Prehistoria, voilà un un nom de groupe de
Metal bien alléchant. D'autant que leur premier EP sorti en début d'année vient arborer une fort jolie livrée. Ma curiosité en est titillée. L'imagination travaille et anticipe de la sueur et du sang, du fruste et du brutal, bref, la guerre du feu, quoi. Oui, je sais, nos ancêtres des cavernes n'étaient sans doute pas les rustres bas du front de l'imagerie traditionnelle, mais c'est tellement agréable de se vautrer dans le cliché.
Le quintette est formé en 2020 à Indianapolis, mais il rassemble des musiciens répartis sur quatre états US et le chanteur collabore même avec un groupe de
Metal symphonique mexicain. La formation est jeune mais tous ses membres ont une expérience conséquente. Je vous épargnerai l'interminable liste à la Prévert des groupes dans lesquels ils ont joué ou jouent encore : je n'en connais aucun et ma plus-value serait très faible. Signalons simplement que seul le chanteur Alonso « Zo » Donoso officie dans le Heavy/
Power, les instrumentistes ayant un profil plus extrême (Thrash plus ou moins technique, Death plus ou moins brutal ou plus ou moins Black, voire les deux). Sachant que le groupe affiche travailler dans le registre de l'« American
Power Metal », un tel background augure d'une affriolante dose de rugosité.
Vous l'aurez deviné, j'étais plein d'idées préconçues en attaquant la première écoute de l'EP «
Cursed Lands ». Las ! Mes barbares attentes ont immédiatement volé en éclats (de silex, bien sûr). Je m'étais sans doute trop reposé sur la très SOMmienne catégorie de
Power Metal américain : ici, on a ce que l'on désigne sur ce site comme du
Power européen pur jus, vif et mélodieux. J'attendais la rudesse du grossier biface acheuléen, je tombe sur de la pierre polie néolithique. Oh, c'est joli, la pierre polie, mais par définition, ça manque d'aspérité. Et puis, comme c'est souvent le cas en
Power, la batterie me soûle avec une double pédale qui tire d'interminables rafales ; faut lever le doigt de la détente de la MG 42, les gars, le canon va fondre (oui, je sais, l'image n'est pas trop préhistorique).
Je m'ennuie un peu, mon esprit divague et s'amuse à forger les vannes foireuses avec lesquelles je vous accable. Tout ceci est un peu cro mignon, ça manque de poil aux pattes et d'haleine de fauve. Trois titres défilent, ils me semblent stéréotypés, du sous-
Helloween, du sous-
Stratovarius. Je bâille, d'un bâillement félin de tigre à dent de sabre, mâchoires démesurément distendues promettant de se refermer en un claquement sec sur le souvenir d'un groupe apparemment destiné à rejoindre les couches géologiques les plus profondes de mon expérience musicale.
Et soudain, mes tympans assoupis vibrent d'un regain d'intérêt. Coup d’œil à la tracklist, on en est à l'éponyme
Cursed Lands, le dernier de l'EP. Prélude avec tonnerre et vents, classique mais toujours efficace pour planter une ambiance ; intro lourde et mélodieuse, puis accélération résolue, va-t-on tomber dans une fuite en avant par trop banale ? Non, un riff plein d'allant soutenu par la voix éveille l'attention. Moins constamment aigu, plus varié, le chant se révèle plus rêche et plus prenant. Le riff convainc, les soli possèdent un tranchant d'obsidienne. Le break en arpège est soutenu par la basse veloutée de
Ian Bender, lui succède un chant plus posé chargé d'un authentique pathos entretenu par un fort joli lead.
Ma foi, c'est un bon morceau, riche d'émotion épique. Le doute me prend. Un groupe qui sort ce
Cursed Land aurait-il pu rater à ce point le reste de l'EP ? Il va me falloir réécouter ça avec plus d'attention. Voyons voir ça.
Purgatorio est plus heurté que je ne l'avais perçu, il s'éloigne du groove rapide d'un power bateau : c'est très notable avec la batterie de Cody Johns, beaucoup plus variée. Le chanteur a la pêche, ses lignes bien soutenues par des chœurs sur le refrain ne manquent pas de profondeur. Et il fallait vraiment que je dorme pour ne pas être touché par les purs jaillissement guitaristiques de Max Otworth et Shaun Cothron. Non, mais ça tabasse vraiment bien, avec un bon équilibre mélodique. Pour ma part, la composition est plus faible que celle de
Cursed Lands, certains choix musicaux (les ponctuels arrières-plans orientalisants) affaiblissent le propos, mais c'est sûrement une affaire de goût.
Castles est quant à lui bien plus lisse et je comprends mieux qu'il m'ait laissé initialement de marbre. Pourtant, le substrat instrumental est excellent et Alonso « Zo » Donoso s'affirme comme un excellent chanteur, très à l'aise dans les aigus prolongés. Quand on écoute mieux, la batterie s'avère moins stéréotypée, le riff plus teigneux, même si le souffle mélodique domine largement. On a aussi des passages plus scandés, et toujours des envols de guitares à l'harmonieuse élégance.
C'est ce parti-pris d'esthétisme raffiné qui domine de bout en bout l'effrénée cavalcade de l'opener, Time. Pour le coup, j'étais complètement passé à côté la première fois, plus je le réécoute et mieux je l'apprécie. D'une pureté de diamant, la voix de Donoso surfe sur la stratosphère, appuyée sur une rythmique bien plus bourrine qu'il n'y paraît. Je l'ai d'abord détesté, il devient mon second titre préféré de «
Cursed Lands ».
OK. En général ça marche, mais la première écoute n'est pas toujours la bonne. Cet EP inaugural est bien meilleur que je l'avais pensé de prime abord ; je remonte ma note de vraiment pas beaucoup à un bon 13, j'hésite même sur le 14. Messieurs, je vous promet d'écouter votre futur full length avec plus d'attention, voire avec intérêt, désolé de vous avoir ainsi étrillé en début de chronique. Bon, je ne suis pas mécontent qu'un océan nous sépare et me mette à l'abri de vos gourdins vengeurs...
Eh mais c'est quoi ce bazar ? Oh nom d'un pithécanthrope, leur shaman a invoqué un mammouth en train de défoncer consciencieusement l'avant de ma maison ! Z'ont pas le sens de l'humour, les gus ! Bon, les amis, je vous laisse, je me carapate côté jardin...
Ha ha, excellent texte !
Merci pour cette description aussi précise qu'humoristique!
J'ai pris beaucoup de plaisir à te lire. Merci. Par contre, je n'écouterai certainement pas. Avec une telle pochette et un concept, malheureusement et bizarrement sous-exploité dans le metal, j'aurais aimé une musique plus rude, rappelant les mystères et la férocité de cette époque issue du fond des âges... Dommage.
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