d'une catastrophe et «
Cycle of Naught » surpasse par bien des aspects la moyenne de la scène actuelle, cet album aura clairement de quoi se hisser sur les étagères des fanatiques de structures complexes frustrés par le silence radio de
Deathspell Omega, auprès d'un
Dodecahedron (même si moins technique) ou
Thantifaxath (même si moins obscur)...
Un titre comme « Foreboding » demeure diabolique et pourrait très bien se retrouver sans rougir sur un Paracletus.
Au final, c'est une nouvelle réussite que ce «
Cycle of Naught », peut-être moins impérissable que son prédécesseur, mais qui a au moins le mérite de ne pas faire tourner en rond le groupe. On sait qu'il est très difficile de confirmer quand on a d'entrée de jeu taper un très grand coup, nombre de groupes s'y sont mordu les doigts.
Weird Fate y parvient peu ou prou en faisant évoluer son style, même si par là même, ils se rapprochent d'un domaine contenant plus de groupes en l’occurrence le vrai post-black moderne et sont moins fixés sur leur propre domaine, entre deux, qu'ils arboraient sur « The
Collapse of All
That Has Been ». Mais bon, si on fait le compte, après un premier album excellentissime, les allemands en sortent un deuxième tout à fait méritoire... A ce rythme, on va finir par les prendre pour un bon groupe...
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